"Nous ne retournerons plus à Sashalom"
Rencontre avec Christian Campiche à Budapest
C'est dans une salle comble à l'Institut Français de Budapest que nous avons eu le privilège d'assister à la lecture de quelques passages du roman Nous ne retournerons plus à Sashalom par son auteur, Christian Campiche. Organisé par l'Ambassade de Suisse, cet événement s'est tenu le 26 mars et s'est déroulé dans le cadre du programme de découverte de la culture suisse à Budapest. Monsieur Campiche a également été invité à présenter son livre le 27 mars à l'Ambassade de Suisse en Hongrie. Les deux discussions ont été modérées par Madame Éva Vámos, rédactrice en chef du JFB.
Journaliste, essayiste et écrivain, Christian Campiche est né à Budapest en 1948, d'une mère hongroise et d'un père suisse. Le travail de son père, diplomate, lui fera quitter la Hongrie à ses 1 an. Il grandira notamment à Berne, en Suisse, ainsi qu'au Portugal. Nous pouvons émettre l'hypothèse que c'est, entre autres, grâce à son exposition à ces multiples cultures qu'il a su saisir et retranscrire avec autant de finesse et d'élégance la nature de la nation hongroise.

Lors de la présentation, il nous a révélé que ce roman « sommeillait » en lui, et ce probablement depuis son enfance. Commencé il y a dix ans et publié il y a cinq, son souhait était de pouvoir partager à travers l'écriture, cette histoire du peuple hongrois, vécue indirectement à travers sa mère.
Situé à mi-chemin entre une autobiographie et une fiction, Nous ne retournerons plus à Sashalom est un roman envoûtant, mêlant histoires intimes et grande Histoire. En suivant le destin entrelacé de trois jeunes femmes hongroises liées par l’amitié, ce livre nous peint les événements cataclysmiques du XXe siècle s'étant déroulés en Hongrie : allant de l'arrivée des soviétiques à Budapest en 1944 à la révolution hongroise de 1956.
Une des ambitions de Christian Campiche était de rendre hommage à certains noms, héros (mais surtout héroïne) méconnus de ces périodes troublées. C'est dans ce but qu'il a fait sortir de l'anonymat Hildegard Gutzwiller, une religieuse suisse et Juste parmi les nations. Mère supérieure de l'église du Sacré-Cœur de Budapest, elle a sauvé, entre 1944 et 1945, plus de 250 personnes d'une mort certaine en les cachant dans son couvent. Dans l'œuvre de Campiche, les trois protagonistes principales viennent se réfugier dans le couvent et trouvent en Hildegard une figure protectrice et bienveillante. Elles traversent ensuite ensemble la répression stalinienne et le début de la Guerre froide.
En plus de la Hongrie, le roman nous amène en Suisse et au Portugal, ces territoires d'accueil mais également de surveillance et de tension. Ces lieux ne sont évidemment pas choisis au hasard, puisque Christian Campiche y a également vécu. Ainsi, à travers ces trajectoires féminines, l’auteur interroge d’une façon poignante les thématiques de la mémoire, de l’exil, et de la possibilité de reconstruire une vie loin de ses racines, une difficulté qu’il a lui-même connue.

« Pauvre Hongrie, quel avenir pour elle ? Budapest est en ruines, la Hongrie est en ruines. Nous ne nous en remettrons jamais. » p.44
Christian Campiche a évoqué qu'un autre de ses désirs était que les non-hongrois puissent en apprendre plus sur l'histoire des Magyars. Cette lecture permet cela et il semblerait que les Hongrois ont apprécié le paysage de leur nation. En effet, plusieurs personnes d'origine hongroise, présentes à l'Institut Français lors de la présentation du livre, ont exprimé avec véhémence leur sentiment d'être reconnues, autant dans leur culture que dans leurs fardeaux. Outre les passages historiques dépeignant une Hongrie sous le joug du stalinisme, Christian Campiche a réussi à rendre compte de l'essence du peuple hongrois au travers de ses habitudes, ses coutumes, ses traditions, ses plats typiques et même sa musique. Car oui, Nous ne retournerons pas à Sashalom est également une œuvre empreinte de certaines mélodies. Platon a dit « Si l'on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique » et de son côté, Christian Campiche a qualifié les Magyars comme étant « le peuple le plus musicien au monde ». Ainsi, les comptines pour enfants ou encore les chansons populaires parsemées tout au long du roman nous plongent au cœur de l'histoire de proximité, de l'histoire des gens.
Nous ne retournerons plus à Sashalom, ou Többé nem megyünk vissza Sashalomra dans sa traduction hongroise, est une lecture intrigante et instructive pour les non-hongrois mais surtout une bouffée d'air frais pour celles et ceux qui le sont. En livrant ce récit aux échos autobiographiques, Christian Campiche permet l'identification d'un peuple et la reconnaissance de son histoire.
Toujours d'actualité, nous recommandons chaleureusement cette lecture à qui souhaiterait en savoir plus sur la Hongrie et sa nation.
Cassandre Marigny & Manon Wermeille
Photos : Csilla Katona
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