1989 en Hongrie : timide enthousiasme de la communauté internationale
C’est en Hongrie et en Pologne que les premières fissures du bloc de l’Est se manifestent. Cette évolution sans précédent est suivie de près par la communauté internationale. Pourtant, si les pays occidentaux soutiennent dans leurs discours le changement de régime en 1989, il faudra du temps pour qu’une aide concrète se mette en place.
Pour beaucoup, il semble clair que la Pologne et la Hongrie ne pourront s’en sortir sans l’aide occidentale. Mais celle-ci tarde à se manifester, car la prudence reste de mise. Ainsi, les premières aides offertes par les présidents Bush et Mitterrand, par Mme Thatcher et le chancelier Kohl restent modestes : chacun garde en mémoire le gaspillage des aides et des investissements octroyés à la Pologne dans les années 1970-1980 lorsque son dirigeant Gierek avait tenté de s’ouvrir à l’Occident : l’endettement du pays avait atteint les 15 milliards de dollars en 1980. Au cours des premiers mois de 1989, la ligne de conduite semble donc claire: il s’agit de conditionner les aides financières à la poursuite des évolutions politiques.
Cependant, le démantèlement du Rideau de fer à partir du 2 mai semble porteur d’espoir quant à la durabilité des réformes en cours : le 11 juillet, le président des Etats-Unis, George Bush, s’envole pour Budapest. Dans son discours à l’université Karl Marx, il constate que la Hongrie se trouve désormais «au seuil d’un changement historique». «Pour la première fois, note-t-il, le Rideau de fer a commencé à s’écarter. Et la Hongrie […] montre la voie.» Cependant, malgré l’annonce de la signature d’accords facilitant l’immigration des Hongrois aux Etats-Unis et les investissements américains, George Bush reste lucide et n’hésite pas à qualifier la sortie de l’économie stalinienne de véritable «Rubik’s cube ».
Le principe d’une aide occidentale est finalement décidé à Paris, lors du sommet de l’Arche, qui réunit les pays du G7, du 14 au 16 juillet 1989. Sous l’influence de George Bush mais aussi de François Mitterrand, il est décidé de confier à la Commission européenne le soin de répartir les aides économiques des vingt-quatre pays de l’OCDE accordées à la Pologne et à la Hongrie. En conséquence, la CEE lance son programme d’aide spécifique, PHARE (Pologne, Hongrie, Assistance à la Reconstruction Economique), la Pologne et la Hongrie étant considérées comme les pays les plus avancés dans le processus de libéralisation politique et économique. Outre le soutien aux réformes politiques, le président de la Commission, Jacques Delors, met l’accent sur l’accroissement des échanges commerciaux ainsi que la modernisation de l'économie par une gamme de moyens qui va de la création de sociétés mixtes à la formation du personnel . Le budget mis à la disposition du programme PHARE n’aura de cesse de croître : de cinquante millions de dollars, il atteindra un milliard d’ECU en 1992.
Toutefois, Jacques Delors précise que cette aide économique n’est en aucun cas «une manne qui tombe du ciel.» «Nous disons aux Polonais et aux Hongrois: aidez-vous vous-mêmes et nous vous aiderons.» ajoute-t-il. Cette réserve semble logique au regard de la situation économique difficile que connaît la Hongrie, où l’endettement atteint 1500 dollars par habitant. «Nous devons faire un effort d’imagination particulier pour la Hongrie, qui par certains aspects connaît une situation florissante, mais par d’autres sensiblement plus inquiétante», constate Roland Dumas le 17 novembre. En outre, la période électorale à venir rend délicate la gestion de l’économie.
Indéniablement, la Hongrie a encore un long chemin à parcourir. Pourtant, même si l’aide accordée ne sera réellement mise en place qu’à partir de 1992, l’optimisme quant aux évolutions en cours reste dominant : ainsi, François Mitterrand, en visite officielle à Budapest le 18 janvier 1990, pense déjà à un possible élargissement de la CEE : «La réussite de ce qui se passe ici et dans les autres pays de l’Est est déterminante pour les nations occidentales. […] Vous êtes l’Europe autant que nous.»
Christelle Lapierre