Bienvenue en Hongrie !
Enquête sur les citoyens immigrés issus de pays non-européens
A l’initiative de la Fondation du Roi Baudouin et du Migration Policy Group, l’ICCS Budapest a entrepris de vérifier si les politiques d’intégration étaient à la mesure des espoirs et des besoins des immigrés en Europe, plus précisément des immigrés qui arrivent d’un pays tiers, c’est à dire d’un pays autre que la Suisse, ou que l’un des pays de l’Union européenne. L'hiver dernier, j’ai eu l’occasion de participer à cette enquête. Les immigrés anglophones des IXe et XIIIe arrondissements faisaient partie de ma cible.
Il faisait froid, j’avais mal aux genoux, j’étais tombée sur pas mal d'adresses d’appartements inoccupés, ou occupés par une autre personne que celle indiquée sur ma liste, mais tout cela m’a permis de connaître un peu la vie de gens très différents en une demi-heure voire en une heure car l’occasion de pouvoir raconter les épreuves et les expériences de leur vie semblait un plaisir pour la plupart des immigrés à qui j’ai parlé.
L’Enquête sur les citoyens Immigrés a été menée dans 15 villes de 7 pays de l’Union : la Belgique (Anvers, Bruxelles, Liège), la France (Lyon et Paris), l’Allemagne (Berlin et Stuttgart), la Hongrie (Budapest), l’Italie (Milan et Naples), le Portugal (Faro, Lisbonne et Setubal), l’Espagne (Barcelone et Madrid). Le but de cette enquête était de fournir de l'information et une base de données qui pourraient être utilisées tant par les acteurs gouvernementaux que non gouvernementaux de la politique d’intégration. La population cible de l'enquête était les immigrés de première génération âgés de 15 ans ou plus, issus d’un pays non-européen résidant dans le pays depuis plus d’un an, et possédant un titre de séjour régulier. Parmi les 15 villes, c’est à Budapest que le plus de personnes (1201) ont été interrogées, dont 51% d’hommes, néanmoins seule la Hongrie ne participait qu’avec une seule ville. Outre les Hongrois ethniques (447), 350 immigrés asiatiques, 160 musulmans, et 244 d’origines diverses ont été interrogés. Budapest étant la ville la plus habitée de Hongrie (3307 personnes/ km2 à Budapest, contre 79 personnes/km2 dans les autres régions en moyenne, mais avec une différence importante entre le nord et le sud du pays, 62-44% au sud et 95% au nord), offrant aussi le plus d’emplois, était presque la seule cible possible pour les immigrés.
Il faut aussi noter que les immigrés ne sont pas très nombreux en Hongrie puisqu’ils ne représentent que 3% de la population totale. 7 083 personnes sont arrivées de Chine et 6444 personnes des États-Unis, dont ceux qui y sont partis en 1956. Les immigrés viennent surtout des pays voisins, (Roumanie: 177 138 personnes, de l’ex-Yougoslavie: 28 835 personnes, de L’ex-Union soviétique : 26 897 personnes, d’Allemagne: 23 735 personnes, de République tchèque et de Slovaquie : 23 370 personnes, puis d’Ukraine: 10 344 personnes, de Serbie: 7 549, d’Autriche: 7 435 personnes). Au total, de ce fait, près de 2/3 des immigrés de Hongrie n’ont pas fait l’objet de cette enquête.
Le cas de la Hongrie est assez spécial vu les évènements historiques et les décisions politiques du 20e siècle. Par rapport au reste des immigrés, les Hongrois ethniques constituent un ensemble assez homogène, avec des caractéristiques spéciales quant aux stratégies de migration et aux opportunités offertes par le pays. Considérés par le gouvernement hongrois comme groupe bénéficiant de facilités et ayant en conséquence un autre statut économique et un autre statut sur le marché de l’emploi. Même si les Hongrois ethniques bénéficient d’une discrimination positive, seuls 10% des autres immigrés disent avoir fait l’expérience d’une discrimination professionnelle.
La presque totalité des immigrés d’origine hongroise parlent hongrois, c’est aussi valable pour les ressortissants de l’ex- Union soviétique, de l’Ukraine et de la Serbie. De ce fait, 78% des immigrés parlent hongrois et si l’on enlève les Hongrois ethniques plus de 60%. Les Hongrois ethniques constituaient 37% de l’échantillon (442 personnes). En général, dans les sept pays, les cours de langue du pays offerts par l’État sont de plus en plus répandus sans être obligatoires, mais la connaissance de la langue est une condition imposée par l’État pour l’acquisition de la nationalité en Espagne, au Portugal et en Hongrie. Ailleurs, elle peut l'être également pour l’attribution d’un titre de séjour de longue durée. Les cours de langue hongroise ne sont pas trop connus des immigrés et 27% ne sont pas du tout motivés pour approfondir leur connaissance de cette langue.
Les naturalisations sont plus fréquentes dans les anciens pays d’immigration : l’Allemagne, la France et l’Italie et dans les groupes bénéficiant de facilités en Hongrie et en Espagne
Généralement, les immigrés se sentent partout mieux en ayant acquis la nationalité, même si cette acquisition a été précédée, en général, d’un temps d’attente de plus de 5 ans.
Sans nous immerger dans la politique ethnique de l’État hongrois, il faut mentionner qu’il a introduit en 2010 une nouvelle loi sur la citoyenneté, offrant aux Hongrois de l'étranger la citoyenneté hongroise sans condition de résidence. Cette loi parmi d’autres lois de réunification nationales ont été adoptées par le Parlement le 20 août, jour anniversaire de la fondation de l'État hongrois. D'après la nouvelle loi sur les élections, votée par 2/3 des députés, depuis le 23 décembre 2011, les Hongrois vivant hors des frontières ont le droit de vote ce qui leur permettra de voter lors les prochaines élections en 2014, tout comme les Hongrois ethniques immigrés devenus citoyens et les citoyens hongrois.
Sinon, pour avoir le droit de voter en Hongrie, les immigrés doivent avoir au moins un titre de séjour de longue durée. Tandis que la plupart des immigrés voteraient s’ils en avaient le droit dans les 7 pays, en Hongrie cette proportion n’est que de 63%. Ce sont plutôt des immigrés ayant déjà la citoyenneté hongroise. Les Hongrois non immigrés ne sont pas plus actifs dans ce domaine car d’après les données d'août de Sonda Ipsos le taux de ceux qui ont l’intention de voter est de 30% seulement. Certains des immigrés en Hongrie se déclarent membres d’une organisation politique (2,2%) mas pas d’une organisation d’immigrés ou ethnique. Quant aux syndicats, les immigrés en sont plus souvent membres (4,7%) que les Hongrois eux-mêmes. Ceci est également valable pour les villes belges, françaises et italiennes.
Il est vrai qu’en Hongrie la majorité des immigrés se considèrent Hongrois, nés dans une Hongrie qui avait d’autres frontières. Ceux qui sont nés hors de l’Union européenne (actuelle en 2012) mais sont de langue maternelle hongroise représentent 37% des personnes interrogées. La première question du questionnaire était donc choquante pour beaucoup de personnes âgées de plus de 67 ans, qui m’ont répondu avec une forte émotion, pour ne pas dire plus : «Mais je suis Hongrois ! »
La plupart des immigrés actuellement séparés ne veulent pas demander un regroupement familial, certains par choix familial, mais d’autres en raison d’obstacles politiques. C’est en Hongrie que la proportion de ceux qui n’ont pas de conjoint ou n’ont jamais été séparés de leurs famille est la plus élevée. Et comme tous les Hongrois ethniques ont droit à la citoyenneté hongroise, il n’y a pas vraiment besoin de demandes de regroupement familial. Ceux qui demandent pourtant un regroupement familial ont plutôt des expériences positives avec les autorités.
En ce qui concerne l’emploi et la formation, d’après le MIPEX (Migrant Intégration Policy Index) de 2010, les immigrés nés hors de l’Union européen ne bénéficient pas d’une politique favorable sur le marché de l’emploi, ce qui est dû en Hongrie tout comme en Belgique à l’inégalité de traitement et au soutien peu ciblé des services concernés. Un travailleur immigré sur deux et deux chômeurs immigrés sur trois ont dit qu’ils devaient poursuivre des études supplémentaires dans les pays de l'enquête. Budapest semble être une destination prometteuse pour les immigrés interrogés car seuls 5% restent sans emploi, contre environ 15 à 25% dans les pays de l’ICS. L’autre bout de l’échelle étant Liège avec 38%. Ainsi les immigrés à Budapest sont moins intéressés par une formation qui leur permettrait de se développer. Le chômage en Hongrie est d’environ 11% actuellement. L’explication est que les immigrés ont, en général, une meilleure qualification pour le même poste. L’aspect négatif est qu’ils sont surqualifiés pour leur emploi. Cette tendance n’est pas unique en Hongrie, elle est également valable pour les émigrants Hongrois.
Les 3 raisons principales indiquées pour ne pas poursuivre une formation étaient le coût des formations, les conflits avec le travail et les responsabilités familiales. Les immigrés sont plus touchés par ces difficultés que la population générale sauf en Hongrie ou l’on retrouve ces arguments pour justifier des années de vie actives passées sans formation.
Les résultats de l’enquête sont surprenants et contredisent les préjugés sur les problèmes de l’immigration. Généralement, les immigrés apprécient les offres d’intégration et sont aussi satisfaits de leur vie que la plupart des habitants du pays qu’ils ont choisi.
En Hongrie, ce sont les musulmans qui ont, en général, le plus de problèmes d’intégration et sont les immigrés les plus récemment arrivés. Le groupe d’immigrés le plus traditionnel est celui des Hongrois ethniques qui se débrouillent le plus facilement évidemment. Quant à l’activité économique, les Hongrois ethniques sont les moins actifs et les Asiatiques sont les plus actifs, ce sont aussi les plus satisfaits de leur vie et ceux qui reportent le plus de discriminations et de conflits d’emploi. C’est dans le domaine que l’origine compte le plus d'après cette étude, mais l'âge, la date d’arrivée en Hongrie et le statut sur le marché de l’emploi comptent aussi. En Hongrie, un peu plus de 70% des immigrés actifs sont satisfaits de leur vie. Alors que, d'après une étude de Sonda Ipsos, 89% des Hongrois aimeraient une vie plus heureuse et pensent que toutes les autres nations du monde sont plus heureuses…
J’ai parlé à des gens tout à fait différents. Des vieux adorant le Premier ministre et des vieux qui le détestent. Des gens riches qui vivent au bord du Danube dans un appartement de quatre pièces, mais insatisfaits, et un vieil homme traducteur-interprète qui a perdu la vue, n’a qu’un vieux chien et un petit appartement très simple dont le dernier meuble a été acheté il y au moins 20 ans, mais qui lui est satisfait. Le bonheur, le niveau de satisfaction est influencé par beaucoup de facteurs que l’étude prend en compte, mais il en reste un, différent : la capacité individuelle de pouvoir se sentir heureux n'importe où.
Csilla Katona
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