Accès libre?
Dossiers secrets de l’époque communiste
Dans quelques semaines le Parlement hongrois votera un projet de loi concernant le libre accès aux dossiers et enregistrements sonores secrets datant de l’époque communiste. Dans un premier temps, seules les personnes ayant été surveillées pourront avoir accès aux dossiers les concernant, eux-même ou leurs parents.
Les documents que l'État hongrois s'apprête à rendre public révéleront toute la liste des agents secrets de l’époque communiste, qui auraient normalement du être tenue secrète jusqu’à 2060. Les dossiers rédigés par les quelques 50.000 personnes ayant travaillé pour le compte de l'État en tant qu'agents de renseignement, contiennent très souvent des détails très personnels sur des individus surveillés et la révélation de ces informations pourraient profondément choquer certaines familles et parents toujours en vie.
Déjà le gouvernement de Gordon Bajnai avait-il commencé à se pencher sur ces listes secrètes. Il avait pour cela constitué un comité, le comité Kenedi (du nom de l'agent secret János Kenedi), afin de surveiller et de procéder à l'analyse et à la classification de 18 enre-gistrements ma-gnétiques contenant toutes les informations portant sur ces dizaines de milliers d’agents secrets. Le gouvernement précédent voulait procéder à la révélation de ces informations délicates en toute discrétion, c’est pourquoi un comité d'experts avait-il été mis sur pied. Mais le nouveau gouvernement préfère quant à lui tout rendre public le plus vite possible. Le comité Kenedi a donc désormais perdu sa raison d’être.
Ces 18 enregistrements, souvent de très mauvaise qualité, ont été copiés sur des supports numériques et traités afin de les rendre exploitables. Selon les experts, l'information ainsi contenue sur ces enregistrements équivaudrait à quelques 10.000 pages manuscrites. Ces documents sont gardés par l’Institut de la Sécurité Nationale.
La volonté de rendre public les dossiers secrets de l’époque communiste avait déjà été manifestée en 2007 par le gouvernement socialiste alors au pouvoir et c’est à la demande de l’ex-ministre des services secrets, György Szilvássy, que l’Institut de la Sécurité Nationale, en collaboration étroite avec le comité Kenedi, a commencé à s’occuper de ces dossiers restés jusqu’à présent intacts. Une grande partie de ces documents sera déposées aux archives nationales et les historiens pourront ainsi prendre connaissance et révéler de nombreux nouveaux éléments relatifs à cette sombre période de l'histoire hongroise.
La publication des dossiers relatifs aux agents secrets est une étape normale du processus de démocratisation d’un pays. Les autres pays satellites de l’ex Union Soviétique sont confrontés aux même démarches salvatrices, aussi douloureuses soient-elles. Certains observateurs mentionnent que cette hâte du gouvernement hongrois à accélérer la publication de ces documents secrets pourrait être liés aux scandales dus aux révélations de Wikileaks et portant essentiellement sur les analyses des services américains sur le reste du monde. Quelques documents secrets concernant la politique étrangère hongroise avaient en effet été révélés à cette occasion, s'agissant de lettres officielles concernant des conversations entre diplomates hongrois et américains. Tous partageaient le même avis concernant la guerre russo-géorgienne de 2008. Les diplomates hongrois en question soutenaient la Géorgie face à la Russie, avançant que la Géorgie avait le droit de se défendre pour maintenir l'intégralité de son territoire et qu'il s'agissait d'une question de souveraineté. Bien entendu, ces réactions hongroises n'ont pas plu au Kremlin, qui a exprimé sa grande déception à l’égard de la Hongrie.
Quant à l'exacte nature des archives secrètes de l'histoire hongroise, nous n'en savons pas d'avantage à ce jour, mais vu la rapidité du gouvernement à en révéler le contenu, on peut imaginer ne pas avoir à attendre 20 ans de plus pour y avoir accès.
Balint Seres