Budapest, la ville doublure

Budapest, la ville doublure

 
Au cours des dix dernières années, Budapest est devenue une destination prisée par de nombreuses productions étrangères, en particulier hollywoodiennes. (Celles-ci dépensent en effet quelque 13 billions de dollars chaque année hors des Etats-Unis). Dès le début des années 90, le Canada et la Grande-Bretagne, qui étaient traditionnellement choisis par les Majors américaines, ont ainsi été supplantés par des destinations moins onéreuses, en particulier en Europe centrale et de l’Est.
 
Prague était alors devenue une des destinations favorites pour les tournages étrangers en proposant, outre un décor des plus romantiques, de nombreuses facilités aux équipes “occidentales“. Elle s’était en particulier dotée de onze studios bien équipés et subventionnés par le gouvernement.
 
C’est une des raisons pour lesquelles la capitale tchèque s’est longtemps arrogé la plus belle part du gâteau en totalisant année après année plus d’investissements étrangers que Bratislava, Varsovie, Vilnius, Bucarest et Budapest réunies !
 
Si la concurrence reste encore rude à l’heure actuelle, la Hongrie, grâce à l’appui du gouvernement, et sous la pression de l’Association des Producteurs de Films Hongrois, semble désormais rattraper son retard en se dotant à son tour d’infrastructures de pointe afin de promouvoir les coproductions internationales.
La nouvelle loi du film, adoptée en 2003, va dans ce sens en octroyant à l’industrie cinématographique des aides conséquentes sous forme d’investissements (22 millions d’euros dès la première année, pour atteindre 44 millions d’euros en 2006) et d’avantages fiscaux. La manne financière provenant des productions étrangères étant alors réinvestie dans la production hongroise.
 
Mais cela sera-t-il suffisant pour faire face à l’attractivité de Bucarest ?
 
La société Miramax, qui planifiait de tourner le film Cold Mountain (2003) en Hongrie, en a jugé autrement en choisissant finalement la capitale roumaine où le coût du travail reste inférieur de 40 à 50% pour des prestations équivalentes.
 
Malgré tout, la capitale hongroise a de nombreux atouts et les producteurs ne s’y trompent pas. Budapest est en effet l’une des villes qui offre les visages les plus variés, ce qui lui a permis de devenir la doublure de Berlin, de Paris, de Moscou ou encore de donner corps à “La Capitale de l’Empire du Mal“ dans le film fantastique Underworld de Len Wiseman.
 
L’exemple le plus récent et le plus caractéristique reste incontestablement le Munich de Spielberg (2006). Si l'action se situe dans différents pays d'Europe et du Proche-Orient, le film a en fait été tourné essentiellement dans trois pays : la Hongrie, Malte et la France. Pas moins de 120 décors y ont été créés et une dizaine de villes d'Europe du Nord ont ainsi trouvé leur réplique à Budapest. "Le boulevard Andrássy, qui part de l'opéra de Budapest, m'a offert la meilleure réplique possible de Paris", note le chef décorateur Rick Carter, qui ajoute : "Et le plus beau, c'est que celle-ci se situait... à une centaine de mètres du meilleur des décors romains !". (On peut en effet reconnaître les sphinx qui encadrent l’entrée de l’Opéra dans la scène censée se dérouler à Rome). Quant au fameux stade olympique, il s’agit en fait du stade Puskás, situé dans le XIVème arrondissement.
 
Il arrive par ailleurs qu’un même site soit élu pour représenter des villes différentes. Ainsi Aulich utca (non loin de Szabadság tér) semble être “la rue la plus parisienne“ de Budapest, alors que Tony Scott l’a quant à lui choisie pour figurer Berlin dans son film Spy Game (2001), avec Brad Pitt et Robert Redford.
Pour d’autres réalisateurs c’est Gozsdu udvar (situé entre Dob utca et Király utca) qui figure le mieux l’atmosphère et l’architecture berlinoises, à moins qu’elles ne soient d’avantage moscovites, et vues comme telles par Walter Hill dans Total Recall (1988).
 
Dans ce film on voit par ailleurs Arnold Schwarzenegger poursuivre un trafiquant devant les bains Lukács, dans l’escalier Zerge puis à travers les ruelles de Buda, avant que les lois du montage ne les propulsent soudain dans le VIIIème arrondissement…
C’est pourquoi les cinéphiles hongrois (ou quiconque vivant à Budapest…) éprouvent parfois un sentiment étrange en découvrant Berlin, Paris, ou Londres sous les traits de leur capitale.
 
Budapest est en effet devenue au fil des ans “un acteur“ à part entière avec des rôles aussi différents que celui de Paris dans Cyrano de Bergerac (1990), de Buenos Air dans Evita (1996), ou encore de Londres dans Being Julia, de … István Szabó.
 
Car si la capitale hongroise présente “l’inconvénient“, contrairement à Prague, de n’offrir aucun site moyenâgeux, d’être moins grandiose que Vienne, ou moins orientale que Bucarest, elle a d’autres atouts qu’elle sait mettre en valeur.
On lui souhaite désormais de devenir une “star“ à part entière, rôle que quelques réalisateurs étrangers semblent enfin prêts à lui conférer. Mais ça c’est une autre histoire…
 
Frédérique Lemerre

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