Budapest : le Festival Cziffra (CZF), un hommage bien mérité des Hongrois à l´un des leurs

Budapest : le Festival Cziffra (CZF), un hommage bien mérité des Hongrois à l´un des leurs

 

 

S´il en est un qui mérite une large reconnaissance de la part de ses ex compatriotes, c´est bien lui : Georges (György) Cziffra. Réfugié en France en 1956, s´il connut d´emblée chez nous un vif succès, Cziffra fut longtemps boudé ou, pire, ignoré du Pouvoir hongrois. Au point que son nom était pratiquement inconnu du public sinon, chez certains mauvais esprits mal inspirés, pour railler insidieusement et stupidement son origine tzigane. Il fallut attendre le début des années quatre-vingts pour qu´enfin hommage lui fût rendu de la part des officiels hongrois. Hommage entre autres concrétisé par la remise au maître d´un moulage de la main de Liszt. Émouvante cérémonie qui s´était déroulée dans la chapelle royale de Senlis, à laquelle nous avons eu la chance d´assister (en présence d´Éva Barre). Période à partir de laquelle ses enregistrements - repris par la firme nationale Hungaroton - commencèrent à être diffusés en Hongrie. Côté français, il est également regrettable qu´il dût attendre douze longues années (1968) pour que le lui soit enfin reconnue la nationalité française. Car, s´il en est un à qui la France est redevable, c´est bien lui. Mais tout cela est du passé et il demeure incontestable qu´aujourd´hui, Hongrois et Français revendiquent de façon égale son nom comme l´un de leurs plus brillants artistes. Ceci à juste titre tant pour les uns que pour les autres.

 

Reconnaissance de la France ? Pratiquement dès son arrivée, Cziffra n´eut de cesse d´exprimer sa reconnaissance envers son pays d´accueil. Joignant le geste à la parole, il monta un cursus, puis un concours destiné à encourager et lancer nos jeunes pianistes et fonda un festival à la Chaise-Dieu. Enfin, en 1975, il racheta et restaura à ses frais la Chapelle royale Saint-Frambourg de Senlis, alors en piteux état (qui servait de garage !) pour y un installer la Fondation de son nom qu´il venait de créer. Fondation au sein de laquelle est repris chaque année le concours Cziffra et dans le cadre de laquelle sont régulièrement organisés des concerts et récitals, ainsi que des cours et diverses manifestations (expositions, colloques) (1). 

 

 

Côté hongrois, au-delà de la reconnaissance officielle et de sa vogue auprès du public, il manquait encore un petit plus : le montage d´une manifestation qui lui serait consacrée. C´est désormais chose faite avec le lancement voici quatre ans à Budapest d´un festival annuel intitulé CZF-Cziffra Fesztivál. Ceci à l´heureuse initiative du pianiste János Balázs.  Il était temps !

 

 

Un festival dont la richesse et la variété ne nous permettent pas d´en livrer ici tous les détails. Précédé d´une session de cours (8-10 février), il se sera déroulé sur 10 soirées du 17 au 25 février. Inutile de préciser que toutes les places en ont été rapidement enlevées. 

 

 

En résumer l´esprit ? Une tâche bien difficile… En deux mots, une manifestation placée tout d´abord sous le signe de la variété et de l´improvisation. Car n´oublions pas qu´autodidacte, Cziffra était passé maître dans l´art de l´improvisation qu´il maniait de façon magistrale. Et aussi un homme ouvert, au-delà des grands classiques, à la musique populaire, notamment tzigane, mais pas seulement. Autre caractéristique du festival, son côté pédagogique avec une journée consacrée aux enfants (présentation des instruments) et d´un concours avec remise de prix (50 à 70 concurrents venus de nombreux pays). Parmi les participants et intervenants, non seulement des instrumentistes, mais également un poète, une actrice (Eszter Nagy-Kalózy), une chanteuse de variété (Magdalona Rúzsa), un quatuor à cordes, un ensemble tzigane, un ensemble de jazz, voire un neurologue (Dr Tamás Freund) ! A signaler notamment la présence du ténor argentin José Cura et de la soprano Erika Miklósa, bien connue des amateurs d´opéras.

 

 

Pour nous autres, nous mentionnerons spécialement la présence de notre compatriote, la pianiste Isabelle Oehmichen. Déjà connue à Budapest où elle anime chaque été un cycle de cours à l´Académie de Musique, Isabelle Oehmichen fut jadis une élève de Cziffra et lauréate du concours portant son nom. Elle est aujourd´hui directrice artistique de la Fondation.

 

 

Un festival précédé, la veille du concert d´ouverture, de la projection du film que le Hongrois Attila Kékesi a consacré à Cziffra. Au-delà du programme purement classique (Liszt, Chopin, Schubert, Schumann, Donizetti, Kodály), une soirée consacrée à l´improvisation, une autre au jazz et un débat autour du thème de la catharsis et de son lien avec la musique (d´où la présence du neurologue !) avec participation de cymbalistes (2).

 

 

Une initiative donc bienvenue avec un coup de chapeau au pianiste János Balázs qui, plus de vingt ans après la disparition du pianiste, jugea urgent de lui rendre enfin hommage.

 

 

Pour terminer, que l´on me pardonne un témoignage personnel, pour rappeler à quel point, bien que réputé et vénéré dans le monde entier, Cziffra était un homme simple, discret et spontané. Me trouvant placé dans le public juste derrière lui lors d´un concert donné à l´Institut hongrois, il se montrait particulièrement jovial et amène vis-à-vis de ses voisins. Lorsqu´il fut prié de s´asseoir au piano, il déclina poliment l´invitation, s´en excusant par un sourire gêné, ne voulant pas ainsi porter ombrage au jeune pianiste qui participait au concert (3).  Belle leçon de tact et de modestie (4).

 

 

Pierre Waline

 

 

(1): parmi les boursiers de la Fondation, l´artiste-peintre Hanna Kürthy, qui a entre autres réalisé l´emblème de la Fondation (et dont les œuvres sont exposées en marge du Festival).

 

 

(2): le père de Cziffra, György Cziffra sénior, jouait lui-même du cymbalum.

 

 

(3): c´était en 1981 en clôture d´une journée du Tourisme culturel avec entre autres la participation du violoncelliste Miklós Perényi et de la chanteuse Zsuzsa Koncz.

(4): à lire, ses mémoires "Des canons et des fleurs" ( Éd. Robert Laffont, 1977)

Photos 1 et 3 : graphiques d'Hanna Kürthy.

 

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