Barbe Bleue revisité

Barbe Bleue revisité

La biographie romancée n’est pas un exercice facile… Peu d’ailleurs s’y aventurent. Et pourtant, avec Le Château de Béla Bartók, le pari est plutôt réussi car on passe un moment de lecture agréable en compagnie de l’un des musiciens les plus célèbres de Hongrie sans sombrer dans la mièvrerie.

Dès le début de l’ouvrage, le lecteur est emporté dans le monde du grand compositeur hongrois grâce à l’idée originale de l’auteur, Max Genève, consistant à partir de la musique de Bartók pour rédiger le livre de sa vie. En effet, librement construit autour du personnage de Barbe bleue, qui fascina Bartók au point de lui en inspirer son unique opéra, ce livre se veut un véritable conte biographique dont les sept chapitres sont autant de portes ouvertes, une à une, sur la personnalité mystérieuse de Béla :

Première porte : Le cours du Danube (1er mai 1892), suivi de Concerto d’amour (1907), Béla et Béla ou les 7 femmes de Béla Bleu (1918), La sonate à Jelly (1922), La soirée avec Thomas Mann (1936), Divertissement alpestre (1939) et enfin Ne sait quand reviendra ou le départ pour New York (1945).

De Nagyszôllôs (ancienne ville de Hongrie aujourd’hui rattachée à la Roumanie) à New York, en passant par Zurich et Budapest, on ne s’ennuie jamais.

On chemine tout doucement sur la route de Bartók et on découvre de façon plaisante la personnalité de ce petit prodige de la musique qui jouait avec des petits blocs de bois fixés aux semelles car ses jambes d’enfant n’atteignaient pas les pédales du piano !

On croise sur son passage des personnages éminents tels que Stravinsky ou Thomas Mann. A cet égard, on regrette que l’évocation de Thomas Mann reste trop superficielle.

On découvre un personnage passionné, autant par la musique qui l’habite que par les femmes, jeunes de préférence (!), qui l’inspirent.

On assiste à la métamorphose de cette frêle silhouette au teint pâle et à la fragilité enfantine dès que ses mains fines et nerveuses approchent le piano : de silencieux et discret, Béla, qui passe souvent inaperçu en société, s’avère alors un véritable génie possédé par sa musique.

Max Génève nous fait passer un bon moment mais il n’a ni le talent romanesque d’un Frank Conroy (ce dernier a écrit un merveilleux roman, Corps et âme, racontant l’histoire fictive d’un enfant prodige, concertiste et compositeur, depuis son enfance pauvre dans un quartier défavorisé de Manhattan jusqu’à l’apogée de sa gloire) ni l’intérêt historique et culturel d’un biographe.

Clémence Brière

Le château de Béla Bartók,

Max Genève

Août 1995, Calmann-Lévy / Zulma, 281 pages

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