LIVRE: Mirroir hongrois

LIVRE: Mirroir hongrois

Si vous souhaitez faire un saut dans l’imaginaire d’auteurs hongrois contemporains, n’hésitez pas à vous saisir d’un petit recueil de nouvelles réunies sous le titre de Miroir hongrois. Au nombre de onze, écrites par des hommes et des femmes, elles nous livrent chacune à leur manière le goût particulier d’une époque, souvent celle d’avant 1989, mais aussi celle des années 1990 et 2000. Il s’y mêle à tour de rôle des souvenirs d’enfance, d’amour perdu ou de désirs de jeunesse; des images indélébiles d’une mère, d’une jolie amie d’enfance, ou d’un Noël en famille qui dérive; des sentiments indicibles comme celui de la trahison, celui d’avoir franchi «la» frontière ou encore ceux d’impuissance et de détresse en 1956.

 Sur les onze nouvelles, dix sont des récits écrits à la première personne: elles s’inscrivent nettement dans une veine autobiographique où l’ironie est souvent reine. Mais à l’intime se mêlent des références historiques, politiques ou littéraires. Ainsi dans la nouvelle Rue Maïkovski, place Vörösmarty d’Endre Kukorelly (né en 1951), le jeune homme qui est sur le point de quitter son pays se trouve à la frontière de deux mondes que l’idéologie divise. De même, dans le récit intitulé Dernières vacances de György Spiró (1946), si le narrateur évoque sa mère peu avant sa disparition, il le fait en l’inscrivant à la fois dans les pénibles années communistes mais aussi durant les événements de 1956. Notons que cette nouvelle écrite en 1987 ne sera publiée qu’en 2004 pour des raisons politiques. Dans Une soirée, Iván Mándy (1918-1995) prête son propre au nom au narrateur. Il le met en scène comme écrivain travaillant à une nouvelle et refusant de signer une lettre ouverte à János Kádár. La mise en abyme y est vertigineuse car elle pose à tous la question de la responsabilité de l’homme dans la grande histoire. Dans un autre contexte, le cambriolage qui se produit dans Délire écrit par Alice Mátyus (1948), réveille de manière violente chez la narratrice adulte, les sentiments d’indignité et de peur qu’elle avait connus petite fille en 1956.

Les deux nouvelles enthousiasmantes de László Garaczi (1956), Mon désir le plus fou et Comment ma femme est devenue végétarienne, ainsi que Sur le sol froid de Krizstina Tóth (1967) sont davantage de l’ordre de la confession, mais aussi un jeu avec les codes du langage. Gábor Németh (1956), Adél Kálnay (1952) et Miklós Vámos (1950), évoquent, respectivement dans Le lac Huron, Conte du vent, du feu et de la jeune fille aux cheveux d’or et Piano bar, le temps et l’amour qui passent. Enfin, dans Le passeur de György Dragomán (1973), le récit est écrit à la troisième personne pour mieux marquer le destin des exilés.

Un petit livre indispensable pour mieux comprendre les Hongrois et apprécier leur littérature. Notons également la très bonne introduction de Jolán Orbán, maître de conférences à l’Université de Pécs sur les tendances littéraires en Hongrie depuis les années 1960.

 Milena Le Comte Popovic

 

Miroir hongrois,

aux éditions L’Harmattan (2008), traduit par Clara Tessier,

Laure Penchenat, Kati Jutteau

 

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