Budapest By Buli*

Budapest By Buli*

Budapest Parcours

Par Emmanuelle Sacchet

Bonheur que de vivre la ville sous des hospices de fêtes*, de celles que vos proches vous concoctent lors d’un passage à un âge paraît-il important. Et Budapest pour le coup est plus que complice pour leur trouver de bons prétextes, 24/24h, 7 jours sur 7.

Une semaine, c’est effectivement le temps qu’il aura fallu pour effeuiller les cadeaux curieusement sans papier et disséminés dans la ville, mon écrin favori. “Kerts”, spectacle, massage, encombrants, tour en avion, BBQ et concert. Le ton est donné pour sept pêchés capiteux !

Le bal a donc été ouvert au Jelen, Blaha Lujza tér, dans ce nouveau bar branché bien nommé présent où l’on boit au comptoir du Jägermeister à des prix dérisoires, entre un présentoir de bijoux créés en pneu de vélo et une bande de joyeux lurons. Le tour du pâté de maison et une volée d’escaliers suffisent pour nous transporter au 7e ciel du Corvin tetô. Un monde fou se déchaîne en pleine semaine sous les volutes sonores ensorcelantes de Palotai, le roi des DJ et le DJ des rois. Pour preuve qu’on était à sa cour, un ange n’a eu de cesse de photographier les sujets occupés dans un pas de deux bien binaire pour les lancer sur antropos.hu, le Kulturális Online Magazin.

Ayant pointé du doigt une affiche d’un autre rythme, mon œil regarde au bras long m’a téléportée au Sportaréna pour taper des pieds avec STOMP. Stomp, une bande de percussionnistes acrobates formée à l’été 1991 qui fait du bruit, puis du son, puis de la musique avec des objets quotidiens, du balai à la poubelle. C’est du pop art pour les yeux, du rythme pour les oreilles, du théâtre pour les pieds. Une mise en scène participative avec un public qui en redemande est la bonne surprise de ce spectacle bien rôdé.

Pour se remettre les neurones et les muscles en place, un tour à la case massage est une invitation thérapeutique bienvenue. Surtout quand il s’a-git des doigts de fée d’Isabelle Lê.

Vaillant comme un sou neuf, on n’hésite pas à suivre un Robika faire un Budapest by night des 24h d’encombrants du VIIe arrondissement. Ces dépôts aux trottoirs des rebus de la vie sont le baromètre ultra précis du vent qui tourne, des temps qui changent et d’une population en mutation. Les chineurs professionnels ratissent par atavisme selon une organisation ancestrale : madame garde les objets trouvés pendant que monsieur cherche la remorque. La vie des gens est éventrée sans vergogne et réduite à peu de chose où les souvenirs se ramassent à la pelle. Les ersatz du communisme ont flanché sous la concurrence déloyale des cartons Ikéa, preuve des nouvelles tendances. Notre récolte restera dans du petit mobilier 60’s, on ne se refait pas. Mais les encombrants d’été du centre-ville ont surtout la particularité de susciter des salons privés. Les jeunes investissent les canapés à la dérive pour se créer à eux tous seuls des “kerts” à même le trottoir où il fait bon vivre et avoir 20 ans. Puissent-ils le savoir déjà.

La cerise sur le gâteau reste ce mémorable tour en avion depuis l’aérodrome de Budakeszi. Un pilote beau comme un Top gun fut débauché une heure durant pour zigzaguer au-dessus de Budapest. Quelle stupéfaction alors de relier si facilement à vol d’oiseau tous ces quartiers connus, saucissonnés en articles ! Alternant patrimoine culturel, bâtiments publics, industriels ou privés, trésors écologiques, rêves communistes ou capitalistes, notre vie de fourmis est d’une implacable organisation. La ville paraît petite cependant, merveilleusement sculptée des méandres du Danube. La grande plaine de Pest interdite de survol par les couloirs aériens de Ferihegy laisse toutefois entrevoir des pans entiers de blocs d’immeubles démolis. Côté Buda, la vie semble effectivement plus verte, plus belle ? Les collines harmonieuses regorgent de villas satisfaites qui gri-gnotent inexorablement la forêt qui rétrécit au fil des passe-droits municipaux. Ça, c’est pour la mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que la capitale magyare est aussi une vraie splendeur vue du ciel.

Dans ces mêmes collines, un feu de joie fut lancé un soir pour fêter tant de beauté et d’amitié. Un BBQ comme on dit, dont le “peszgô” n’a fait que ravi-ver l’intensité. Sauf celle de Monsieur ELMÛ puisqu’à minuit, la maison de Cendrillon s’est vue privée d’électri-cité jusqu’au petit matin. Et comment danser sans courant continu je vous le demande ? Eh bien grâce au violon klezmer de cet invité spécialisé en musique traditionnelle de Transylvanie. A la lueur des bougies, il a fait tourner les jupes, les cœurs et le bouchon d’Unicum.

Et comme 40 bonheurs n’arrivent jamais seuls, une ultime invitation est venue boucler cette semaine festive. Un concert de la chanteuse Beáta Palya connue à ses 20 ans dans des petits salons concerts solo à quelques convives tout ouïe. Elle remplit aujourd’hui la salle de spectacle du Palais des Arts avec son spectacle de Psyché adapté de Weöres Sándor. La voix de velours de Beáta Palya, riche de ses origines tziganes, s’est formée à l’école de la musique traditionnelle hongroise et des Balkans ainsi que par l’étude des chants perse et indien. Son travail d’improvisation l’a voit récompensée en 2002 par le prix Artisjus (la Sacem hongroise). Regardez la petite chanteuse Lili dans le film Transylvania de Tony Gatliff, c’est elle ! Son sourire ravageur qui donne l’impression de ne chanter que pour vous est l’ambassadeur de la culture hongroise pour l’année 2008.

La morale de cette histoire est qu’à chaque jour ne suffit pas sa peine, que les joyaux de la ville sont faits pour être vécus et, pour peu qu’on en prenne soin, il y en aura encore et pour tout le monde quand la bise sera venue.

budapestparcours@yahoo.fr

 

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