Big Brother
Les médias en garde à vue
La dernière séance pléniaire avant les vacances parlementaires a été marquée par de nombreuses décisions capitales, comme le discours de mise au point de Viktor Orbán sur les récents résultats du gouvernement, mais aussi le vote de plusieurs modifications de la loi sur les médias.
Selon la révision de la loi sur les médias, les télécommunications et médias hongrois seront désormais contrôlés par une seule et même autorité: l’Autorité Nationale de Télécommunication et des Médias (MNHH), elle-même dirigée par le Conseil des Médias, dont le président sera directement nommé par le Premier Ministre. Les conseils de surveillance des médias publics seront ainsi remplacés par un seul centre de décision qui aura le pouvoir de nommer les PDG des sociétés publiques, notamment des télévisions Duna ou Mtv.
Par ailleurs l’adoption de ce nouveau “paquet” législatif s’effectuera en plusieurs étapes graduelles qui débuteront par la modification de la constitution sur le statut des services publiques, dont un pilier important est la réglementation des télécommunications, suivie de l’établissement du cadre de régulation des médias, puis de la loi sur les médias en tant que telle, partie la plus exhaustive qui entrera en vigueur l’année prochaine. Une fois cette nouvelle législation instaurée, l’Autorité Nationale des Radios et des Télévisions (ORTT) sera donc remplacé par la MNHH qui veillera, à travers son organe de décision reflétant la composition du Parlement, marquée par la forte majorité du Fidesz, au respect du droit relatif aux médias publics et privés. Le président de la MNHH, également président du Conseil des Médias, une fois les membres désignés par le Parlement, sera nommé par le Premier Ministre pour une période de 9 ans. Le patrimoine et les revenus des entreprises de service public seront dirigés via le Fond d’Administration des Biens des Médias du Service Public.
Au dernier moment, la loi a été complétée par des amendements contradictoires sur les contrats de droits d’émission. Ces derniers seront considérés nuls et non avenus si les prestataires de services, c’est à dire des candidats, commettent des fautes lors la procédure d’appel d’offre. Cet amendement fait clairement référence à la récente attribution, en novembre dernier, de fréquences radios à Neo et Class FM au terme d’une procédure d’appel d’offre ambiguë. Le renforcement de l’arsenal législatif semble ainsi s’être imposé comme seul recourt dans le cadre de ce genre d’affaires. Il est à noter toutefois que les radios “détrônés”, Slager et Danubius, qui s’étaient alors vu retirer leur droit d’émission et leur fréquence, ont récemment gagné leur procès contre l’ORTT et sont censée pouvoir récupérer leur droit d’émission. Le renouvellement de l’arsenal législatif sert toutefois de garantie implicite aux nouvelles radios, qui peuvent ainsi conserver leurs fréquences récemment acquises.
Le “paquet-médias”, voté en un temps record, a toutefois fait l’objet de vifs débats parlementaires. Les critiques ont portées d’une part sur l’absence de concertation, notamment avec les représentants de la société civile, privant par ailleurs l’opposition de la possibilité de proposer des modifications au texte. «En Grande Bretagne par exemple, la législation des médias est le résultat de 4 ans de débats publics. En revanche, la Hongrie n’aurait besoin que d’un week-end pour définir de nouvelles orientations législatives et constitutionnelles en la matière», a souligné Gergely Karácsony, député LMP, regrettant l’absence d’harmonisation entre les intérêts civils et politiques. La nouvelle loi sur les médias fait également grincer les dents des organisations professionnelles, tant au niveau national qu’international. Selon le communiqué de l’Organisation Européenne de Coopération et de Sécurité (EBESZ), les modifications mettent en péril le pluralisme et la liberté de la presse hongroise, risquant l’infiltration de décisions politiques dans le secteur des télécommunications, une pratique allant à l’encontre des normes EBEKata BorsSZ. La nouvelle réglementation est également contreversée par la Fédération des Journalistes Européens (EJF), qui redoute une presse, qu’elle soit écrite, en ligne ou audiovisuelle, fortement contrôlée par l’État, comme à l’époque socialiste. Sur ce point, le Conseil Constitutionnel reste en effet très général en soulignant seulement “l’importance” de l’indépendance des médias hongrois, libres de toute influence politique, gouvernementale ou parlementaire. D’autres voix sceptiques objectent le fait que les différents types de médias sont régulés de façon homogène, c’est à dire qu’un blog Internet, une chaîne télévisée thématique ou un hebdomadaire seront amenés à répondre aux mêmes obligations. En ce qui concerne la restructuration des conseils de surveillance des médias publiques, László Czeglédi, président du conseil de surveillance MTV, exprime sa satisfaction sur la centralisation des autorités, mesure qui améliorerait potentiellement l’efficacité du fonctionnement des médias publics, d’autant plus que la performance des autorités sera au centre de l’attention lors de la prochaine présidence hongroise de l’UE.
Kata Bors