Energie au sommet

Energie au sommet

Sous l’égide de l’ONU, un sommet énergie-climat a été organisé à Poznan (en Pologne) en décembre dernier, à l’occasion duquel les chefs d’État de l’Union Européenne ont tracé les lignes d’un nouveau programme européen sur le changement climatique. Ce dossier, très cher à la présidence française, n’a pourtant pas fait que des heureux: les pays de l’Europe de l’Est se heurteront désormais à des objectifs beaucoup plus contraignants que jusqu’ici.

 

 

 

Depuis la signature en 1997 du Protocole de Kyoto, dans lequel l’UE s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport au niveau de 1990, les chefs d’État européens se sont montrés très déterminés dans la lutte contre les émissions de CO2. La Commission a élaboré le premier programme européen sur le changement climatique en 2000 et a ouvert, cinq ans plus tard, la “Bourse du carbone”, un marché où les pays membres peuvent échanger leurs quotas, les soi-disants droits de pollution. Quelques années plus tard un premier bilan s’impose sur l’efficacité de ce programme: les émissions n’ont pas baissé de façon significative, les entreprises ayant profité du surplus de quotas de certains pays et du manque de réelles punitions en cas du non-respect des objectifs. Afin de donner un nouvel élan à la lutte contre le réchauffement climatique, les dirigeants européens se sont donc mis d’accord en 2007 de réduire leurs émissions de CO2 de 20 %, de porter la part des énergies renouvelables à 20 % également et de réaliser 20 % d’économies d’énergies.

 

 

 

En 2008, la crise économique a changé la donne. Dans un premier temps, soucieuses du changement climatique, l’Allemagne et l’Italie se préoccupent aujourd’hui de leurs secteurs industriels que les nouveaux objectifs placent dans une situation difficile et coûteuse. Au point que le premier ministre italien Silvio Berlusconi avait menacé de veto les négociations si l’accomplissement des nouvelles règles coûtaient trop cher à l’Italie. Selon le projet de la Commission, à partir de 2013 les entreprises auraient acheté leurs droits de pollution aux enchères (qu’ils recevaient en grande partie gratuitement jusqu’ici) mais suite à la résistance allemande et italienne, les quotas resteront gratuits dans certains secteurs où ces objectifs résulteraient des solutions trop coûteuses. Un compromis qui, selon les environnementalistes, cache de nouvelles possibilités de polluer…

Quant aux pays de l’Europe de l’Est, leur situation était toujours différente de celle des pays occidentaux. Leurs quotas et la réduction qu’ils devaient réaliser en matière d’émissions ont été définis par rapport à leur niveau de pollution en 1985 ou 1987. Or, suite au changement de régime, l’industrie de l’époque communiste s’est en grande partie effondrée et les émissions ont baissé de manière significative, sans que ces pays fassent des efforts de modernisation ou de régulation. La Hongrie par exemple possédait un nombre important de droits de pollution qu’elle pouvait vendre sur le marché des quotas à d’autres pays plus industrialisés. Afin de mettre fin à cette “niche”, la Commission a proposé de redéfinir les droits de pollution et de les accorder aux pays orientaux sur la base de leur pollution en 2005. Cela signifie pour la Hongrie qu’elle devra adopter des technologies plus propres qui lui permettront de réduire ses émissions. Dans l’interprétation du gouvernement, les changements contraignent le pays à dépenser des sommes considérables pour l’amélioration de la qualité de production, ce dont le budget exsangue du pays n’avait guère besoin. Cette idée a fait tirer la sonnette d’alarme chez le Premier Ministre Ferenc Gyurcsány et son homologue polonais qui ont accusé Bruxelles d’avoir imposé trop de contraintes aux pays de l’Est tandis que, sous prétexte de la crise, l’industrie occidentale resterait privilégiée. La Pologne est dans une situation d’autant plus difficile que sa production d’énergie provient à 90 % du charbon; son économie rencontrerait donc des coûts extrêmement élevés si toutes les entreprises devaient acheter leurs quotas. Selon le compromis final, un certain nombre de quotas a été redistribué parmi les pays membres les moins développés de l’Union et les firmes des pays de l’Est ne paieront que pour une certaine partie de leur quotas jusqu’en 2020.

Selon de nombreuses associations vertes, les compromis accordés aux pays de l’Est ainsi qu’aux certains secteurs comme l’automobile représentent l’échec de la lutte contre le réchauffement climatique. Nul ne doute cependant que la crise mondiale ait redéfini les priorités des gouvernements et mis entre parenthèses les engagements dans le secteur énergétique. Au niveau des discours, la lutte en faveur d’une Europe plus verte reste très présente, elle sera par exemple au coeur du programme du trio présidentiel de l’Espagne, de la Belgique et de la Hongrie et l’on peut toujours espérer que les accords qui ont été et qui seront conclus ne resteront pas lettres mortes.

Anna Bajusz

 

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