La Marche des „Busó” (Busójárás)

La Marche des „Busó” (Busójárás)

Une coutume hongroise bien curieuse… venue des Balkans.

Chaque année, dans les jours qui précèdent le Mercredi des Cendres, les habitants d´une commune du Sud de la Hongrie, Mohács, ne tiennent plus en place. Portant de grands masques en bois et vêtus d´épaisses fourrures, ils parcourent les rues de la ville, faisant, dans cette tenue terrifiante, le plus de bruit possible en agitant des crécelles. Pour clore ces journées, un grand bûcher est édifié sur la place centrale où l´on immole ce pauvre Hiver dont le cercueil sera ensuite immergé dans le Danube. Coutume bien curieuse et typiquement hongroise (ce que l´on appelle ici „hungaricum”) au point d´avoir été classée au patrimoine de l´UNESCO.

Et pourtant, elle nous vient à l´origine non de Hongrie, mais importée par un peuple slave venu de la Croatie voisine, les „Šokci” (en hongrois Sokácok). Le but de l´opération : intimider et chasser l´hiver et hâter du même coup la venue du printemps. Son nom : „Busójárás” ou „Marche des Busó” [prononcer „boucho”], en Croate „Pohod bušara” (1).

Beaucoup y voient également un lien avec une légende que l´on rattache à l´occupation turque. Réfugiés sur une île au beau milieu des marais, les habitants de la ville auraient subi un assaut des soldats turcs. Dépourvus d´armes, ils n´auraient trouvé d´autre moyen que de se déguiser en animaux sauvages pour les chasser. Vrai ou faux ? Il n´en demeure pas moins que ledit événement se situe sur la fin du XVIIème siècle, soit cent ans avant l´arrivée de la tribu slave.

Une coutume qui provient des Balkans (on la retrouve en Bulgarie), au demeurant relativement répandue, jusqu´en Sardaigne. Que ce soit pour chasser l´hiver ou, plus simplement les démons et mauvais esprits, la croyance remonte à la nuit des temps. Telle cette coutume répandue dans le Sud de la Bavière (en Allgӓu), appelée „Klausentreiben” (Klausjagd chez les voisins suisses). Même principe : revêtir des tenues de bêtes sauvages et agiter des cloches pour chasser (”treiben”) démons et esprits malfaisants, à cette différence qu´elle se tient en décembre. Avec une allusion possible au Père Fouettard surgi quelques jours plus tôt lors de la Saint Nicolas. Une tradition que l´on dit remonter à près de mille ans et qui serait d´origine celte.

Que soit en Bavière ou en Hongrie, où elle attire de nombreux visiteurs et touristes, voilà somme toute une coutume bien sympathique (mais non recommandée aux tout jeunes). Soit dit en passant : si elle s´est avérée efficace pour chasser les redoutables guerriers turcs, pourquoi nos politiques n´y auraient-ils pas recours pour chasser leurs adversaires? Tiens ! Une idée à creuser...

Pierre Waline

(1): du 20 au 25 février.

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