Manifestation de soutien aux #WomenInWhite : un appel à la solidarité féminine internationale

Manifestation de soutien aux #WomenInWhite : un appel à la solidarité féminine internationale

Hommage à la bougie et affiche "ERÖ =/=ERÖSZAK - BELARUSZ NÖK =/= BÜNÖZÖK"

«Femmes du monde ! Nous, les femmes de Biélorussie, vous demandons de l'aide." clame la publication de présentation de la marche internationale de soutien aux femmes biélorusses sur les réseaux sociaux.

Lors des événements qui ont suivi l'élection présidentielle truquée, rappelle la publication, le gouvernement a persécuté les dirigeant.e.s de l'opposition, réprimé brutalement les manifestations pacifiques et torturé les manifestant.e.s. Les femmes biélorusses ont alors dû assumer le rôle de maintien de la paix. Des milliers de femmes biélorusses vêtues de blanc et tenant des fleurs, ont participé à des manifestations contre la violence policière. Elles sont devenues célèbres dans le monde entier sous le nom de #womeninwhite (Les femmes en blanc). Leurs actions ont contribué à réduire le niveau de violence dans le pays pendant un certain temps. Cependant, le gouvernement autoritaire de Loukachenko a rapidement mis fin au mouvement par des arrestations massives et violentes, estimant qu'il représentait une menace pour le régime. Ces femmes sont alors confrontées à la signature de faux protocoles, à des insultes, à des détentions dans de mauvaises conditions, à des licenciements, à des menaces des services de protection de l'enfance ou encore à des amendes abusives. Les médias d'État, aux heures de grande écoute, tentent de ternir la réputation des femmes qui manifestent. Elles sont désignées comme des alcooliques, des toxicomanes, des prostituées, des moutons, des «truies reproductrices» qui devraient «rester à la maison et s'occuper de leur famille», des «femmes qui couchent avec des hommes suants», et d'autres termes similaires.

«Nous trouvons cela totalement inacceptable. Nous demandons à toutes les femmes du monde entier de se joindre à nous dans la lutte pour les droits humains et la dignité. Que l'énergie de notre solidarité résonne partout dans le monde ! »

À Budapest, la première manifestation a eu lieu le samedi 10 octobre à Kossuth Lajos tér, devant le Parlement. Cet événement a été organisé par le collectif Solidarity with Belarus action in Budapest qui fait partie d'une nébuleuse internationale de soutien lancée par la diaspora biélorusse de Cracovie, en Pologne. Cet événement s'est en effet déroulé dans 22 pays et presque 50 villes autour du monde. En participant à cet événement, le collectif souhaitait rappeler l'idée pourtant simple que tout lieu est la place d'une femme.

Manifestantes biélorusses

Dans un premier temps, le groupe de percussions Rythm of Resistance a joué plusieurs morceaux tandis que se mettait en place l'hommage aux Biélorusses sous la forme d'un coeur de bougies entouré de roses. Ensuite, plusieurs discours ont été prononcés.

Députée européenne pour le mouvement Momentum Anna Júlia Donáth

La députée européenne pour le jeune mouvement Momentum (alternative politique créée en mars 2017) Anna Júlia Donáth a exprimé son souhait de voir l'initiative des Women in white permettre à la Biélorussie de progresser sur le plan socio-politique afin de rejoindre la communauté européenne dans les prochaines années. Elle a également salué le rôle des femmes en politique, qui obtient une reconnaissance encore trop faible malgré des personnalités féminines de plus en plus nombreuses.

 

 

 

Après elle, Kata Kevehazi, traduite en direct en anglais par Antonia Burrows, a proposé un discours puissant et emplit d'un message important.

«La Hongrie appartient aujourd'hui aux révolutionnaires en fauteuil. [...] Mais arrive un moment où il faut se lever, il faut parler – même publiquement. Cela est particulièrement vrai en Biélorussie, même vous ne ferez jamais assez, vous ne serez jamais assez. Surtout en tant que femme. Car nous sommes les concurrentes du patriarcat.» Elle dénonce ensuite les discours et stéréotypes qui maintiennent la hiérarchie patriarcale. «"Ce n'est pas aux femmes de faire la politique", a déclaré Loukachenko. Nous sommes trop sensibles. Le nom de la femme est Faiblesse et c'est aux hommes, héros, de nous protéger. Moi je pense que la sensibilité est une vertu. Chez les femmes comme chez les hommes. Ce n'est pas une faiblesse mais une source de force réelle. Le cynisme, la cruauté, l'usage de la violence, la vulnérabilité, la perpétuation de l'ignorance, la rétention d'informations, l'exploitation d'autrui, la restriction de la liberté, la coercition pour l'obéissance, la tromperie, tout ceci fait la formule magique et apparemment éternelle du pouvoir patriarcal.»

Kata Kevehazi, traduite en direct en anglais par Antonia Burrows

Mais Kata Kevehazi dénonce aussi notre passivité face à cette oppression que nous avons intériorisée. «Cela ne fonctionne que parce que nous croyons que quelqu'un d'autre prendra soin de notre sécurité, de notre avenir. Nous sommes amenées à croire que nous sommes incapables et donc obligées de mettre nos vies entre les mains de dirigeants violents, qui montrent alors réellement leur force, maintenue par notre énergie, soutenue par notre travail et notre argent invisibilisés.»

Elle évoque ensuite l'idée d'Elisabeth Gilbert selon laquelle les femmes aisées, ou même de classe moyenne, ont conclu un pacte avec le diable : en échange de leur position sociale, elles fermeront les yeux sur leurs injustices et ne défendront pas les autres femmes qui souffrent plus qu'elles. Elle appelle ainsi toutes les femmes à se sentir concernées, tant par l'oppression patriarcale que par le racisme ou le classisme de notre société.

De même, ce n'est pas parce que ça ne se passe pas chez nous que nous ne devons pas faire preuve de solidarité.

Kata Kevehazi lance donc un appel général. «Les fleurs en robes blanches se révoltent dans un pays qui ressemble beaucoup au nôtre. Elles n'aident plus l'ennemi. Grâce à leur héroïsme, elles pourront contribuer à planter le dernier clou des cercueils d'autres dictatures capables de beaucoup pour préserver leur pouvoir. [...] Dans de nombreux pays, comme toujours, nombre de nos concitoyennes luttent aujourd'hui pour la justice sociale.» En effet, elle rappelle qu'il est facile pour le pouvoir patriarcal de se donner bonne conscience en honorant des mortes tandis que les vivantes attendent en prison.

Olga ZubkovskayaOlga Zubkovskaya a elle aussi offert un discours chargé en émotions et en revendications. Elle commence d'ailleurs en adressant une pensée à ses camarades, Olga Shparaga et Julia Mitskevich, arrêtées la veille car membres du Conseil de coordination du Groupe féministe (une instance citoyenne créée dans le but de négocier une transition de pouvoir). Olga Zubkovskaya rappelle d'ailleurs que les femmes ont été au premier plan du mouvement civil autour des élections de cette année en Biélorussie mais a également rappelé que « L'histoire de la résistance des femmes n'a pas commencé cet été » en citant les femmes de Solidarité polonaise, les mères chiliennes de la Plaza Maya ou les femmes en blanc à Cuba.

Olga Zubkovskaya rappelle aussi qu'en Biélorussie, les femmes représentent 40% de la chambre basse du Parlement et occupent certains postes importants. Mais elle insiste sur le fait que cela n'est pas fait dans un but de parité mais parce que ces femmes sont considérées comme «serviles et facilement manipulables».

En effet, elle explique que les femmes voient encore aujourd'hui leur participation politique comme étant symbolique et n'exprimant pas leur pouvoir.

Elle rappelle également que «En Biélorussie, celles et ceux qui osent être en désaccord perdent leur emploi et devront relever des défis importants pour trouver un autre lieu de travail, même en dehors du secteur public. C'est pourquoi les actions des enseignant.e.s qui ont quitté les commissions électorales ou qui n'ont pas eu peur de compter équitablement les votes méritent des applaudissements».

L'activiste féministe dénonce également la traite sexuelle parrainée par l’État. Elle évoque le cas de Sasha Varlamov, qui a pu devenir une figure éminente de la mode en Biélorussie en échange de femmes pour «le divertissement présidentiel», ainsi le contrat signé par les modèles de Varlamov n'est en réalité «qu'un autre nom pour désigner de l'escorting de haut niveau». Paradoxalement, la Biélorussie est devenue en parallèle «championne des mesures de lutte contre la traite, en essayant à la fois de laisser le corps des femmes réservé à la consommation interne tout en gagnant des points sur la scène internationale».

Olga Zubkovskaya

Olga Zubkovskaya a exprimé ses remerciements et son soutien à la communauté lesbienne, bi et transgenre, dont les membres ont été parmi les premier.ère.s à se joindre aux manifestations malgré les risques accrus, puis a, elle aussi, appelé à une mobilisation internationale. «Les femmes de Biélorussie sont désormais devenues un symbole. Mais nous ne sommes pas réunie.e.s simplement pour être «cool» et pour avoir pitié des femmes comme victimes. Nous sommes réuni.e.s pour appeler à la solidarité avec les femme de Biélorussie. Nous exigeons que leur droits civils et politiques soient respectés. Nous exigeons que les prisonnières politiques comme Mariya Kolesnikova, Lilia Vlasova, Elena Levchenko, Olga Shparage ou Julia Mitskevich soient libérées tout comme les nombreuses autres victimes du régime. Nous exigeons une enquête transparente sur les meurtres et les abus de pouvoir et que justice soit faite aux victimes. Et, tandis que nous sommes reconnaissant.e.s aux femmes hongroises qui nous soutiennent régulièrement – Anna Donáth qui n'a jamais manqué une invitation, Kata Kevehazi et son excellent discours, Bernadett Szél qui va présenter une proposition en faveur du peuple biélorusse au Parlement – nous estimons que la Hongrie pourrait faire plus.»

Suite à ces discours puissants, une performance symbolique a été présentée, puis la foule s'est réunie en cercle autour de l'hommage à la bougie pour chanter et danser sur de la musique biélorusse, symbole d'espoir et de solidarité.

Photos de manifestations, dessins, bougies et drapeauxPerformance et hommage à la bougie avec nounoursDanse en ronde devant le ParlementBougies, chants et danses