Vers une politique européenne de l’énergie

Vers une politique européenne de l’énergie

Après avoir évité de justesse la guerre du gaz, c’est à propos du pétrole que la Russie et la Biélorussie se sont défiées ces dernières semaines, sans égard pour les pays européens consommateurs – notamment la Hongrie qui s’est vue privée de pétrole russe pendant quelques jours – rappelant ainsi à l’Europe sa dépendance économique en matière énergétique et la grande vulnérabilité géostratégique qui en découle. C’est dans ce contexte tendu que la Commission européenne a présenté à Bruxelles, le 10 janvier dernier, ses recommandations dans le domaine de l’énergie.

Dans ses recommandations, la Commission fixe de nouveaux objectifs à l'Union européenne pour tenir ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique et réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz et du pétrole importés. «L'Europe a besoin d'agir maintenant et ensemble pour garantir l'approvisionnement énergétique durable, sûr et compétitif», souligne le document. «Les jours de l'énergie bon marché sont terminés», affirme-t-il.

La sécurité énergétique fut en partie à la base de la construction européenne, qui a débuté par la signature du traité CECA en 1951 (mise en commun du charbon et de l’acier) et du traité Euratom (initialement créé pour coordonner les programmes de recherche des États en vue d'une utilisation pacifique de l'énergie nucléaire), en 1957. Mais force est de constater que la Communauté européenne, en dépit des grands progrès réalisés depuis 1958, n'a pas su développer une politique de l'énergie digne de ce nom. La logique de marché et le règne du chacun pour soi l'ont emporté. Les États membres ont fait des choix énergétiques très différents, en l'absence de toute vision stratégique commune.

Pour José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, l’Union européenne doit aujourd’hui passer à la vitesse supérieure : «La politique énergétique était un domaine capital au début du projet européen. Nous devons la replacer à l'avant de la scène. Les défis liés au changement climatique, la dépendance croissante à l'égard des importations et la hausse des prix de l'énergie sont des problèmes qui touchent tous les membres de l'UE. Il convient de définir une réponse européenne commune pour assurer une énergie durable, sûre et concurrentielle. Les propositions que formule aujourd'hui la Commission témoignent de notre engagement à jouer un rôle de chef de file et à définir une vision à long terme aux fins d'une nouvelle politique énergétique pour l'Europe, qui apporte une réponse au changement climatique. Nous devons agir maintenant, pour façonner le monde de demain».

Suite du processus : la Commission tentera de faire approuver ses propositions en matière d'énergie et de changement climatique lors du Conseil européen de printemps et présentera des mesures législatives tenant compte des discussions qui auront eu lieu dans les Etats membres.

Carine Palacci

 

Que propose la Commission européenne aujourd’hui ?

 

 1. Un véritable marché intérieur de l'énergie

Le but est d'offrir un véritable choix aux utilisateurs d'énergie de l'UE, qu'il s'agisse de citoyens ou d'entreprises, et d'induire les énormes investissements qui s'imposent dans le secteur de l'énergie. Le marché unique n'est pas seulement bénéfique pour la compétitivité, mais aussi pour le développement durable et pour la sécurité.

 

2. Un passage plus rapide aux énergies produisant peu de carbone

La Commission propose de maintenir la place de l'UE comme leader mondial dans le domaine des énergies renouvelables, en proposant un objectif contraignant selon lequel 20 % de la palette énergétique globale de l'UE devraient être produits à partir de sources renouvelables d'ici 2020. Cet objectif exigera une croissance massive dans chacun des trois secteurs utilisant des énergies renouvelables : l’électricité, les biocarburants et la climatisation. Cet objectif relatif aux énergies renouvelables sera assorti d'un objectif minimal de 10 % pour les biocarburants. Le paquet législatif de 2007 sur les sources d’énergie renouvelables comprendra en outre des mesures spécifiques destinées à faciliter la pénétration sur le marché des biocarburants et des systèmes de chauffage et de refroidissement exploitant des sources d'énergie renouvelables.

La recherche est capitale aussi pour réduire le coût des énergies non polluantes et placer les entreprises de l’UE en position de pointe dans le secteur des technologies produisant peu de carbone, un secteur en rapide expansion. Pour atteindre ces objectifs, la Commission proposera un plan stratégique européen pour les technologies énergétiques. L'Union européenne augmentera également d'au moins 50% ses dépenses annuelles en recherche dans le domaine de l'énergie, au cours des sept prochaines années.

L’électricité nucléaire représente actuellement 14 % de la consommation énergétique de l’Union européenne et 30 % de son électricité. Les propositions de la Commission soulignent que c'est à chaque État membre qu'appartient la décision de recourir ou non à l'électricité nucléaire. Pour les pays qui réduisent la part de leur énergie nucléaire, la Commission recommande de compenser en introduisant d'autres sources d'énergie produisant peu de carbone, sous peine de rendre encore plus difficile la réalisation de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

3. L'efficacité énergétique

La Commission réitère l'objectif d'économiser 20 % de la consommation totale d'énergie primaire d'ici à 2020. Si cet objectif était atteint, cela signifierait que, d’ici à 2020, l’UE consommerait environ 13 % d’énergie en moins qu’aujourd’hui, épargnerait 100 milliards d’euros par an et éviterait la production de quelque 780 tonnes de CO2 chaque année.

La Commission propose aussi d'accélérer l'utilisation de véhicules sobres en carburant pour les transports, d'adopter des normes plus strictes et un meilleur étiquetage pour les appareils, d'accroître le rendement énergétique des bâtiments existants de l'UE et d'améliorer l'efficacité des systèmes de chauffage ainsi que la production, le transport et la distribution d'électricité. La Commission propose enfin un nouvel accord international sur l'efficacité énergétique.

Toutes ces propositions, axées sur trois piliers, devront être étayées par une politique externe cohérente et crédible.

4. Une politique énergétique internationale pour laquelle l'UE parle d'une seule voix

L'Union européenne ne peut pas réaliser à elle seule ses objectifs en matière d'énergie et de changement climatique. Elle a besoin de collaborer avec les pays développés et en développement, de même qu'avec les consommateurs et les producteurs d'énergie. L'Union européenne établira des mécanismes de solidarité efficaces pour réagir aux éventuelles crises de l'approvisionnement énergétique, et développera une politique énergétique externe commune afin de toujours davantage «parler d'une seule voix» avec les pays tiers. Elle s'efforcera de développer des partenariats énergétiques réels avec les fournisseurs, fondés sur la transparence, la prévisibilité et la réciprocité.

S'inspirant de la consultation sur le Livre vert qu'elle a publié en 2006 (Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable ), la Commission a déjà progressé vers une politique énergétique externe plus cohérente, comme en témoigne la création d'un réseau de correspondants «sécurité énergétique». La Commission propose toute une série de mesures concrètes visant à renforcer les accords internationaux dont le traité sur la charte de l'énergie, le régime de l’après Kyoto en matière de changements climatiques, l’extension du mécanisme des échanges de quotas d’émission aux partenaires mondiaux ainsi que l'élargissement des accords bilatéraux avec les pays tiers, de manière à ce que l'énergie fasse partie intégrante de toutes les relations extérieures de l'UE et notamment de la politique européenne de voisinage. Comme nouvelles initiatives majeures, la Commission propose de développer un partenariat global entre l'Afrique et l'Europe, ainsi qu'un accord international sur l'efficacité énergétique.

5. Une proposition législative concrète

Il est urgent de prendre des mesures concrètes. Ces propositions de la Commission forment le noyau d'une nouvelle politique énergétique européenne. Cette démarche vise à traduire les principes en propositions législatives concrètes. La Commission tentera de faire approuver les propositions en matière d'énergie et de changement climatique lors du Conseil européen de printemps et présentera des mesures législatives tenant compte de ces discussions.

Pour plus d’information : http://europa.eu/pol/ener/index_fr.htm

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