Allocations versus Travail

Allocations versus Travail

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Monok, petite commune du département de Borsod-Abaúj-Zemplén dans le nord du pays, se trouve au cœur d’une affaire qui concerne toute la société hongroise et alimente le débat public depuis plusieurs semaines déjà.

Les faits remontent au mois d’avril dernier, lorsque les élus de Monok ont décidé de réglementer par décret le versement de l’allocation de protection de l’enfance. Cette aide est normalement attribuée automatiquement aux familles les plus pauvres ayant des enfants en âge d’être scolarisés. Or, les six familles qui bénéficiaient de cette aide refusaient d’envoyer leurs enfants à l’école.

Mais c’est l’assemblée municipale du 21 mai qui a déclenché une tempête nationale. Les élus de Monok ont en effet voté la restriction des allocations sociales. Ainsi, un chômeur dont l’état de santé lui permet de travailler et qui refuse pourtant les propositions d’emploi, ne pourra plus bénéficier de cette aide. Les propositions d’emploi en question proviennent essentiellement de la mairie sous forme de travail d’utilité publique.

Cette décision unilatérale a donné lieu à une vague d’indignation à laquelle Zsolt Szepessy, le maire de Monok, a réagi en déclarant que le but de ce décret était avant tout d’attirer l’attention sur un système de subventions inadéquat.

Pourtant, le principe de travailler pour pouvoir bénéficier de l’allocation sociale n’est pas nouveau. Dès 1994, de nombreuses mesures de ce type ont vu le jour et la dernière proposition du gouvernement date de début avril. «La voie vers le travail» rend en effet obligatoire 15 jours de travail d’utilité publique tous les trois mois pour pouvoir bénéficier des allocations. Outre une organisation difficile à mettre en place, les régions les plus touchées, le nord de la Grande Plaine en particulier, manquent de lieux et de ressources pour mettre sur pied ce dispositif.

D’après l’avis des experts, en particulier de la sociologue Zsuzsa Ferge, conseillère en politique sociale auprès de l’ancien gouvernement, le décret de Monok ainsi que les propositions gouvernementales, sont impropres à atténuer la tension sociale et au contraire sans doute l’aggravent-ils. Selon ces mêmes experts, cette démarche accentue les inégalités en désignant les personnes bénéficiant des aides publiques comme boucs émissaires.

Certaines organisations professionnelles sont intervenues dans le débat pour souligner qu’il faudrait pouvoir augmenter les salaires afin d’éviter qu’ils ne soient équivalents aux aides. Elles s’insurgent par ailleurs sur la nature des travaux d’utilité publique demandés aux chômeurs et réclament des formations plus adéquates aux besoins des employeurs.

Ainsi le travail d’utilité publique, s’il était mieux conçu, pourrait être le premier pas des chômeurs de longue durée vers le monde du travail. Ces mêmes organisations soulignent en outre que le droit de vivre dans des conditions décentes, grâce à une somme minimale versée, fait partie des droits de l’homme et ne saurait être remis en question.

Ce revenu minimum est l’une des bases du système d’aides sociales dans la plupart des pays membres de l’Union européenne. Il a été inauguré en Hongrie en 2006, grâce aux propositions de Zsuzsa Ferge, et atteint la somme de 90.000 HUF dans le cas d’une famille de quatre membres. En un an le nombre d’allocataires a augmenté d’un tiers pour atteindre 170.000 personnes et l’Etat hongrois dépense chaque année 60 milliards de HUF pour les aides sociales contre 15 milliards pour des programmes de travail d’utilité publique. Ce système d’aides sociales n’encourage pas la reprise du travail puisque le montant du SMIC (69.000 HUF) et celui des allocations peuvent être équivalents. On peut donc imaginer qu’un certain nombre de personnes qui en bénéficient, en particulier celles qui n’ont pas de formation, ne recherchent pas de manière «active» un emploi…

Mais l’affaire soulève également d’autres questions: Ernô Kállai, défenseur des minorités, a établi un rapport selon lequel ces décrets municipaux violent consciemment la loi et rendent possible une forme de discrimination indirecte. En effet, la population rrom constitue une partie importante, mais non exclusive, des personnes concernées. Il s’agit donc, selon certains, d’une question relative au sort des minorités et non pas d’une question sociale.

L’initiative de la municipalité de Monok a été reprise par plusieurs communes, entre autres par Ivád, Sárospatak et Kerepes. Chaque village a ainsi adhéré successivement à ce mouvement «du travail d’utilité publique contre les allocations sociales». Le maire de Monok a par ailleurs déclaré vouloir organiser un référendum sur le sujet et s’est lancé pour ce faire dans une collecte de signatures (il lui en faut 200 000).

Même si le décret est tenu pour anticonstitutionnel par certains, il commence à jouir de plus en plus du soutien des partis politiques et le Premier ministre a d’ores et déjà élaboré un programme pointant les changements indispensables à apporter au système des aides.

Róza Perlaki

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