Au tour de la Hongrie ?

Au tour de la Hongrie ?

La taxe télécoms, une infraction

 

Il était prévisible que le gouvernement hongrois passe à la vitesse supérieure concernant les décisions financières à prendre pour renflouer les caisses de l’État. Il devenait nécessaire d’arrêter l’hémorragie qui saignait à blanc les ressources financières du pays et de diminuer le déficit public accumulé par le gouvernement MSZP ou au moins le maintenir dans les limites fixées par l’UE et le FMI.

 

Pour ce faire, c’est Viktor Orbán lui même qui annonça un mercredi la mise en place de taxes extraordinaires sur le commerce de détail, les activités liées à la distribution de l’énergie et le secteur des télécommunications. Les deux premières taxes et celle imposée aux banques furent perçues comme conformes aux lois européennes. Par contre, celle sur les télécommunications fut accueillie avec méfiance au début pour être finalement considérée comme une infraction pure et simple au droit communautaire dans le domaine des télécommunications: elle ne couvre pas uniquement des coûts d’ordre administratif et réglementaire liés au secteur des télécommunications comme le stipule le droit de l’UE.

Recours auprès de la commission européenne

Cette taxe fixée pour une durée de trois ans, s’élevant à 61 milliards de forints par an, doit participer au maintien du déficit public à 3,8% en 2010, puis 3% en 2011. Ces mesures auraient pu suivre leur chemin si quinze grandes sociétés européennes installées en Hongrie n’avaient pas déposé une plainte auprès de la commission européenne. Pensant que cette taxe a été adoptée à la hâte, ces dernières craignent les répercussions sur leurs activités dans le pays. Et pourtant, l’actuel gouvernement ne cesse de répéter que les taxes spéciales ne sont pas un phénomène nouveau en Hongrie, puisque les précédents gouvernements socialistes ont recouru également à des impositions temporaires sur les secteurs bancaires et de l’énergie, même si cela s’est fait sur une base différente. Mais ces entreprises, telle que Deusche Telekom, ne semblent pas l’entendre de cette oreille et une lettre commune a été déposée sur la table du Conseil européen.

Le redressement de l’économie : une action solidaire ?

Pour contrecarrer cette réaction qui semble perturber le programme de redressement économique, un document de clarification rédigé par le ministère de l’économie affirme que: «Dans la mesure où le secteur financier avait déjà partagé le poids de la crise, à présent, nous attendons la même chose des entreprises de télécommunication, du secteur de l’énergie et des entreprises de vente au détail. En raison de leur influence, de leur position sur le marché et des avantages offerts par l’État, ces secteurs ont accumulé des bénéfices qui leur permettent de jouer un rôle plus important dans la stabilisation de la situation budgétaire du Pays». Pour faire court : toute société qui réalise des profits sur le territoire hongrois est appelée à mettre la main à la poche pour redresser l’économie du pays.

Volonté de mise en conformité avec la législation européenne ?

Ainsi, après tous les déboires vécus lors de la promulgation de la loi sur les médias, en voilà d’autres qui font surface, cette fois-ci avec un sentiment bizarre chez les entreprises étrangères, celui d’être pris au piège. Le gouvernement d’Orbán continue d’affirmer quant à lui que cette «taxe télécoms» est conforme à la législation européenne, comme il l’a fait aussi avec la loi sur les médias.

Le 14 mars 20011, suite à la plainte des 15, la commission européenne a décidé d’adresser une demande d’information et de clarification à la Hongrie concernant cette taxe spéciale, en lui fixant un délais de deux mois pour formuler ses réponses. Viktor Orbán et son ministre de l’économie doivent donc se mettre à la besogne et constituer un dossier solide qui évitera à la Hongrie de recevoir une demande formelle, l’appelant à se conformer à la législation de l’UE sur la fiscalité des entreprises de télécommunications.

Il est à rappeler que dans le même contexte et pour les mêmes raisons, la France et l’Espagne viennent d’être introduites (14 mars 20011) devant la Cour de Justice Européenne pour avoir choisi de financer leurs télévisions et radios publiques par le biais des taxes télécoms. Alors, Viktor Orbán est-il un mauvais élève, faisant abstractions d’exemples concrets ou compte-t-il sur le «deux poids deux mesures» dans une UE où l’article 12 de la directive «autorisation» prévoit cependant des règles précises et très rigides ? Etant donné l’urgence pour le gouvernement d’accroître les revenus de l’État, il est probable que cette alternative était incontournable, même si les risques d’une éventuelle plainte étaient plus que prévisibles. La Cour de Justice Européenne prendra sûrement le temps nécessaire pour annoncer son verdict face à la France et l’Espagne, cependant l’état des finances délabré de la Hongrie n’est plus en mesure d’attendre encore plus.

Hammad Hamid

 

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