6 décembre : Mikulás (Saint Nicolas)

6 décembre : Mikulás (Saint Nicolas)

Objet de culte chez les petits (et les grands) en Hongrie

Si je vous dis 6 décembre, vous me répondrez : „la fête des Nicolas, Colin et Colas, sans oublier les Nicole”. Certes. Mais encore ?  La Saint Nicolas, fête des enfants, célébrée aujourd’hui aux quatre coins du monde.

Qui était donc ce saint Nicolas ? Évêque de Myre en Asie mineure, il vécut à la charnière des IIIème et IVème siècles. Le peu que nous savons à son sujet est, que, participant au premier concile de Nicée, il fut un farouche opposant à l´arianisme. Par ailleurs, issu d´une famille aisée, il hérita d´une belle fortune qu´il fit distribuer aux pauvres. Enfin qu´il fut un moment persécuté par les Romains. Nous savons aussi que, dès sa mort, son culte se répandit rapidement dans la région, notamment à Chypre, en Crète et en Grèce, comme en témoignent les nombreuses icônes qui nous en ont été laissées. Avec l´apparition d´une première légende : le suintement d´une huile odorante émanant de sa relique, de la sorte parfaitement conservée. Reliques qui, suite à la victoire des Ottomans sur l´armée byzantine (1071), furent en partie enlevées et dispersées en plusieurs lieux d´Europe, principalement à Bari et en Lorraine (église St Nicolas-de-Port).

A partir de là, les légendes ne tardèrent pas à se répandre à son sujet. Miracles concernant tout d´abord son intervention pour sauver des marins en détresse. Puis vint la fameuse légende du sauvetage des trois enfants enlevés puis découpés et conservés par un boucher peu scrupuleux. Quelle est son origine ? Probablement à associer à une première légende selon laquelle l´évêque aurait pris en pitié un voisin dans la misère se trouvant dans l´impossibilité, faute de dot, de marier ses trois filles (1). Nicolas aurait alors déposé à leur fenêtre (ou en s´introduisant par la cheminée, selon les variantes) une bourse garnie d´or leur permettant de se tirer d´affaire. Pour en revenir à la légende du boucher et des trois malheureux bambins, certains y voient l´image d´un sauvetage marin : le bac de la découpe symbolisant le bateau et le saloir la mer. Un peu tiré par les cheveux, mais toujours est-il que la légende ne tarda pas à se répandre tout d´abord en Allemagne et dans les pays germaniques, puis en Lorraine, dont Saint Nicolas est le patron, dans le Nord de la France, en Belgique, en Hollande, au Luxembourg, en Alsace et en Suisse, enfin dans tout l´Est de l´Europe.

Une légende (celle de l´affreux boucher) située en divers lieux selon les pays. Tels les Lorrains qui la revendiquent jusqu´à révéler le nom du coupable, un certain Pierre Lenoir (Peter Schwarz chez les Allemands, Zwarte Piet chez les Flamands). Pierre Lenoir, qui deviendra donc le vilain Père Fouettard, Knecht Ruprecht dans les pays germaniques, Hanstrapp en Alsace ou encore Krampus en Autriche et, par extension, en Hongrie. Un Saint Nicolas - au demeurant patron de nombreuses corporations (2) - diversement célébré. Comme dans le Nord et en Belgique où il donne lieu à des défilés.

En Hongrie, Nicolas, alias „Mikulás”, est l´objet d´un culte particulier au point que tous les médias lui donnent la vedette, concurrençant le reste de l´actualité. Un Mikulás qui va non seulement couvrir les enfants de sucreries et autres délices, mais se voit également fêté entre adultes. Envoi de cartes, invitations, échange de petits cadeaux. Une tradition à ne pas manquer sous peine de passer pour un rustre ou pour un mauvais coucheur. Ce qui fait non seulement le bonheur des enfants, mais aussi celui des commerçants : étagères débordant de sucreries et de ces petits Mikulás en chocolat dont l´achat est devenu un impératif.

Tout cela est bien beau et sympathique. Mais… Qu´est devenu dans tout cela notre saint évêque de Myre? Alors que, dans la tradition de mon enfance, d´origine lorraine, il était bel et bien représenté en évêque avec mitre, crosse et toute la panoplie, il est ici, en Hongrie, présenté comme une sorte de second Père Noël, à la barbe blanche et coiffé d´un capuchon rouge. De plus, débarquant de Laponie sur un traineau tiré par des rennes. Charmant, certes et de quoi enchanter les enfants. Malgré tout surprenant dans un pays qui s´affirme de tradition chrétienne. Héritage du socialisme ? Nous l´ignorons. Alors que chez nous et nos voisins belges, il est encore présenté en évêque.

Mais peu importe, après tout. En ces journées sombres de décembre, l´essentiel est de nous procurer un petit rayon de soleil, de ravir (non pas au sens du boucher...) les enfants et de faire oublier aux adultes, ne serait-ce que le temps d´une journée, une actualité pas des plus réjouissantes. Voilà qui n´est pas de trop par les temps qui courent. Souhaitons donc longue vie à notre cher Mikulás et n´oublions pas de souhaiter au passage bonne fête aux Nicolas, Nicole et Miklós.

Pierre Waline

(1): légende rapportée à la fin du XIIIème siècle dans un recueil de miracles intitulé legenda aurea.

(2): dont, en premier lieu, les marins, bateliers, mais aussi boulangers, étudiants et avocats.  

 

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