« La francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières »

« La francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières »

« La francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières »

A l’occasion de l’année anniversaire de l’Organisation internationale de la francophonie, qui souffle ses cinquante printemps, retour sur les enjeux culturels de la francophonie.

Depuis 1970, les 88 Etats et gouvernements de l’Organisation internationale de la francophonie œuvrent pour le rayonnement de la cinquième langue mondiale : la langue française. A l’origine de cette institutionnalisation, des pères fondateurs tels que le célèbre Léopold Sédar Senghor, le tunisien Habib Bourguiba, le nigérien Hamani Diori et le cambodgien Norodom Sihanouk. Plus que le développement du Français et de la diversité culturelle, l’OIF se fixe des objectifs diplomatiques. Ainsi, elle participe à la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme, mais aussi au développement de la coopération économique au service du développement durable et à l’accès à l’éducation et à la formation. Les valeurs défendues par l’OIF, outre la langue française, telles que la diversité culturelle, la solidarité, la démocratie et les droits humains s’inscrivent dans l’espace sans frontières de la francophonie.

300 millions, c’est le nombre de francophones à l’échelle mondiale.

Il y a quelques années, l’artiste québécois Gilles Vigneault partageait avec poésie sa conception de la francophonie : « La francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières. C’est le pays à l’intérieur. C’est le pays invisible, spirituel, mental, moral qui est en chacun de vous ». Le vous auquel il s’adresse, ce sont les 300 millions de francophones du monde, répartis bien au-delà des simples frontières françaises, espace qui serait bien réducteur pour définir la francophonie.

Après le Brexit, un rééquilibrage en faveur du Français dans l’Union européenne ?

Dans une tribune publiée dans Le Monde le 6 février dernier, la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, s’interrogeait sur la pertinence et la pérennité de l’Anglais au sein des instances communautaires. Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’UE, le 31 janvier 2020, il ne fait plus partie des langues officielles de l’Union. Pourtant, la langue anglaise reste largement utilisée dans une grande partie des documents du Conseil européen et de la Commission européenne, deux des plus importantes institutions européennes. Ne souhaitant pas la disparition complète de l’Anglais de l’espace européen, elle appelle à un rééquilibrage en faveur du Français, langue parlée par 130 millions d’Européens. La Rwandaise précise par ailleurs que 19 des 27 Etats membres « se reconnaissent » dans cette langue et ont rejoint l’OIF. Selon elle : « La francophonie est un fait mondial, que l’Europe ne peut pas négliger. Une Europe plus francophone participera mieux à l’irréductible diversité du monde ».

Les enjeux de la littérature francophone

Autre enjeu, et pas des moindre : la littérature. Invitée des Matins de France Culture en février 2018, Leïla Slimani prônait la lutte contre la monoculture. La francophonie ce n’est pas seulement la culture française, mais une myriade de cultures. Il ne faut pas voir dans la francophonie la simple diffusion de la langue française dans le monde, mais aussi la manière dont d’autres pays se l’approprient. Ce n’est pas moins leur langue que celle du peuple français. Pour l’écrivaine marocaine, « regarder le monde que d’une seule façon, c’est réducteur ». L’auteure de Chanson douce illustre son propos avec l’exemple de la Chine, pays où la francophonie se développe : « En Chine, il y a un très grand goût de la langue française, qui n’est pas seulement le goût de la gastronomie, l’amour et le football, c’est aussi l’amour de l’Afrique ».

S’accordant aux propos d’Alain Mabanckou, grand auteur francophone, elle insiste sur la diversité et la décentralisation qui doivent faire la francophonie. Leïla Slimani poursuit et évoque les grandes maisons d’éditions parisiennes : « Il faut là aussi décentraliser. Ces grandes maisons, ce sont des grandes maisons parisiennes, qui sont extraordinaires, qui ont une histoire et un catalogue extraordinaires, mais je trouve qu’il est dommage, aujourd’hui, que les auteurs du monde francophone soient souvent obligés de passer par Paris, de passer par ces maisons pour se faire connaître et pour même pouvoir revenir dans leur pays ». Elle conclut avec le malheureux constat de l’absence d’écrivains francophones non français comme Amadou Hampâté Bâ ou Amin Maalouf dans les programmes scolaires français.

Manon Martel

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