Budapest: pour une saison 2017-18 placée sous le signe du Ring de Wagner, l’Opéra s’offre un relifting

Budapest: pour une saison 2017-18 placée sous le signe du Ring de Wagner, l’Opéra s’offre un relifting

Pour commencer, une mauvaise nouvelle pour les touristes qui envisageraient de se rendre en Hongrie: à partir de cet été, le beau bâtiment de l’Opéra de Budapest (avenue Andrássy) sera fermé pour dix mois, lifting oblige. Une restauration qui s’imposait, essentiellement pour moderniser une machinerie de scène devenue obsolète et pour améliorer au passage l’acoustique de la salle. Réouverture prévue pour mai 2018. Mais une bonne nouvelle pour les mélomanes: la prochaine saison n’en perdra rien de son attrait, bien au contraire, avec une programmation originale, riche et variée. Car, tout comme à Paris, l’opéra dispose à Budapest d’une autre salle, plus moderne, plus vaste (2400 places) et confortable, le Théâtre Erkel (1). Un peu, toutes proportions gardées, l’équivalent de notre opéra Bastille face au Palais Garnier (ou plutôt notre salle Pleyel, sa contemporaine, en plus grand). De plus, offrant une vaste scène, une parfaite visibilité et une acoustique irréprochable, cela pour des tarifs sensiblement plus accessibles (2).

C’est donc dans le foyer du Théâtre Erkel que Szilveszter Ókovács, son directeur, choisit de nous présenter la nouvelle saison. Un foyer décoré pour la circonstance sous le signe de la modernité et de l’humour. Avec notamment ces nouvelles affiches qui nous présentent les productions sous une forme inédite, petits clins d’œil espiègles. Une campagne lancée depuis quelque temps pour désacraliser et rendre plus attrayant un art parfois taxé - à tort - d’élitisme. Des affiches (photos) au demeurant de qualité, au point qu’une partie (les versions des saisons passées) sera prochainement exposée au Musée des Beaux-Arts de la ville (3). Et, pour débuter la présentation, l’air d’Oscar du Bal masqué de Verdi, au demeurant merveilleusement interprété par une membre de la troupe, Zita Szemere. Szilveszter Ókovács, qui ne manque pas d’humour, lui remit à l’occasion la copie d’un oscar d’Hollywood. Bref, le ton était donné…

Une programmation riche avec non moins de 230 représentations prévues pour la saison 2017-18, sans compter les tournées en province et à l’étranger. Placée sous le signe du Ring de Wagner (4), mais aussi de l’opéra allemand en général. Mais également - que mes compatriotes et voisins francophones se rassurent - avec, comme chaque année, l’impératif de représenter au moins un opéra en langue française. Parmi les œuvres qui seront proposées au public: 12 productions revues, en quelque sorte „reliftées, dépoussiérées” (nouveaux décors, nouvelle mise en scène), 4 nouveaux ballets, mais aussi et surtout 10 premières ou œuvres jouées pour la première fois sur la place de Budapest.   

Ne pouvant ici les citer toutes, je me bornerai à en mentionner quelques-unes glanées au hasard (5). Au côté des „locomotives”, telles Les Noces de Figaro, le Bal masqué ou Salomé – sans parler, bien sûr, du Ring, pour ne parler que des nouvelles mises en scène -, on relèvera également des œuvres rarement jouées, telle cette délicieuse Oie du Caire, L’Oca del Cairo ossia lo sposo deluso du jeune Mozart, ou encore un opéra  d’Offenbach (composé à Vienne), Les Fées du Rhin (Die Rheinnixen), en première représentation en Hongrie. Les Français n’étant pas en reste avec Les Huguenots, Le Dialogue des Carmélites ou encore André Chénier (version concert). Pour en revenir à l’opéra allemand, encore une œuvre inédite pratiquement jamais jouée, pourtant combien charmante: La Faction de quatre années (Die Vierjährige Poste) de Franz Schubert (en création hongroise). Mais aussi Oberon de Weber. Autre nouveauté: Porgy and Bess. Tout cela cité au hasard, la liste étant bien trop longue pour être ici reprise. A mentionner néanmoins, parmi les grands opéras allemands, Parsifal. Curieusement jamais jouée à Budapest, L’Italienne à Alger de Rossini. Et, bien évidemment, le reste, anciennes mises en scène ayant déjà largement fait leurs preuves, telles, entre mille, la Traviata, Cosí et autres Tosca. Au total non moins de 64 productions.

Pour les nouveaux ballets, un dans une chorégraphie de George Balanchine sur une musique de Tchaïkowski (Thème et variations) et trois du Hollandais Hans van Manen. Un nombre ici limité en raison de la non disponibilité de la scène de l’avenue Andrássy. A noter, côté ballets, la reprise de deux œuvres copieusement applaudies: Les Frères Karamazoff et, surtout, de cette adorable Fille mal gardée dont nous avions tant apprécié l’humour et la finesse. Côté artistes étrangers, à noter entre autres la venue de Roberto Alagna, Anna Netrebko et Placido Domingo qui fera un retour sur la scène du Théâtre Erkel (Simon Boccanegra),  après 35 ans d’absence, a l’occasion  de son 77ème anniversaire. Domingo qui rejoindra par ailleurs la troupe en tournée à Berlin pour une Aïda qu’il mettra en scène et dirigera lui-même. 

Outre ces représentations, la troupe de l’opéra montera également au printemps 2018,  en plus du Ring, des festivals: „Best of Fest”,  et „Barbe bleue centenaire” („Kékszakállú 100”). Ce dernier pour commémorer le centenaire de la création de l’œuvre de Bartók, offrant huit œuvres inédites autour du thème de Barbe bleue.

Sans compter les concerts (dont une série inédite „Sur les traces de Wagner”), projections de films ou encore ces matinées destinées aux enfants et à la jeunesse.

Une programmation, mais surtout de qualité, grâce à une troupe de chanteuses et chanteurs, danseuses et danseurs jeunes et totalement engagés.

Pierre Waline

(1): ouvert en 1911, le Théâtre Erkel a récemment fait l’objet d’une entière restauration pour mieux répondre aux contraintes actuelles (salle, scène, annexes).

(2): avec également quelques représentations (version de concert) sur la scène du Palais des Arts (Müpa) et aussi dans une annexe récemment ouverte, l’Espace Eiffel (ancienne remise des chemins de fer entièrement restaurée et adaptée), sorte de piccolo teatro (350 places).

(3): affiches que l’on peut voir sur le site  elsosorban.opera.hu

(4): un Ring également proposé chaque année par le Palais des Arts (Müpa) sous la direction du chef Ádám Fischer. De quoi, donc, combler nos amis wagnériens...

(5): on en trouvera la liste détaillée sur le site de l’opéra, également disponible en anglais (www.opera.hu)

 

Légende de l'affiche : "Si je savais au moins, dans l'histoire, lequel est le héros ?"

                                  "Si au moins, dans l'histoire, il pouvait être mien, ce héros"

                                   (Le Crépuscule des deiux)

 

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