27 janvier (1756) : un anniversaire dignement célébré

27 janvier (1756) : un anniversaire dignement célébré

Une soirée en compagnie de Mozart et de ses amis...

Fondateur de l´ensemble de musique baroque Orfeo et du chœur Purcell, le chef hongrois György Vashegyi a l´art de dénicher et révéler au public des œuvres jusqu´ici pratiquement jamais jouées (1). Tel est le cas de deux œuvres inscrites au programme du concert donné ce soir. Tout d´abord une pièce de Johann Georg Albrechtsberger. Certes, ce dernier n´est pas tout-à-fait un inconnu pour les mélomanes, ne serait-ce que pour avoir été ami de Haydn et Mozart et entre autres professeur de Beethoven. Ce que l´on sait moins est qu’il séjourna deux ans en Hongrie avant de terminer sa carrière comme maître de chapelle au service de la cathédrale Saint Etienne de Vienne. Le second, également autrichien, Gregor Joseph Werner, est par contre totalement inconnu. Ce que l´on retiendra de lui est qu´il fut le prédécesseur de Haydn au service de la cour des princes Esterházy à Eisenstadt.

Les deux œuvres données ce soir ont été ressorties des archives de la famille Esterházy conservées à la Bibliothèque nationale hongroise (Bibliothèque Széchényi). D´Albrechtsberger: „Domine secundum meum”, répons composé pour la semaine sainte. Du second, son Requiem en ut mineur (1763). Également au programme, trois œuvres de Mozart: le motet „Sancta Mater Dei” K 272, pièce de jeunesse peu jouée, son „Ave verum” K 618 et le Requiem K 626 (2). Découvrir des œuvres jusqu´ici jamais jouées, réentendre le célèbre Ave verum et, surtout, son émouvant Requiem, trois bonnes raisons de venir assister au concert donné ce soir. Autre raison, et non des moindres, la présence, parmi les solistes, de la jeune soprano hongroise Emőke Baráth. Sans nul doute l´une des plus en vue, non seulement sur la scène hongroise, mais également sur la scène internationale où elle se produit régulièrement, notamment en France (3). A ses côtés, la contralto Eszter Balogh, la basse István Kovács et le ténor américain Zachary Wilder, ce dernier également connu du public français (4). Quant à l´orchestre Orfeo (jouant sur instruments anciens) et au chœur Purcell, nous en avons déjà fait ici suffisamment l´éloge.

Avant de parler des interprétations, un mot sur le Requiem. Une commande qui, comme on sait, avait intrigué Mozart. L’histoire, qui a fait couler beaucoup d´encre, est pourtant simple. Un certain comte Walsegg souhaitait, pour commémorer la mort de son épouse, donner un requiem qu´il aurait fait passer comme écrit par lui. Voulant conserver l´anonymat, il en passa donc la commande par l´intermédiaire de son valet. Une commande qui troubla Mozart qui, sur recommandation de Constance, l´accepta, d´autant qu´elle devait être bien rémunérée. De plus, un genre sur lequel il ne s´était pas encore essayé, mais qu´il avait toujours eu à cœur d´aborder. On sait qu´interrompue par sa mort, l´œuvre fut achevée sur ses instructions par son élève Süssmayr (Lacrymosa et une partie du Dies Irae). Voilà pour la petite histoire.

Alors ?

Un mot, tout d´abord, sur la programmation. Si le chef György Vashegyi a l´art de nous révéler des œuvres inédites jusqu´ici pratiquement jamais jouées, il a aussi le don de les choisir avec goût, ce qui fut le cas ce soir. Nous les présentant dans un programme parfaitement équilibré : deux œuvres chorales suivies d´un requiem en première partie, une œuvre chorale également suivie d´un requiem en seconde partie. L´ensemble progressant, si je puis dire, en crescendo.

Pour ouvrir le concert, un morceau absolument charmant, une prière à la Vierge Marie que Mozart composa à l´âge de vingt ans. Mélodieuse à souhait, toute en fraîcheur. En contraste avec le morceau d´Albrechtsberger qui suivait, un répons écrit pour la semaine sainte. Au ton plus solennel et plus grave, mais de grande qualité. Où l´on retrouve tout l´art et la maîtrise du maître (précisément). Tel, par exemple, cet art incomparable de manier la fugue. Mais c´est la suite qui allait nous réserver la plus belle surprise avec ce Requiem de Werner. Pour le coup, une œuvre qui ne ferait pas trop pâle figure, malgré ses dimensions modestes, au côté des grands Requiems du répertoire. Mais avec néanmoins cette particularité (que l´on retrouvera bien plus tard chez Fauré) d´offrir d´un bout à l´autre un climat empreint de sérénité, presque lumineux. Et ce, même dans le Dies irae ! Une belle révélation, donc.

Pour ouvrir la seconde partie, le chef a eu l´idée originale de faire directement enchaîner l´Ave verum de Mozart sur son Requiem, sans coupure. Comme une sorte de prélude, ce qui sonnait au demeurant fort bien.  Et ce fameux Requiem, donc….  De tout le répertoire de la musique religieuse, le Requiem de Mozart est probablement l´œuvre la plus souvent jouée. Et probablement aussi la plus prisée du public, voire du grand public. Ce qui tient peut-être en partie, au-delà de ses qualités intrinsèques, aux circonstances de sa composition. Une œuvre déjà entendue mille fois, mais dont on ne lasse jamais. Et ce soir ? Comme l´on pouvait s´y attendre, ce fut une exécution magistrale. Mais avec toutefois une particularité : la nette primauté donnée au chœur sur l´orchestre. Un orchestre relativement discret, du moins du côté des cordes. Il est vrai qu´il s´agissait d´une formation relativement réduite, de plus jouant sur instruments anciens. Ce qui finalement, par rapport aux grandes versions traditionnelles auxquelles nous étions habitués, donnait un résultat convaincant, offrant notamment plus de lisibilité et de clarté à l´ensemble. Un chœur au demeurant excellent où (pardon, Messieurs !...) prédominaient les voix féminines. Mais quelles voix ! 

Et les solistes ? Rien à redire. A une exception près : le contralto dont j´ai trouvé par moments la voix un peu en retrait, notamment au côté de sa voisine, la soprane Emőke Baráth. Une Emőke Baráth au timbre radieux qui, manifestement, dominait la soirée. Mais aussi la basse hongroise István Kovács au timbre chaud et très présent.

Mais nous ne saurions terminer sans mentionner le chef sur qui reposait le succès de la soirée. Un Vashegyi maintes fois vu, mais qui ne nous avait pas habitués encore à ce véritable trop plein d´énergie, cette fougue que nous lui avons vue ce soir. Une direction qui s´adressait surtout au chœur, mais pour quel résultat ! Un chœur qui le suivait au quart de tour.

Une belle soirée, donc, et un bien beau cadeau pour célébrer la naissance de Mozart.

NB : concert également donné le 29 à Paris (Théâtre des Champs-Élysées)

Pierre Waline

(1): travaillant en collaboration étroite avec le Centre de Musique baroque de Versailles, Vashegyi a révélé au public des oeuvres de compositeurs français peu connus de la période baroque.

(2): Mozart dont c´était précisément la date anniversaire de sa naissance (27 janvier 1756)

(3). Emőke Baráth est bien connue du public parisien où elle s´est entre autres produite au Théâtre des Champs Elysées (Orfeo de Gluck). Elle s´est également produite en duo avec Philippe Jaroussky (Stabat Mater de Pergolèse).

(4): notamment à Aix en Provence. Reconnu comme spécialiste de la musique des XVIIème et XVIIIème siècles.

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