Accouchements controversés
Suite à un incident survenu lors d’un accouchement en dehors du cadre hospitalier, le docteur Ágnes Geréb a été arrêté et a été placée en détention. Cette affaire place de nouveau la question des accouchements à domicile au centre du débat public, d’autant plus que la loi hongroise reste floue à cet égard.
Le 5 octobre dernier, une femme enceinte, qui participait à une séance de préparation à l’accouchement au sein d’un centre dédié à l’accompagnement de la grossesse, a donné naissance à un bébé présentant des problèmes respiratoires et de circulation sanguine. «A ma connaissance, cet accouchement n’était pas programmé», a expliqué Bence Békés, le président de l’association des Parents pour l’Accouchement Libre. En effet, le docteur Ágnes Geréb avait précédemment refusé d’assister l’accouchement à domicile de cette femme souffrant de problèmes de coagulation sanguine. Elle lui avait toutefois proposé de suivre les séances de préparation à l’accouchement et c’est au cours de l’une de ces séances que le travail de cette future mère a commencé. L’ambulance, appelée immédiatement, n’est arrivé que 40 minutes plus tard et le nouveau-né a dû être transféré en urgence dans un service pédiatrique de l’hôpital Semmelweis tandis que la mère était prise en charge par les services obstétriques de ce même hôpital. Au même moment, la police procédait à l’arrestation d’Ágnes Geréb, placée en détention depuis lors et sujette, selon plusieurs observateurs, à des violences et des traitements dégradants de la part de ses gardiens.
Outre le choc que représente la divulgation de ces mauvais traitements dans la presse et devant le Parlement, puisque le Premier Ministre Viktor Orbán a été interpellé lors d’une session parlementaire sur cette question, c’est au sens large la question de l’accouchement à domicile et de la liberté des femmes de choisir le cadre dans lequel elles décident de donner la vie qui est sur le devant de la scène aujourd’hui en Hongrie. La loi hongroise est en effet paradoxale à cet égard puisque si elle accorde aux femmes la liberté de choisir où et avec qui elles souhaitent accoucher, elle interdit aux médecins, infirmières et sages-femmes de proposer leurs services dans le cadre d’accouchements pratiqués en dehors du milieu hospitalier. Les praticiens qui se risquent à assister ces naissances à domiciles risquent ainsi de perdre le droit d’exercer leur profession, et encourent, en cas de complications, des peines allant jusqu’à 8 ans de prison.
Frédérique Lemerre
Le coût des naissances
«Il est possible qu’Ágnes Geréb soit la victime d’un procès spectaculaire, on essaie de faire de son cas un exemple et ainsi d’obéir au lobby des obstétriciens» – a proclamé l’avocat d’Ágnes Geréb, László Ábrahám, dans une interview accordée au quotidien Népszabadság. Un récent sondage de l’institut de recherche Szinapszis démontre en effet que les gynécologues obstétriciens sont les médecins qui perçoivent le plus de paiements informels parmi les employés des services de santé en Hongrie. Selon certaines estimations, ils demandent en général entre 70.000 et 100.000 HUF par accouchement. Les médecins considèrent ces versements informels comme étant nécessaires afin de compléter leurs faibles salaires. Cependant les patientes ne donnent plus aussi volontiers ces sommes et le font de plus en plus souvent par obligation.
Cet été, le président de la commission de la santé au Parlement, István Mikola (Fidesz), a présenté le cas d’un obstétricien ayant demandé à une mère attendant son troisième enfant d’économiser encore car il n’avait pas trouvé suffisant les quelques dizaines de milliers de HUF que la femme lui avait proposé. Selon Mikola, ce comportement peut également contribuer à la baisse de la démographie en Hongrie.
Cependant le président de la Chambre Nationale des Médecins, István Éger, a déclaré que personne ne peut demander que le spécialiste choisi soit tout le temps à la disposition de son patient si ce dernier ne le rémunère pas pour cela. Pourtant l’accouchement est un service médical gratuit en Hongrie. Il n’est toutefois pas possible de fixer un rendez-vous avec l'obstétricien longtemps avant que le bébé ne se décide à venir au monde.
J.Z.
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