12 fenêtres sur XI

12 fenêtres sur XI

Budapest Parcours

Par Emmanuelle Sacchet et l’oeil regarde


Un rendez-vous bien avant que le soleil ne se lève. Avec la ville et Clément Saccomani, l’un de ses photographes éperdument assidu. Point de ralliement au Lágymányosi híd, ce pont qui symbolise, en train ou en bus, les départs pour le grand Ouest. On se contentera juste de le traverser pour aller voir ce qui se passe en dessous. Treize ans après sa construction, on dirait que la terre sur laquelle le pont a été implanté n’en finit pas de s’organiser et de tenter de trouver sa raison d’être. Côté Pest, les choses semblent être réglées depuis l’avènement du MUPA. Côté Buda, bien que proche du quartier des universités, les lieux donnent encore dans le no man’s land, percée du métro 4 incluse. L’obscurité générale - dans laquelle on devine la fonction des bâtiments frôlés - alterne avec quelques lumières qui attirent la sensibilité de nos photos et pensées. De l’image aux mots, voici douze fenêtres verticales de notre regard sur le XIe arrondissement :

Image retirée.

Fenêtre 1 : La nuit, tous monuments éteints, seules les publicités éclairées illustrent la vie que l’on souhaiterait avoir. Le contraste est d’autant plus fort de suggérer à la ville endormie lingerie, portable, voiture, solarium, litre de lait polonais ou matelas. Et tout va bien dans le meilleur des mondes puisque les boutiques de crédit brillent aussi dans l’obscurité.

Fenêtre 2 : Le pont Lágymányosi atterrit dans le quartier éponyme de Buda. Les vieux complexes sportifs à l’abandon sont surveillés par habitude ou transformés en parkings 24/24. Entre, de nouveaux complexes immobiliers comme l’Infopark arbore des buildings high-tech griffés de noms connus.

Fenêtre 3 : Accolées entre terrains vagues et infrastructures du passé et de l’avenir, les barres d’immeubles se réchauffent comme elles le peuvent. Les carrés colorés des fenêtres s’allument peu à peu pour une nouvelle journée. Quelques guirlandes de Noël ont été oubliées.

Fenêtre 4 : Le dos d’un diplodocus nous attire depuis très loin avec sa peau striée et translucide sous les néons. C’est une structure gonflable entourée d’arbrisseaux sauvages, de barbelés et de la caravane sub-claquante d’un vigile ; comme tout ce qu’il y a dans le quartier. Pourtant, aucun soupçon d’insécurité ici, ni ailleurs dans la ville.

Fenêtre 5 : Les personnes âgées sont insomniaques. Pour preuve, on les voit partout déjà déambuler dans les rues, le cabas à la main. Sinon à 6 heures pétantes, on en a vu d’autres courir comme des lapins après les balles de tennis d’un cours très particulier. Chapeau bas.

Fenêtre 6 : Tours de volant sur les grands boulevards alentours pour regarder bleuir notre pare-brise entre chien et loup.

Fenêtre 7 : Il faut toujours faire une pause-café même si l’on n’en boit pas. C’est la meilleure façon de prendre la température d’un quartier et de ses gens, surtout s’il ne paye pas de mine. Le nôtre, le Gurgula Bt au 213 Fehérvári út est un antre chaleureux orchestré par une jeune serveuse dont l’attention égaye la vie de plus d’un. Force de l’habitude, la bière est servie d’office avec son alcool décapant.

Fenêtre 8 : Dans le quartier d’Albertfalva, on ne sait plus qui du tramway 41 ou des immeubles est arrivé le premier. Leurs lignes droites conjuguées semblent juste indissociables.

Fenêtre 9 : Le plan d’urbanisme de ces quartiers restera obscur au passant. Les choses paraissent évoluer mais l’on confond sans cesse les terrains d’usine, d’églises, de marché, de cimetière, d’abris atomique ou de remise à tramways.

Fenêtre 10 : Droits, les boulevards le sont aussi ici. Longeant logiquement le Danube, face à l’île de Csepel que mon esprit d’oiseau voyait pourtant à des kilomètres. Trois grandes artères vides prennent le nom de Budafoki, Szerémi et Fehérvári, de loin la plus courue.

Fenêtre 11 : Au cœur même des quartiers les plus réhabilités, on peut toujours espérer tomber sur La parcelle authentique à la ville. Dans ces écrins de verdure, comme des cités ouvrières, les gens préservent leur petite maison ou soignent leur balconnet. Et leurs vieilles voitures avec.

Fenêtre 12 : Petit clin d’œil à ces sonnettes alignées comme les fenêtres serrées de leurs locataires. Rien de plus doux à l’oreille - et de plus drôle - que de déclamer savamment toutes ces sonorités magyares aujourd’hui maîtrisées.

Vive tous nos Gábor, László, Attila, András et ces chères Zsuzsa ou Ildikó aux “névnapot” tant célébrés !

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