Après Mai

Après Mai

Rencontre avec le réalisateur Olivier Assayas

Olivier Assayas est venu à Budapest pour présenter son film Après Mai dans le cadre des Journées du Film francophone – en même temps qu’une rétrospective de ses films est présentée au cinéma Urania. C’est au café du cinéma que nous avons rencontré le réalisateur.

Après Mai sort en salles à Budapest peu après la première parisienne des salles bondées sur les quais de la Seine. C’est une fiction où l’on remarque des séquences documentaires.  Mai 68 devient l’Histoire – s’agit –il d’un film historique ?  

 

 

C’est un film historique qui traite d’un événement en France d’il y a une quarantaine d’années. C’est loin. Pour écrire je me suis inspiré de mes souvenirs, je me suis servi de sensations et de faits. Fatalement, c’est un film qui présente la période de mon adolescence, où il y a une véritable part d’autobiographie, mais j’avais l’intention de construire quelque chose qui soit plus qu’un portrait de génération dans le sens où il y un des personnages dont le trajet ressemble au mien, enfin il y a tous les autres aussi et il y a l’époque de l’après Mai.

Avec toutes ces images de lycéens en révolte -  il est inévitable de penser au film de Romain Goupil  que j’ai rencontré au sujet de son film « Mourir à trente ans ». La question reste toujours la même : Mai 68, était-ce une révolution où une utopie ?  

Romain Goupil a vécu Mais 68 très jeune, mais il l’a vécu. Romain doit avoir cinq ans de plus que moi, mais pour l’époque c’est une différence énorme. Je l’estime, c’est tout à fait amical. Son histoire est celle de l’écho de Mai 68. Moi, j’étais vraiment trop jeune à l’époque, donc mon histoire est celle des années 70 – qui est une autre époque, qui est déterminée par d’autres engagements, d’autres convictions et qui n’a pas été tellement racontée. On a souvent raconté la génération de Mai 68, mais la génération suivante, elle est floue, elle n’a pas d’identité, donc au fond mon film participe au désir de donner une identité à cette génération.

Il y a une part d’universalité au fond des jeunes gens de cet âge là – ils se ressemblent beaucoup d’une époque à l’autre. C’est un âge où l’on découvre le monde. On cherche sa propre place dans le monde. C’est là que le titre du film prend toute sa signification, je crois que pour ma génération, c’était une sorte de remise en cause, c’était le chaos où l’on interrogeait la totalité des valeurs de la société. Donc ma génération essayait de trouver une identité dans une période qui était complètement incertaine où il n’y avait rien de solide sur quoi on pouvait s’appuyer. On ne croyait plus dans la famille, ni dans le travail, ni dans l’idée d’une carrière ou même dans l’institution universitaire. On croyait dans une sorte d’idée abstraite d’une révolution à venir. 

 Il y a eu le livre «  Mai 68 : une répétition générale » de Daniel Bensaid et Henri Weber, il y avait une euphorie chez les jeunes qui croyaient dans une révolution à venir.

La différence est qu’avec la perspective du temps, on se rappelle du mois de mai comme d’un événement central de l’histoire française de l’après-guerre. Tandis qu’à l’époque on le voyait comme une répétition générale, c’est à dire que l’on considérait que mai 68 avait été d’une certaine façon un échec et que c’était uniquement les prémisses d’une révolution à venir, donc on projetait dans le futur les convictions, l’engagement. Enfin, il y avait cette idée de rejeter la société, de rejeter le présent et au contraire de se projeter dans un futur qui était quand-même très hypothétique.

Dans vos personnages on découvre certains traits de vous-même. Vous avez entrepris d’abord une carrière de dessinateur. Dans le film il y a même plusieurs jeunes personnes qui sont dessinateurs et qui posent la question de l’utilité de l’art –  sont-ils  un peu à votre image ?

Bien sûr, il y a une partie autobiographique dans mon film – c’est un parcours initiatique. Il y a des choses qui sont littérales du point de vue de l’autobiographie. Je crois que l’art – faute d’autre chose – m’a permis de faire quelque chose d’une certaine façon  et d’avoir traversé la vie peut-être mieux que d’autres. Il est évident qu’il y a beaucoup de gens qui sont engagés dans les utopies de cette époque-là et pour qui l’effondrement de ces valeurs a été très douloureux. Il y a toute une génération qui s’est engagée – corps et âme – dans des démarches utopiques. L’art est une démarche utopique, mais d’une certaine façon, c’est aussi une manière de protéger son individualité, une sorte de quête de soi qui est individuelle, qui est autonome par rapport au monde qui nous entoure. Pour moi l’art était aussi une forme de protection, de salut.

Éva Vámos

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