2008 en question

2008 en question

2008 sera l’année du référendum même si celui-ci n’aura pas de conséquences significatives, car il ne réussira certainement pas à changer les lignes de forces actuelles de la politique. Peu importe le résultat, le champ de bataille politique donnera lieu à une guerre de déclarations et d’interprétations successives, sans véritable victoire car, dans un tel contexte, il ne peut y avoir de triomphe. Les processus politiques et économiques suivent leur cour bien déterminé et les dés sont déjà jetés : le programme de Convergence (rectifié) est lancé et le pays ressent dans le même temps les signes de la mauvaise passe de l’économie mondiale.

L’adoption de la loi sur le budget 2008 est une condition nécessaire au travail du gouvernement. Celle-ci fut proposée fin 2007 dans l’esprit du programme de Convergence rédigé en 2006, programme «évident» pour tous et également approuvé par Bruxelles. Du point de vue des pratiques régissant un Etat démocratique développé - ou une économie de marché ayant des bases sociales - le silence relatif des partenaires sociaux, de certains groupes d’intérêts et des citoyens quant à l’adoption du budget et la transformation du système des retraites (qui équivaut à une baisse considérable du montant des pensions dès cette année) reste incompréhensible, d’autant plus qu’ils ont protesté contre la réforme de la santé. Bien que le chef d’Etat ait renvoyé au Parlement la loi sur la santé publique pour que l’Assemblée débatte encore la question et que certains se soient adressé à ce sujet au Tribunal constitutionnel, les contestataires n’arriveront pas à faire obstacle au processus en cours (c’est-à-dire à la marche arrière de l’Etat et à la diminution des allocations) et à freiner les conséquences sociales de la politique budgétaire rigoureuse.

Dans la situation politico-économique actuelle, l’élite politique fait instinctivement tout son possible pour que l’année 2008 continue d’être surpolitisée grâce au référendum sur la suppression de la tarification de la visite médicale, le forfait journalier dans les hôpitaux et les frais de formation dans l’enseignement supérieur, mais aussi grâce aux préparatifs et aux effets même qu’un référendum induit. Le fait que les controverses soient assez modérées reflète peut-être l’indifférence, l’apathie même de la société face aux affaires publiques ou bien, justement, que le point critique du seuil de sensibilité de la population est atteint. Le sentiment d’incertitude né de la réalisation hâtive des réformes et les rectifications du budget devraient, en principe, inciter les citoyens à la protestation en tant que forme d’action politique claire. L’objectif du FIDESZ, le plus grand parti d’opposition, est de mobiliser tous ceux qui sont contre les mesures prises par le gouvernement. Et même si les partis du gouvernement ont peu de chance de «remporter» ce référendum en cherchant à expliquer les réformes, la protestation est une forme d’action à l’issue relativement incertaine et qui tourne souvent à un marasme politique complet. Tout cela n’est pas le produit du hasard : la confiance dans l’élite politique hongroise est très faible et l’apathie politique est une réaction typique contre le caractère surpolitisé de la vie publique (le populisme économique suivi de restrictions et de réformes élargissant le marché) dans les pays d’Europe centrale et orientale.

Malgré l’offensive assurée et la popularité actuelle du FIDESZ - qui se plaît dans le rôle du sauveur de la société «poussée dans la misère » par la tarification de la visite médicale, le forfait journalier dans les hôpitaux et l’augmentation significative du prix de l’énergie - le renouvellement de la droite s’avère enfin nécessaire. Cependant, ce renouveau semble être freiné justement par Viktor Orbán qui n’est pas accepté par de nombreux électeurs conservateurs modérés ou centraux et qui, de fait, s’avère être le garant de l’unité du camp socialiste. Orbán songe donc à mener ce référendum au succès pour pouvoir raffermir sa position au sein de la droite.

Dans cette situation apparemment désespérée, les socialistes, avec en tête Ferenc Gyurcsány, sont également prêts à relever le défi et soulignent leur volonté de remporter le référendum en essayant de convaincre la société de la nécessité des réformes. Cette initiative est sans doute vouée à l’échec et les socialistes n’ont qu’à espérer un taux de participation faible ou la caducité du référendum (c’était le cas en 2004 lorsque les citoyens ont été interrogés sur la citoyenneté des Hongrois vivant au-delà des frontières du pays et sur la privatisation de la santé publique).

Les perspectives économiques peu prometteuses pour 2008 pèsent également sur le gouvernement.

La Hongrie, avec sa petite économie ouverte, est en proie aux processus économiques mondiaux : le prix élevé du pétrole, la flambée des prix de l’énergie, l’affaiblissement de la demande extérieure des produits d’exportation, etc... Le gouvernement a peu de possibilités pour contrebalancer ces processus généraux, sa marge de manœuvre économique étant actuellement très restreinte, faute de capacité de réforme. Après le faible développement économique de 2007 et la baisse réelle des salaires par rapport aux autres pays de l’UE, l’on peut s’attendre cette année à un taux d’inflation toujours élevé et à la stagnation du marché de l’emploi. Ce sont les domaines qui sont perçus par la population et ont une influence négative sur la popularité du gouvernement.

Après tout, l’échec du référendum ne devrait pas causer l’échec du Premier ministre. L’issue positive ou négative des réformes ne sera sensible que vers 2009-2010. La seule possibilité des partis au gouvernement est d’aller droit devant, ils n’ont rien à perdre : le taux de popularité du parti socialiste (MSzP) est à 15%, tandis que celui du parti libéral (SzDSz) est à 3% depuis longtemps déjà. C’est le FIDESZ qui risque le plus avec l’éventuelle caducité du référendum. Nous pouvons en tout cas être sûrs que les partis commenceront bientôt leur campagne agitant les rouleaux compresseurs d’agit-prop. Et après le référendum, la population ne sera pas non plus épargnée par les interprétations du type «qui a gagné?». Mais tout cela ne servira à rien. La politique continue d’imprégner tous les niveaux de la vie publique avec laquelle les citoyens garderont leurs distances, voici les vrais dommages qui sont loin d’être favorables à un consensus qui devrait au contraire figurer au centre des interrogations.

Pál Planicka

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