La communauté rom dans le paysage hongrois et budapestois
Constituant la plus grande minorité ethnique en Hongrie et en Europe, les Roms font partie de la réalité Hongroise et du paysage urbain de Budapest.
Le terme Rom fait référence au groupe ethnique originaire du nord de l'Inde et caractérisé par le nomadisme. Les Roms n'ont pas leur propre État et vivent donc à travers toute l'Europe, toujours constituant une minorité. Les communautés sont relativement importantes en Europe centrale et orientale et dans les Balkans, représentant approximativement entre sept et neuf millions de personnes. Les Roms constituent la plus grande minorité ethnique de l'Union européenne et sont connus pour être confrontés à des problèmes de discrimination, de faible niveau d'éducation, de chômage et de niveaux de vie très modestes. Dans quelle mesure la communauté rom hongroise est-elle liée au paysage urbain de Budapest ? Cet article présente dans une première partie l'histoire générale des Roms, de leurs origines au génocide pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans une seconde partie, les communautés roms et leur niveau d'intégration seront abordés. Dans la dernière partie, cet article étudie la réaffirmation de l'identité rom à Budapest.
Les Roms sont traditionnellement des personnes itinérantes originaire du nord de l’Inde. Ils se sont fait connaître à travers l’Europe par leurs activités professionnelles caractéristiques : ils étaient entre autres forgerons, cordonniers, marchands, musiciens ou professionnels du cirque. Cependant, leur mode de vie nomade n'était pas apprécié des populations autochtones, qui avaient souvent de forts sentiments anti-Roms, conduisant à des exils forcés et des persécutions. Le paroxysme du sentiment anti-Roms fut le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale, où les persécutions contre les communautés roms ont pris des proportions effroyables. Le nazisme les considérait comme des gens inférieurs et organisa donc un génocide adossé à celui des Juifs. Le « Samudaripen » (« massacre ») des Roms a éviscéré la communauté. On estime qu'entre 220 000 et 500 000 Roms ont été assassinés, ce qui représentait entre 25% et 50% de la population. D'autres études affirment que jusqu'à deux millions de Roms ont été tués, mais les estimations sont difficiles à réaliser en raison du manque de recensements des populations. À Budapest, le Centre Commémoratif de l'Holocauste sert d'institution de mémoire pour les victimes du génocide. Le paysage urbain est également marqué par le Monument aux Roms victimes de l'Holocauste qui a été construit dans le parc de Nehru en 2006. Chaque année, une cérémonie commémorative a lieu au monument le 2 août.
La situation actuelle de la communauté Rom en Hongrie
Un sentiment anti-Rom existe encore aujourd’hui lorsque la communauté est associée aux idées de pauvreté et de sous-développement. Le court métrage Szafari de Pölcz Boglárka et Pölcz Róbert (2001) représente la manière dont les communautés roms sont perçues dans des représentations cognitives. Il regarde un peuple rom avec distance, comme dans un safari, et donne l’impression que les scènes furent filmées au siècle dernier. Il montre la vie quotidienne d'une communauté pastorale rom dans l'est de la Hongrie et ses activités agricoles. Le film est en fait une critique de cette approche d'appréhension de « l'autre », comment les Occidentaux perçoivent les communautés rurales. La perception des Roms comme économiquement et culturellement arriérés conduit à des répercussions concrètes, telles que de la discrimination, des actes de violence et des politiques d'intolérance. L'intégration forcée a également été utilisée pour anéantir la culture rom, en poussant à la sédentarisation et en effaçant les langues et traditions spécifiques.
En 1993, le sommet de l’Union européenne à Copenhague a fait du « respect et de la protection des minorités » l’un des principaux critères pour faire partie de l’Union Européenne. Ainsi, en Hongrie, la loi sur les minorités de 1993 a élargi les droits des minorités, et en 1995, le système d'autonomie nationale des minorités a été mis en place pour les Roms, entre autres. Il a permis aux minorités de choisir leurs représentants dans les institutions nationales. De plus l'activisme des Roms a conduit à une meilleure participation politique des Roms et à l'inclusion d'informations sur le génocide des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale dans les programmes scolaires. Depuis, il y a eu sept représentants roms au Parlement hongrois. En outre, une plus grande attention est accordée aux violations des droits de l'homme contre les Roms et les meurtres à motivation raciste sont en baisse depuis 1990. Cependant, les conditions de vie des Roms sont toujours préoccupantes aujourd'hui en Hongrie.
L’emprunte Rom à Budapest : lorsque l’art et la culture refaçonne l’identité
Le centre culturel rom d'Újpest, au nord de Budapest, est un point de repère important pour les Roms en Hongrie. Il témoigne de l'histoire de la communauté avec des photographies et des documents montrant la culture des Roms et leurs activités. Il existe également des artefacts attestant des activités professionnelles des Roms à Budapest, qui étaient principalement des forgerons, des musiciens ou des hommes d'affaires. Il y a environ 80,000 personnes d'origine rom à Budapest, et une grande communauté s’était établie à Újpest en raison de leur expertise du cuir et de la présence des industries du cuir. La bibliothèque du centre possède environ 6.000 livres et est l'une des plus grandes collections consacrées à la littérature rom. En outre, une aide après les cours est fournie aux enfants roms, ainsi que des cours de danses roms. La langue romani est également une caractéristique culturelle importante qui est malheureusement en train de disparaître.
La galerie d'art Kugler Szalon à Deák tér est un autre repère fondamental de l'identité rom. C'est le résultat du mouvement intellectuel d'émancipation et de l'activisme pour la réaffirmation de leur identité. Il expose les œuvres d'artistes autodidactes, établissant un mouvement des beaux-arts roms. La galerie est également très importante car elle marque un moment charnière pour l'émancipation culturelle rom, étant donné qu’aucun musée national ne leur est dédié. Parmi les artistes exposés sur les murs de la galerie, on retrouve Orsós Teréz, Oláh Mara, Oláh Jolán et Bada Márta.
Par ailleurs, le tableau Születés de Péli Tamás est important car il dresse un portrait de l'histoire et de l'identité des Roms. Le titre signifie « Naissance », et il a été peint pour un orphelinat. Le peintre a voulu donner un récit, une histoire aux orphelins roms en promouvant la culture de leur peuple et en développant un sentiment d'appartenance.
Les Roms sont intimement liés au paysage de Budapest, et cela est visible lorsqu’on se penche sur leurs histoires passée et actuelle en Hongrie. Bien que leur présence soit discrète sur la carte urbaine, leurs récits et leur identité font partie de la réalité du pays. Les communautés roms d'aujourd'hui sont toujours confrontées à des problèmes de discrimination, mais les mouvements d'activisme et d’émancipation font de leur mieux pour réaffirmer leur identité.
Constantin Lu
Sources :
EURACTIV.com https://www.euractiv.com/section/enlargement/opinion/roma-politics-in-central-europe/
Erika Schlager (2006) https://www.britannica.com/topic/Roma-Europes-Largest-Minority-The-1105088
European Commission - Directorate General for Enlargement (2012). https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/sites/near/files/pdf/brochure_roma_oct2003_en.pdf
Moskovits Peter : http://ujnautilus.info/peli-tamas
Britannica : https://www.britannica.com/topic/Rom
Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/Romani_people_in_Hungary
Open Society Foundations : https://www.opensocietyfoundations.org/explainers/what-roma-genocide
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