Juin-Août 1944 : une France libérée, mais à quel prix ?

Juin-Août 1944 : une France libérée, mais à quel prix ?

(Petit rappel...)

Se prolongeant sur plus de 45 jours (du 29 décembre 1944 au 13 février 1945), le siège de Budapest fut sans nul doute l´un des épisodes les plus sanglants de la guerre. Faisant, outre les immenses pertes subies par les belligérants de part et d´autre, un nombre important de victimes dans la population civile, estimé à plus de 35 000. Sans compter les exactions commises (viols, déportations) …. Un épisode de la guerre généralement méconnu en France et qui laisse aujourd´hui encore un goût amer au cœur de bien de Hongrois. Même si certains ont un peu trop vite oublié qu´il s´agissait de mettre à bas le régime nazi alors en place, régime qui s´était notamment déchaîné contre la population juive (déportations en masse, ghettos, liquidations). Amertume, au point que je m´entends parfois dire pas des amis : „Comme vous autres, Français, avez eu la chance d´avoir été épargnés des destructions”.  Comme ils se trompent !

Car, derrière l´euphorie de la Libération, n´oublions pas que celle-ci ne se fit qu´au prix de durs sacrifices. Tout d´abord dans les rangs de nos libérateurs qui eurent un mal fou à pénétrer les lignes allemandes, mettant parfois des semaines entières pour prendre au prix de durs combats telle ville ou tel bastion. Les exemples foisonnent. Mais aussi des pertes ou dégâts considérables dans la population civile. A commencer par les bombardements alliés, qui, s´ils furent menés pour la bonne cause, firent néanmoins des dégâts considérables. Déjà bien avant la Libération, les ports de Saint-Nazaire, Brest, Le Havre, Lorient, Royan, La Rochelle qui abritaient pour la plupart des bases sous-marines allemandes furent totalement détruits. Mais ce furent aussi les nœuds routiers et gares de triage qui servirent de cible un peu partout dans le pays. Ainsi, avec quelque 75 000 victimes et 550 000 tonnes de bombes déversées, la France est, après l'Allemagne, le second pays le plus touché par les bombardements alliés de 1940 à 1945 sur le Front Ouest. Bon, tout cela, on ne le redira pas assez, pour la bonne cause. Encore que, dans de nombreux cas, les bombardements débordèrent largement sur des zones d´habitation. Sans compter, entre juin et août 1944, la démolition systématique d'un certain nombre de villes normandes (Saint-Lô, Caen, Falaise…) dans le seul but d´entraver la marche des troupes allemandes, « les transformer en champs de ruines difficiles à franchir ».

Mais il y eut pire : les exactions commises par les Allemands au sein de la population civile. Des Allemands, relevant généralement d´unités SS qui, pris d´un folie d´autant plus furieuse et meurtrière qu´ils voyaient leur fin approcher. Ils se déchaînèrent avec une cruauté inimaginable. Et ce, alors que les troupes alliées n´avaient même pas fini de débarquer. Le cas le plus connu est celui du village d´Oradour-sur-Glanne dans le Limousin où les SS de la Division Da Reich liquidèrent la population sur un mode particulièrement barbare : hommes parqués dans une grange où ils furent passés à la mitrailleuse, femmes et enfants enfermés dans l´église où fut mis le feu. Et, bien sûr, village incendié, rasé. 642 morts, 5 survivants… Ceci le 10 juin, soit quatre jours à peine après le débarquement. La veille, dans la ville de Tulle, le général Lammerling avait fait pendre 99 jeunes - prétendus résistants - aux lampadaires de la ville dans le but d´intimider la population. Ce même jour, 30 maquisards étaient froidement exécutés dans le bourg de Jamaillet (Creuse) et 67 hommes, femmes et enfants massacrés dans le bourg d´Argentan-sur-Creuse.  Trois jours plus tôt, dès le six, 80 prisonniers résistants étaient fusillés dans la prison de Caen. Quant aux villages incendiés, il nous suffira de citer les cas de Maillé dans l´Indre ou de Planchez dans le Morvan, le jour même jour où était libéré Paris (25 août). Et ainsi de suite… Alors ?

Alors, par pitié, n´allez pas me dire que la France n´a pas subi de sérieux dégâts durant la guerre. Certes, il y eut pire, je pense par exemple à l´Ukraine, mais tout de même...(1) Remarques qui me concernent d´autant plus qu´étant moi-même issu d´une famille originaire de l´Est, partant profondément marquée et meurtrie par le conflit. Et puis, n´oublions pas non plus cette terrible et meurtrière Première Guerre qui, quatre longues années durant, vit les tranchées balafrer nos campagnes et le front séparer familles et proches entre villages voisins. Sans compter les familles décimées.

Loin de moi l´intention de donner dans la jérémiade, encore moins de susciter la moindre compassion. Il importait juste de rappeler que, si tant de peuples ont payé cher la tribu de la guerre, le peuple français n´a pas non plus été épargné, loin de là.

Un témoignage que l´on me pardonnera d´évoquer, mais que je me devais de rapporter ici, ne serait-ce que par respect pour la mémoire des victimes, dont certaines proches de mon entourage familial.     

Pierre Waline

(1): avec un coup de chapeau au passage au peuple de Londres qui, copieusement bombardé en 1943, sut admirablement garder   son fameux et légendaire sang froid.

Catégorie