Comment sauver l'emploi?

Comment sauver l'emploi?

Les effets de la crise financière sur le marché du travail hongrois

 

 La Hongrie, touchée de plein fouet par la crise économique mondiale, pâtit également de défaillances structurelles qui gangrènent le pays depuis de nombreuses années. Si les entreprises tentent de faire face en adoptant des solutions à court terme, l'Etat tente de son côté de mettre en place les mesures d'urgence pour faire face à cette situation exceptionnelle.

 

 Un problème complexe

Les problèmes du marché du travail hongrois sont complexes, mais ils sont essentiellement dus à un système d’imposition trop lourd, aux problèmes structurels du marché datant du changement de régime en 1989, à la faiblesse des PME, aux problèmes provoqués par l’existence du marché gris et noir et au manque d’harmonisation des besoins du marché du travail avec les objectifs de l’Education Nationale.

Les autres bêtes noires du pays sont son système de retraite et son système de santé, tous deux nécessitant depuis longtemps une profonde réforme structurelle. Sujets hautement sensibles, aucun gouvernement n’a osé entreprendre les réformes nécessaires, craignant pour sa popularité. Une faible tentative de réforme du système de santé a été entamée par le gouvernement Gyurcsány en 2006, mais suite à l’ampleur de l’hostilité manifestée par la majorité de la société vis-à-vis de certains points de la réforme, elle n’a pas été menée à terme. Alors que les charges d’impôts sont aussi élevées que celles des pays scandinaves, le niveau des services reste au niveau des autres États de l’Europe de l’Est. Ceci, bien entendu, ne joue pas en faveur de la création d’emplois et incite également les individus, aussi bien que les entrepreneurs, à contourner les règles d’imposition. Ainsi, en 2007, seul 57,3% de la population active (entre 15 et 74 ans) était représentée sur le marché de l’emploi, un chiffre largement inférieur à la moyenne européenne (65,4% en 2007). Concernant le taux de chômage, alors qu’il se situait autour de 6% au moment de l’adhésion du pays à l’UE, il est aujourd’hui à 7,8% contre 7,1% en moyenne en Europe. 

Crise financière

La crise financière internationale a touché très grièvement la Hongrie. La bourse, tout comme le forint hongrois, sont en chute libre : en octobre 2008, le forint est passé de 251 HUF/EUR à plus de 265 en quelques heures, et le 23 janvier 2009, il a battu le record de 291 HUF/EUR. Depuis, de nouveaux records se succèdent. Face aux attaques spéculatives contre la devise hongroise, la Banque centrale hongroise a choisi de relever brutalement son taux directeur. Néanmoins, en novembre 2008, étant donnée la situation inquiétante du pays, alors que l’Etat n'a jamais été aussi proche de la faillite, le FMI, l’Union européenne et la Banque mondiale ont offert un crédit de 20 milliards d’euros pour permettre à la Hongrie de sortir de la crise.

Selon l’étude du FMI publiée en novembre 2008, le pays doit envisager une crise et une situation économique difficile à long terme et, selon les prévisions, la croissance du PIB n’atteindra pas les 3% avant 2011. Ce ralentissement est essentiellement provoqué par la récession sur les marchés de l’Europe de l’Ouest qui sont les principales cibles de l’export hongrois. Le FMI prévoit une baisse du PIB de 4% entre 2008 et 2009 suite à l’affaiblissement de la devise nationale. La baisse du pouvoir d’achat et donc la réduction de la consommation des ménages contribueront également au ralentissement de l’économie. Les secteurs les plus gravement touchés sont ceux de l’automobile, de l’industrie électronique, du bâtiment et de l’immobilier.

Les entreprises en grosse difficulté

Le premier groupe sidérurgique et métallurgique de Hongrie, Dunaferr, va ainsi prendre des mesures afin d'éviter des licenciements «Nous allons passer à la semaine de quatre jours ouvrables à partir du 1er avril», a indiqué son PDG, Valéri Naumenko, au quotidien Népszabadság. «Il est d'une importance cruciale d'éviter les licenciements: après la crise, nous voulons revenir à notre pleine capacité avec notre effectif actuel de 8.000 employés», a-t-il ajouté. Dunaferr, qui exporte 83% de sa production dans l'Union européenne, ne fonctionne depuis décembre qu'à 50 ou 60% de sa capacité, dans un contexte de crise de l'acier et de saturation des marchés. En 2008, la société avait réalisé le meilleur résultat de son histoire avec un chiffre d'affaires de 334 milliards de forints (1,85 milliard de dollars) et un excédent brut d'exploitation (Ebitda) de 280 millions de dollars.

Le constructeur japonais Suzuki qui exporte le plus massivement depuis la Hongrie, a procédé en février à une réduction de 20% de ses effectifs, ce qui correspond à près de 1200 suppressions d’emplois sur les 5520 employés en Hongrie. Même cause et même conséquence. «Nous devons faire face à une chute drastique des commandes. Il nous faut donc adapter notre schéma de production pour répondre à cette baisse des volumes», a indiqué une porte-parole du constructeur nippon. Les volumes de production estimés à 300 000 unités en début d’année 2008 ont finalement été revus à la baisse, à 280 000 unités. Les prévisions pour l’année 2009 ne laissent pas augurer de reprise. Pire, avec une estimation de 210 000 unités, le rythme de production sera ralenti davantage.

Le taïwanais Foxconn a lui aussi procédé à des compressions de personnel en Hongrie. Le spécialiste de l'électronique, l’un des principaux fournisseurs de Nokia, a supprimé plus de la moitié de ses effectifs, soit 1500 emplois.

Le scénario est le même chez Videoton qui, en février, a dû se séparer d'une centaine des ses salariés. Et même les plus grands comme General Electric (GE) Consumer & Industrial ou General Motors Powertrain-Magyarország Kft. doivent envisager l’introduction de la semaine de travail de quatre jours.

Quelles sont les perspectives pour l’avenir ?

Conscient de l’urgence de limiter la transmission de la crise à l’économie réelle, le gouvernement hongrois concentre tous ses efforts sur le soutien à l’activité et à la préservation de l’emploi. En l’absence de marge de manœuvre budgétaire et avec des perspectives de débouchés extérieurs chaque jour dégradées, la Hongrie compte mobiliser les fonds structurels accordés par l’Union européenne. Le Ministre du développement national et de l’économie entend à la fois cibler les secteurs les plus à mêmes de soutenir l’économie et les PME et permettre une mise en œuvre rapide des projets. Le mouvement de détente de la politique monétaire (baisse de 100 points de base du taux d’intérêt directeur), rendue possible par le ralentissement de l’inflation, devra se poursuivre pour bénéficier à l’économie.

Le plan anti-crise du gouvernement socialiste (prévoyant entre autres de réduire de 5% les charges patronales, d'augmenter la TVA de 20 à 23%, de supprimer le 13e mois des retraités, d'abolir l'impôt de solidarité, de repousser l’âge de la retraite à 65 ans, etc…) annoncé par le Premier Ministre Ferenc Gyurcsány devant le Parlement le 16 février dernier s’avérait trop faible aux yeux des membres de la Commission des Réformes (une équipe formée d’académiciens et d’experts économiques élaborant un "paquet" de projets économiques et bancaires visant à faire sortir la Hongrie de la crise). Celle-ci insistait sur l’allègement des charges des ménages et des entreprises et sur la diminution des dépenses budgétaires, gages de compétitivité, d’efficacité et de croissance économique.

Mais ce plan et ces mesures semblaient désormais insuffisants pour convaincre une population et une opposition mécontentes. C'est dans ce contexte que Ferenc Gyurcsány a proposé sa démission le 21 mars dernier (lire notre article en page 1). Gyurcsány est à la tête d'un gouvernement minoritaire depuis environ un an après le départ des libéraux de la coalition en avril 2008, en raison d'un désaccord sur le rythme des réformes. Le parti libéral a toutefois continué à soutenir Gyurcsány au Parlement. Le gouvernement a mené une politique d'austérité pour juguler les déficits publics, ramenant le déficit budgétaire de 9,2% du PIB en 2006 à 3,3% en 2008. Ce faisant, le Premier Ministre hongrois a vu sa côte de popularité décliner, une tendance qui s'est notamment soldée par le départ des libéraux du gouvernement. Qui sera son successeur ? Comment va-t-il réussir à mener à terme les réformes entamées par Gyurcsány ? Comment va-t-il convaincre la population de leur bien fondé en si peu de temps (les élections législatives auront lieu au printemps 2010), sachant que pour Gyurcsány cinq ans étaient insuffisants?

Bálint Seres

 

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