L'étude des genres, symbole d'une société : Rencontre avec la professeure Andrea Pető
En août 2018, la Hongrie propose un décret visant la suppression de l'étude des genres. Deux grandes universités sont concernées : Central European University (CEU) et Université Eötvös Loránd (ELTE). Aucune raison officielle n'a été donnée. La décision serait d'ordre économique : le cours n'aurait pas assez d'adhérents. Professeure à la CEU, Andrea Pető a une théorie différente et défend bec et ongle l'importance fondamentale de la compréhension des genres dans la société.
Au printemps 2017, la maîtrise en études du genre en hongrois, offerte par ELTE a été menacé. En automne 2017, le programme d'études de genre de CEU a suivi.
Pourtant, d'autres programmes accueillent moins d'étudiants par année, comme l'apprentissage du chinois. Mais peu importe le nombre d'étudiants inscrits, l'étude des genres est une notion centrale appartenant aux connaissances sur la famille, sur le rôle de femmes, des hommes dans la société et sur la notion d'égalité en général. Les étudiants sortant de ce master ont de bons résultats d'embauche, car ce genre de spécialité est de plus en plus recherchée. Il semble donc absurde de s'attaquer à une étude partagée par les meilleures universités du monde, dont les taux de réussite sont probants.
Or, menacer un programme d'étude revient à menacer l'institut même, donc la liberté d'éducation. "Les études sont un champ interdisciplinaire d'investigation critique qui examine comment les différences sociales, culturelles et sexuelles sont construites, produites et transmises dans différents sites et espaces. Le monde universitaire néolibéral tue la possibilité d'une pensée critique". À ce stade, Ms Pető introduit le concept de l'état polypore, qui travaille cPologne remplacent essentiellement le concept de femmes par le concept de famille".
Andrea Pető explique cette décision en métaphorisant l'étude de genre comme un processus de ciment symbolique, sous trois étapes. Premièrement, la notion de genre doit être perçue comme un concept menaçant où l'"idéologie de genre" met en échec la représentation démocratique. Deuxièmement, un nouveau concept de bon sens, légitime, pour un large public est construit. Troisièmement, l'opposition au genre permet d'unir divers acteurs qui n'ont pas nécessairement été désireux de coopérer dans le passé.
Jamais auparavant un gouvernement d'un État membre de l'Union Européenne n'a cherché à légiférer sur les programmes des universités sans consulter les institutions universitaires appropriées, violant la loi fondamentale hongroise 9.1 : "La Hongrie garantit la liberté de la recherche scientifique et de la création artistique, la liberté d'apprendre en vue d'acquérir le niveau de connaissance le plus élevé possible et, dans le cadre fixé par une loi, la liberté d'enseigner."
Andrea Pető considère qu'il est légitime de critiquer le fait que les études de genre étaient jusqu'à présent fermées au sein des cercles académiques, utilisant un langage théorique désabusé. En revanche, le domaine des études de genre est soudainement devenu important sur le plan politique. Chacun a une opinion sur ce que représente ces études académiques et de ce qui devrait être son résultat : "Je suis vraiment surprise qu'à chaque fois que j'allume la télévision, la radio, les gens parlent de ce qu'ils pensent être les études de genre en Hongrie. Auparavant, personne ne savait ce que c'était. Nous devrions saisir cette occasion pour communiquer clairement à un public plus large ".
Ainsi, de par son simple travail d'enseignement, la professeure entre dans l'engagement social: "Je considère que c'est une grande opportunité professionnelle. J'ai l'impression que ce que je fais devient de plus en plus important. J'écris de plus en plus en hongrois, en essayant d'influencer la façon de penser de la population, en posant des questions et en réfléchissant ensemble. Je fais beaucoup d'éditoriaux et de journalisme, qui atteignent un total de 15 000 à 20 000 lecteurs".
Plusieurs acteurs travaillent contre ce contrôle de l'éducation et de la société en général. "Parce qu'à ce moment crucial de l'histoire, il y a une soif de nouvelles idées, d'émotions et de faits. Je pense que les études de genre ont beaucoup à apporter à cette reconceptualisation du répertoire symbolique et linguistique de la politique progressiste".
Andrea Pető vante le travail sérieux et de qualité du comité du groupe sur les sciences humaines du comité d'accréditation hongrois. De même, le genderSte est un programme qui vise à intégrer davantage le genre dans la recherche et l'innovation. Ses membres représentent des organismes gouvernementaux, de recherche, des universités, des organismes sans but lucratif et des entreprises privées de 40 pays.
Certains journaux s'engagent auprès de la cause. Le Journal Francophone de Budapest aborde depuis longtemps la situation des femmes dans les sociétés, en associant tables rondes et expositions. L'hebdomadaire 168 óra interroge régulièrement des professeurs d'universités catholiques et conservatrices dans le monde, pour démontrer que les études de genre figurent naturellement dans leurs programmes.
" À mon avis, le gouvernement croyait que les études sur le genre seraient une cible facile, c'est pourquoi il n'a pas choisi la sociologie ou la finno-agressivité " conclut Mme Pető.
Anna Monnereau
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