Baby-baisse et senior-boom
Changements démographiques en Hongrie
La population hongroise passera dans quelques mois au dessous des 10 millions d’habitants. Une société vieillissante où de moins en moins de jeunes doivent prendre en charge de plus en plus de seniors.
Lors du changement de régime, il y a 20 ans, les Hongrois de moins de 20 ans étaient deux fois plus nombreux que les plus 60 ans. Il y deux ans, la proportion de ces deux générations était équilibrée mais, dans 30 ans, les séniors seront trois fois plus nombreux que les moins de 20 ans. Une tendance qui s’explique par le fait que le nombre des jeunes hongrois baisse continuellement et beaucoup plus vite que l’espérence de vie n’augmente. Ainsi le nombre d’habitants sera-t-il bientôt inférieur à 10 millions. Cette tendance, fréquente en Europe, semble renforcée dans les pays d’Europe de l’Est et Centrale car l’immigration y est beaucoup plus faible qu’à l’Ouest. L’arrivée d’étrangers, qui représentent à l’heure actuelle entre 2 et 3% de la population hongroise, ne parvient pas freiner efficacement cette tendance générale.
Depuis le millieu des années 1980, les chiffres de la natalité ne dépassent pas ceux de la mortalité, et le nombre des naissances ne dépasse pas les 100 000 depuis 1997. Conformément aux tendances relevées dans les autres pays européens, les Hongrois fondent une famille de plus en plus tard mais aussi de plus en plus rarement. Alors que, dans les années 1980, les femmes avaient leur premier enfant à l’âge de 23 ans en moyenne, elles attendent quatre ans de plus à l’heure actuelle. De plus, quoique les sondages démontrent que les couples hongrois souhaitent en général avoir deux enfants, ils ne donent souvent naissance qu’à un seul bébé. Selon le généticien Endre Czeizel, les enfants uniques souffrent beaucoup plus souvent d’hypertension, de stress, de dépression et commettent plus de suicides que ceux provenant d’une famille plus large. Ces problèmes de santé ont en outre des conséquences sur leur vie professionnelle.
Les démographes hongrois expliquent souvent la baisse des naissances par le fait que le sytème des allocations familiales est trop aléatoire, mais se basent également sur d’autres facteurs comme la difficulté de trouver ou de concerver un emploi et donc d’envisager l’avenir à moyen ou long terme. Les réformes successives de la politique familiale ont eu de réelles conséquences sur la démographie en Hongrie au cours des 50 dernières années.
Par exemple, le nombre des naissances a été le plus élevé, soit 150.000, à l’époque dite du “baby-boom hongrois” et des “enfants Ratkó”, du nom du ministre de la santé dans les années 1950.
Anna Ratkó avait interdit l’avortement et introduit un impôt pour les familles sans enfants. Les enfants de la génération suivante furent également nombreux mais la tendance s’est infléchie à la troisième génération, née sur fond d’instabilité sociale provoquée par le changement de régime. De plus, dans les années 1990, le fameux “paquet Bokros”, du nom du ministre des finances de l’époque, a radicalement amputé les allocations versées aux familles.
Malgré ces changements successifs, le système hongrois reste l’un des plus favorables en Europe car il permet aux mères de cesser de travailler et de rester à la maison pendant trois ans avec un enfant. Cependant cette mesure a ses effets pervers puisque les femmes retrouvent plus difficilement du travail que leurs homologues masculins. Selon le Bureau National des Statistiques (KSH), les hommes sont 12% de plus à avoir été employé l'année dernière. De plus la répartition équitable des tâches ménagères n’étant pas encore passée dans les mœurs hongroises, les femmes rencontrent des difficultés à entreprendre une activité professionnelle parrallèlement à leur maternité.
Afin de financer les retraites malgré la baisse de la population active, les gouvernements ont continuellement augmenté la limite de l’âge de la retraite. Selon la nouvelle stratégie du gouvernement Bajnai, elle devrait passer de 55 ans à 65 ans d’ici 2017. Ce même gouvernement a en outre aboli le 13e mois de retraite, une mesure qui avait été adoptée par le gouvernement Medgyessy en 2001 et qui avait coûté cher à l’État hongrois. Grâce à ces efforts, le taux d’activité des Hongrois de plus de 55 ans a doublé au cours des 10 dernières années. Celle-ci reste toutefois la tranche d’âge la plus touchée par le chômage. Les analyses de l’institut de recherche Gazdaságkutató Zrt. prouvent que, dans cette tranche d’âge, les personnes qui perdent leur emploi ne retrouvent en général jamais de travail. Ce phénomène peux être expliqué par les problèmes de santé de cette génération, par leur niveau de formation, beaucoup moins élevé que chez les jeunes, mais surtout par les nombreux préjugés dont ils sont victimes sur le marché du travail. En effet, bien que la société estime que l’on devient “sénior” vers 60 ans, les employeurs tracent quant à eux cette frontière dès 40 ou 45ans, comme l’a démontré un sondage de l’Institut Sociologique de l’Académie des Sciences. La réforme qui vise à se protéger contre les conséquences des tendances démographies doit ainsi commencer dans les esprits.
Judit Zeisler
La population hongroise sur un siècle
(en millions de personnes)
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
2020
2030
2040
9,21
9,96
10,32
10,71
10,38
10,22
10,01
9,86
9,65
9,35
(Source: KSH)
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