Balade au fil des Kerts

Balade au fil des Kerts

La vie nocturne à Budapest change en fonction des saisons. Les hivers rigoureux obligent les fêtards à se retrouver dans les clubs en sous-sol et autres lieux clos comme le Mono, le Merlin, le West Balkan, ou le Kultiplex pour ne citer qu’eux. Dès les premiers rayons de soleil, les habitudes changent. Certains clubs ferment, déautres ouvrent leurs portes, ou plutôt leurs "kert".

 

Un Kert, ou jardin en hongrois, est un bar en plein air, souvent dans une cour d’immeuble, un parc ou sur le toit d’un bâtiment.

Les premiers ont fait leur apparition il y a quelques années, principalement dans le 7e arrondissement, léancien ghetto juif. Bon nombre d’immeubles étaient abandonnés et les patrons de certains établissements avaient alors décidé de les occuper en attendant leur réhabilitation. A cette époque, les précurseurs étaient le Szimpla kert, le Mumus et le Szóda kert. Le tout Budapest se retrouvait le soir dans ces îlots de verdure en plein coeur de la cité. Les cours intérieures offraient de larges espaces ouverts, les consommations y étaient abordables et l’ambiance des plus chaleureuses, un cocktail parfait pour l’été.

Mais trêve de bavardage. Le meilleur moyen de vérifier une information étant d’aller sur le terrain, j’ai décidé de consacrer l’une de mes soirées à l’exploration des meilleurs kerts de la ville. Ne me remerciez pas, on appelle ça la conscience professionnelle.

20h36 : Je pédale prestement en direction de Blaha Lujza tér, mon objectif : le Corvin Tetô sur le toit du Kaiser. Deux possibilités pour y accéder, les escaliers où s’accumulent les bicyclettes dès 18h, ou un monte-charge d’un autre âge. J’opte pour l’ascenseur. A l’intérieur , le liftier annonce la couleur en me proposant des mignonnettes de palinka ou de vodka pour une poignée de forints. Je résiste à la tentation et me précipite vers la terrasse. Après plusieurs tentatives infructueuses, j’abandonne l’idée de trouver une chaise et préfère savourer mon mojito en admirant la vue panoramique sur Budapest. L’ambiance est calme, la clientèle plutôt hétéroclite. Les regards se croisent, les cercles se font et se défont.... Finalement des amis me rejoignent et nous nous installons dans les balancelles. Les tubes discos s’enchaînent alors que je termine mon deuxième mojito. C’est certain, je reviendrai.

21h47 : Il est temps de me hâter vers la seconde étape de mon périple, le Szimpla Kert, sur Kazincy utca. Je range mon vélo dans le local prévu à cet effet et pénètre dans la Mecque des «pesti kert». Composé de deux immeubles adjacents, d’une cour couverte et d’un jardin tout aussi vaste, ce lieu est tout simplement énorme. Je constate que les consommations sont moins chères qu’au Corvin Tetô et qu’il est plus facile d’y trouver un siège. Je reconnais parmi la foule quelques connaissances estudiantines venues profiter en bande de la douceur de la soirée. Dans un coin, quatre charmantes demoiselles s'affrontent au baby-foot, à l’étage du bâtiment Est, des sonorités électro se font entendre. Le barman m’explique que le Szimpla est le plus vieux kert de la ville, qu’il se trouvait vers Király utca autrefois, que même les touristes le connaissent de réputation, et que ça fera 470 ft , merci.

22h51 : je titube jusqu’au local à deux-roues et essaie de me souvenir de ma prochaine destination. Le Sark kert sur Margitsziget. Passer une soirée sur l’île est déjà plaisant en soi, mais avoir l’opportunité d'y prendre un verre et de danser mérite que l'on s’y attarde. Le Sark kert est plutôt vaste et bien aménagé, de nombreuses tables sont disposées sous de larges parasols, deux bars se font face. On peut également satisfaire une éventuelle fringale. Je commande ma 5e consommation de la nuit et envisage courageusement d’entamer la conversation avec Bogdán, apparemment un habitué du lieu. Nous bavardons le temps de quelques verres de vin rouge qui me donnent immédiatement envie d’arrêter de boire...

Cela fait une heure que je suis là et je dois l’avouer, il ne se passe rien de spécial. Le Sark kert n’est pas vraiment l’endroit où faire la fête.

00h03 : ma destination finale est à quelques centaines de mètres d’ici, sur le toit de la piscine Komjadi, du côté Buda.

Le Fecske est ingénieusement situé sur le toit de la piscine, sur plusieurs niveaux. Tout me rappelle que je suis à Buda, la décoration est raffinée, la clientèle parait aisée et légèrement plus trendy que dans les précédents kerts. Je m’aventure vers le bar, commande un cocktail et regrette amèrement les tarifs plus abordables du Szimpla. Mes amis sont là, je m’installe avec eux et apprécie le cadre convivial de l’un des rares lieux de cette envergure sur cette rive du Danube. Un seul regret, que la piscine soit fermée à cette heure tardive

Bon, je ressens une certaine fatigue, je crois que je vais m'arrêter là.

Jérôme Andrieux

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