Retracer l’Histoire

Retracer l’Histoire

Entretien doctoral

Krisztián Bene est professeur au département d’études française et francophone de l’Université de Pécs, depuis 2005. Il est également docteur en histoire et notamment spécialiste de l’histoire militaire durant la 2nde guerre mondiale. C’est d’ailleurs dans le cadre de son doctorat qu’il a débuté son travail, qui plus tard, a conduit à l’écriture de son premier ouvrage, "La collaboration militaire française dans la Seconde Guerre mondiale". Nous nous sommes entretenus avec ce jeune écrivain, passionné par son sujet.

 

 

JFB : Justement c’est au cours de ce doctorat que vous avez  débuté une thèse sur la collaboration militaire au cours de la 2nde Guerre mondiale. Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire un ouvrage sur le sujet ?

Krisztián Bene : Il y a naturellement une différence entre écrire une thèse et un ouvrage. J’ai rédigé celle-ci en hongrois, tandis que mon livre est en français. J’espère que le résultat est satisfaisant, il a nécessité de nombreuses relectures!

La genèse de ce projet est survenue lorsque l’on m’a demandé, au début de mes études doctorales, dans quel domaine je voulais réaliser mes recherches. Après des études de français et d’histoire, il m’a fallu cibler un sujet qui m’intéressait et qui pouvait également captiver les autres. Depuis mon enfance, la 2nde Guerre mondiale est une période qui me fascine. Je me suis d’abord tourné vers De Gaulle, la Résistance, mais tout avait été dit ou presque! C’est pourquoi j’ai opté pour la collaboration des français avec les autorités de l’Occupation, sujet qui avait été peu ou pas abordé, malgré la très bonne réputation des historiens français. Certes, ce n’est pas un sujet "prédominant" dans les manuels scolaires, en revanche, c’est un sujet qui méritait que l’on s’y intéresse de plus prêt, pour mieux comprendre et éclaircir cette sombre période. C’est un vaste travail, cependant, maintenant que le travail est accompli, je pense que ces efforts étaient nécessaires. J’ai eu beaucoup de retours positifs, et notamment de la part des professionnelles.

JFB : Le travail de Pierre Giolitto (historien français) a-t-il été une source d’inspiration pour vous ?

K.B. : Il fut mon prédécesseur. C’est lui qui a introduit le sujet dans l’historiographie officielle. De plus, il fut le premier à ne pas prendre parti lors de ces écrits, à rester objectif. Néanmoins, étant donné qu’il s’agissait du premier ouvrage à aborder ce chapitre de l’histoire, quelques parties demeurent superficielles. Il a commencé à étudier des pistes, sans pour autant approfondir le sujet.

JFB : A ce propos, vous avez eu accès aux archives militaires française et allemande, qui avaient jusque-là été peu, voire pas consultées…

K.B. : L’intérêt de ces recherches ont été de donner un reflet à leur contenu. Mon travail repose sur un traitement de ces informations, de manière objective. Jusqu’ici, les auteurs qui abordaient cette notion de collaboration militaire s’appuyaient essentiellement sur des souvenirs d’anciens combattants. Mon travail est différent, puisqu’il repose sur des archives, ce qui le rend peut être moins accessible, mais l’important était d’aborder les points de vue côté français et allemand. L’intérêt était d’ailleurs de comparer ces deux sources qui permettent de vérifier l’authenticité de certains faits.

JFB : Votre nationalité a-t-elle été un atout pour aborder ce sujet en toute neutralité, sans être "condamné moralement" ?

K.B. : Oui, quelque part même avec la meilleure volonté, il est difficile de ne pas être étiqueté ou jugé.  Le sujet est d’autant plus sensible qu’il peut nourrir une forme de contestation ou de remise en cause. A l’image de l’insurrection de 1956 ou de la position de la Hongrie durant la 2nde Guerre mondiale, ce sont des sujets délicats. On peut très vite vous cataloguer pour mieux vous juger derrière. Or, mon point de vue n’est en aucun cas idéologique, il s’attache à présenter un travail objectif  basé sur des faits historique. C’est pourquoi il était essentiel selon moi de se rendre sur place pour avoir accès à ces archives.

JFB : Avez-vous d’autres projets d’écriture ? Souhaitez-vous aborder un chapitre de l’histoire hongroise ?

K.B. : Vous savez en Hongrie, on vous classe assez rapidement. A ce propos,  j’ai déjà reçu des menaces "profascistes" par courrier, ainsi je préfère garder mes distances maintenant sur le sujet. A l’avenir, je souhaiterais retourner en France pour aborder d’autres aspects de l’histoire française. Après tout, je débute ma carrière d’historien ! J’ai encore beaucoup de chemin à explorer. Je souhaiterais notamment traiter la Légion étrangère. C’est un thème très populaire en Hongrie particulièrement grâce au travail du romancier, Jenô Rejtô (alias P. Howard). Il a écrit de nombreux romans d’aventures qui parodient la Légion étrangère. C’est un auteur à succès, très apprécié et certainement l’un des plus lu. Toutefois, j’aimerais aborder ce sujet de manière plus pragmatique pour informer la population hongroise.

En revanche, je ne pourrais pas changer de style à proprement dit, je sais qu’en France c’est davantage dans les mœurs. Seulement, si  je veux conserver ma crédibilité en tant qu’historien, je me dois de rester dans ce domaine. En Hongrie, vous perdez immédiatement tout crédit sur vos ouvrages dès que vous changer d’horizons. J’espère avant tout retranscrire mon travail avec un style d’écriture agréable pour le lecteur, évolutif, tout en l’instruisant.

“La collaboration militaire française dans la Seconde Guerre mondiale”, édition Codex

Julien D.

 

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