​​​​​​​„Le hasard dans l’Histoire, une toute-puissance ?” - Un hôte de marque à l’Institut français de Budapest : Jean-Noël Jeanneney 

​​​​​​​„Le hasard dans l’Histoire, une toute-puissance ?” - Un hôte de marque à l’Institut français de Budapest : Jean-Noël Jeanneney 

Jeanneney

Fils de Jean-Marcel Jeanneney, ministre du général De Gaulle, Jean-Noël Jeanneney, ancien élève de l’École Normale, diplômé de Sciences Po, agrégé d’Histoire, s’est fait bien plus qu’un prénom. Ayant lui-même occupé des postes ministériels, professeur émérite des Universités à Sciences Po, Jean-Noël Jeanneney a assumé de hautes fonctions dans les sphères de l’Administration. Ayant entre autres présidé Radio France, RFI et la Mission du Bicentenaire de la Révolution ou encore la Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël Jeanneney produit chaque samedi l’émission Concordance des temps sur France Culture. Par ailleurs auteur de nombreux ouvrages dont deux volumes de Mémoires qui viennent de sortir sous le titre : „ Le rocher de Süsten” (1). Il n’est donc pas surprenant que son intervention à l’Institut ait attiré un public nombreux et de qualité, tant côté hongrois que français.

„L’Histoire offre à chaque pas, dans la paix comme dans la guerre, une foule de moments où le hasard tout puissant a paru dominer le cours des choses, où l’ironie du sort a semblé faire basculer, à elle-seule, le destin des individus et des peuples. L’histoire-fiction (imaginant ce qui serait advenu si…) permet d’éclairer ces caprices de la Fortune.” Telles sont les lignes par lesquelles ses organisateurs avaient introduit la soirée. Thèmes que l’historien a développés avec cette aisance, ce brio que nous lui connaissons. Multipliant les exemples et se référérant à de nombreux auteurs pour étayer son propos („Le hasard, c’est - peut-être - le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer”, Th.Gautier, repris par A.France). Propos que nous ne saurions ici résumer au risque d’en trahir le fond et dénaturer la richesse. Multipliant ici et là des petites pointes d’humour bienvenues („A supposer que les rôles de Kroutchev et Kennedy eussent été inversés, on peut présumer qu’Onassis n’aurait pas épousé Madame Kroutchev”.) Opposant entre autres approche individuelle (plus sujette à l’influence du hasard) et collective.

Jeanneney

Conférence suivie d’une table ronde sur le thème : Le rôle de l’Histoire aujourd'hui ?”. Table ronde animée, autour du conférencier, par quatre éminents historiens hongrois. (2)  Débat animé, avec interventions du public au cours duquel furent soulevées mille questions, souvent restées ouvertes. Comment définir l’Histoire ? Science exacte, simple discipline ou un art ? Le rôle des historiens se justifie-t’il de nos jours ? Peut-on concilier approche nationale et transnationale ? L’accès facilité aux sources (par internet) et ses dangers. Comment enseigner l’Histoire (rédaction des manuels) ? (3) Peut-on parler d’une réécriture de l’Histoire qui repose sur des faits (tout dépendant du sens donné à ce terme, notamment au niveau des sources, nouvelles et anciennes et à leur interprétation) ? Peut-on espérer une approche universelle de l’Histoire ?

Comme l’on voit, un débat soulevant mille questions essentielles, auxquelles ne put être souvent apportée une réponse tranchée. Mais l’essentiel n’était pas là. L’essentiel résidant dans les commentaires et débats qu’elles suscitaient, riches en enseignements. Le mérite était là : avoir abordé ce soir un sujet souvent tabou, sur lequel chacune et chacun pourra méditer à loisir.

Un coup de chapeau au passage aux intervenants qui s’exprimaient dans un français impeccable, faisant par ailleurs preuve d’une parfaite connaissance de notre Histoire et de notre culture. Un mot, enfin, pour saluer l’occasion qui nous était donnée, pour plusieurs d’entre nous, de découvrir notre nouvelle ambassadrice, Claire Legras, dont c’est le premier poste à ce titre (4), et non des moindres. Souhaitons-lui plein succès dans sa mission.

Pierre Waline

Crédit photos: Institut français.

(1): Éditions du Seuil. Mémoires où l’auteur relate entre autres ce fameux déjeuner à la Boisserie où il accompagnait ses parents invités par le Général.

(2): Antal Molnár, directeur de l’Institut d’Histoire du Centre de recherches en Sciences Humaines de l’Académie des Sciences, Balázs Ablonczy, ancien directeur de l’Institut hongrois de Paris, enseignant à l’université de Budapest, Ferenc Tóth, conseiller scientifique de l’Institut d’Histoire du Centre de recherches en Sciences Humaines de l’Académie des Sciences, Gergely Fejérdy (modérateur) directeur-adjoint de la Fondation Otto de Habsbourg, enseignant à l’Université Catholique Péter Pázmány.

(3): à cet égard fut évoqué l’échec cuisant d’une tentative ayant visé à élaborer un manuel commun entre Hongrois et Slovaques.

(4): Issue de Conseil d’État, sortie de l’ENA, diplômée de HEC, Sciences Po et titulaire d’une maîtrise de philosophie, Claire Legras a occupé précédemment le poste de Premier Conseiller à notre ambassade de Londres, puis  de Directeur des Affaires juridiques au Ministère des Armées.

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