L’ancestrale fascination
Allons, ne trichons pas ! N’avons-nous pas consacré du temps – ne serait-ce que quelques dizaines de minutes – à regarder la fastueuse, pour ne pas dire pompeuse, cérémonie de couronnement du nouveau roi d’outre-Manche ? Monarchistes, Républicains, Socialistes et autres obédiences, toutes celles, tous ceux se réclamant de divers et variés catéchismes politiques, victimes d’un esthétisme suranné, n’ont-ils pas peu ou prou jeté un œil aux écrans accaparés, colonisés pourrait-on dire, par l’image de Charles The Third et de sa femme consort ?
Des centaines de milliers de Français, peut-être plus, descendants des coupeurs de têtes de 1793, se sont abimés la vue en contemplant trois heures durant l’étalage d’or, de diamants, de vêtements luxueux, de chevaux caparaçonnés… en écoutant le God save the King ! et le Te Deum laudamus. Mais cette ambiguïté a peut-être son explication dans l’inconstance du peuple de France dont les insurgés avaient pourtant surnommé Louis XVI, Louis le Dernier. Oui, l’inconstance de cette nation qui, à la suite du roi décapité, installa un empereur, puis trois autres rois, puis encore un empereur en soixante-dix ans. De fait, les Britanniques ont une monarchie constitutionnelle garante de la démocratie et les Français une constitution monarchique dont – aujourd’hui – les macronistes usent et abusent au nom de la démocratie.
Les Hongrois ont-ils été proportionnellement aussi nombreux que les Français à regarder avec engouement le roi et la reine des Britanniques ? Ce peuple a-t-il éprouvé de la nostalgie ? A l’instar de celle des Français, son histoire récente n’est pas exempte de contradictions. En 1919, la monarchie austro-hongroise étant à genoux, les Magyars instaurèrent pendant quelque mois une république démocratique précurseur d’un sursaut monarchique. En effet, le Royaume de Hongrie reprend vigueur avec un Régent, Horthy, qui instaure de 1920 à 1946 un régime autoritaire fondé sur l'aristocratie. Tout cela est bien récent et il n’est pas étonnant qu’ON puisse éprouver quelque attrait pour les princes et les princesses et le couronnes, quand le morne quotidien ne fait plus rêver… alors certains espèrent, souhaitent : La République est morte, vive le Roi !
Claude Donadello