Au banc des accusés
La Commission Européenne a sommé le gouvernement hongrois d’abroger la taxe de crise supportée par le secteur des télécoms. Ce retrait générera une perte de 100 milliards de forints (330 millions d’euros) dans le budget de l'Etat, déjà mal en point.
A l'automne 2010, alors qu'il venait d'introduire la taxe de crise pour le secteur bancaire, Viktor Orbán, le premier ministre hongrois, a décidé de mettre en place un impôt spécial sur trois autres secteurs : les télécoms, l’industrie énergétique et le commerce de détail. Rien que sur les télécoms, les calculs démontraient que cette taxe apporterait des recettes à hauteur de 61 milliards de forints (200 millions d’euros) par an au budget de l'Etat. Cette taxe a été programmée jusqu’en 2012 pour les 4 secteurs sus-mentionnés. Elle se base sur le chiffre d'affaires des entreprises, avec la prise en compte de plusieurs paliers : son taux est de 2,5% au-dessous de 500 millions de forints, de 4,5% au-dessous de 5 milliards de forints et de 6,5% au-dessus de ce montant. Les sociétés de télécoms ont annoncé toute de suite que cette mesure impliquerait pour elles des diminutions d'effectifs et la baisse de leurs investissements. Ces prévisions se sont avérées exactes et ont été concrétisées depuis.
Les réactions de l’UE
Dès sa mise en oeuvre, l’UE (Union Européenne) a considéré cet impôt comme illégitime et illégal. Au vu de l’avis rendu par la Commission européenne, il s'avère que cette taxe n’est pas compatible avec les règles en vigueur en matière de télécommunications au sein l’UE. En effet, les recettes générées par la taxe sont affectées directement au budget de l'Etat au lieu d'être reversées en vue de la régulation de ce secteur d'activité.
La Commission trouve également problématique que cette décision ait été prise sans concertation préalable avec les parties intéressées. Pour régler cette question, l’UE a demandé au printemps 2011 un complément d'informations au gouvernement hongrois. Pour toute réponse, le gouvernement hongrois a affirmé que cette taxe était en conformité avec les les règles de l’UE puisque les recettes qu'elle génère, contribuent au paiement des charges publiques de l'Etat hongrois et concourent de fait à la stabilisation de tous les secteurs de l'économie. Cette réponse n'a pas pour autant satisfait l'UE et la Commission a dès lors sommé le gouvernement hongrois le 29 septembre 2011 de retirer la taxe télécoms. L’Etat a aujourd'hui deux mois pour décider ou non de l’abrogation de cette taxe. S'il ne le fait pas, la Commission consultera la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJCE), comme elle l'a fait pour la France et l'Espagne. En France la taxe a été mise en place début 2009 et la Commission a été saisie fin 2009.
Les échos en Hongrie
Péter Szíjjártó, le porte-parole du premier ministre a déclaré que le gouvernement hongrois maintenait son point de vue. „Il n’y pas raison de retirer la taxe télécoms, le gouvernement est prêt à endosser la responsabilité et les conséquences des négociations avec la Cour Européenne” a-t-il affirmé.
Près de la moitié de l’impôt, soit 27,5 milliards de forints (92 millions d’euros) est payé par Magyar Telekom, la plus grande société de télécoms dans ce pays. Toute de suite après la déclaration de la Commission européenne, le cours de ses actions a augmenté de 5%. Les marchés boursiers n’avaient pas imaginé de tels résultats, aussi positifs et aussi vite.
Pars ailleurs, dans les jours qui ont suivi cet avis de l'UE, la Cour Constitutionnelle a refusé d'apprécier la conformité de la loi sur les taxes spéciales avec la Constitution hongroise. Elle justifie ce refus par le fait que ses compétences ayant été revues à la baisse lors de la réforme constitutionnelle, elle n’est plus autorisée à légiférer sur de tels sujets.
Conclusion...
Si la CJCE condamne la Hongrie, l’Etat devra payer l'amende qui lui sera infligée et devra rembourser aux entreprises concernées la taxe déjà payée avec les intérêts en sus. Ces montants additionnés pourront entraîner une perte d'environ 100 milliards de forints (330 millions d’euros) pour l'Etat hongrois. Le gouvernement ne pourra en outre plus compter dans son budget sur les 61 milliards de forints générés par la taxe, et devra trouver d'autres ressources pour combler ce trou. Cela aboutira-t-il à de nouvelles restrictions
Rita Szabó