Gordon Bajnai: «Ça va faire mal!»

Gordon Bajnai: «Ça va faire mal!»

Les partis au pouvoir ont réussi à se mettre d’accord sur le nom du successeur de Ferenc Gyurcsany, qui a remis sa démission le 21 mars dernier. Le ministre de l’Economie, Gordon Bajnai, sans étiquette, va prendre la relève au moment où la Hongrie est très durement frappée par la crise économique. La candidature de Gordon Bajnai a été officialisée le 5 avril et il a pris ses fonctions le 14 avril dernier. Le nouveau chef du gouvernement désigné a déjà prévenu que le redressement «allait faire mal».

 

«Je tiens à prévenir tout le monde: mon programme va faire mal. Il demande des sacrifices de toutes les familles hongroises, mais il portera ses fruits», a déclaré Gordon Bajnai, Premier ministre désigné, à des journa-listes réunis au Parlement. «La Hongrie n'a pas de temps à perdre, il faut entreprendre des changements radicaux dans le fonctionnement de l'Etat», a-t-il poursuivi, en indiquant avoir reçu la confiance des groupes parlementaires majoritaires, socialistes et libéraux, pour mener son programme à terme.

Gordon Bajnai a assuré n'avoir «aucune ambition politique», il entend d’ailleurs clore sa carrière politique sur cette mission, et se moquer de sa cote de popularité. Ministre de l'Economie sans étiquette du gouvernement sortant, il a annoncé qu'il consulterait dans les prochains jours toutes les organisations professionnelles et politiques pour sortir la Hongrie de la crise. «Le pays a besoin de l'apport de chacun d'entre nous», a-t-il souligné.

Le nouveau Premier Ministre a notamment tiré la sonnette d'alarme en ce qui concerne le fort taux d'endettement de la population en euros et en francs suisses alors même que le forint est en forte baisse. Plus de 700.000 ménages et un million de propriétaires de voitures sont menacés. «Mes mesures seront sévères, mais auront un effet thérapeuthique», a-t-il promis.

Pour rétablir la situation, Bajnai envisage de mettre en chantier un plan d’austérité qui vise à réduire les dépenses publiques ainsi que la dette du pays de 2 milliards d’euros. Pour cela il gèlera les salaires de la fonction publique pendant les deux années à venir, imposera 15% de baisse de salaire à ses ministres (lui-même ne touchera qu’1 HUF symbolique de salaire annuel), supprimera le treizième mois versé aux fonctionnaires et aux retraités à partir de 2010 et ainsi que les allocations familiales «pour ceux dont les revenus démontrent qu’ils n’en ont pas vraiment besoin». En accord avec une loi votée récemment par le Parlement, la nouvelle équipe supprimera aussi les prestations sociales de «ceux qui ne font pas l’effort de se former ou d’effectuer des travaux pour les collectivités locales».

Mais ce n’est que le début : l’âge de retraite passerait à 65 ans, le congé maternité passerait de 3 à 2 ans et, selon ses promesses, de nombreuses subventions seraient supprimées en 2010. En outre, Bajnai gèlerait pendant deux ans le taux général des allocations fami-liales, dont la limite d’âge passera de 23 à 20 ans, et le taux général de la prestation-maladie sera réduit de 60%. Les aides au logement seront suspendues, les subventions pour le gaz supprimées progressivement à partir de 2010, et les financements accordés à la compagnie nationale de chemins de fer, aux médias publics et à l'agriculture seront eux aussi réduits.

L'objectif affiché, c'est l'introduction de l'euro en Hongrie. Le déficit budgétaire atteignait près de 10% du PIB en 2006, il est tombé à 3.4% fin 2008 et il devrait passer en dessous des 3% d'ici la fin 2009. Comme l'a rappelé Gordon Bajnai aux députés, la réduction du déficit dans les limites définies par l'Union Européenne est la clé pour accéder à l'euro, pour bénéficier des financements européens et des investissements étrangers.

Cette année, le paquet Bajnai envisage une réduction supplémentaire des dépenses de 100-120 milliards de HUF. Les réductions déja faites et les mesures à venir correspondront à une réduction des dépenses de l'ordre de 850-900 milliards de HUF au total en 2010. Cela signifie que par rapport au budget adopté fin 2008, le gouvernement s'engage à réaliser 300-350 milliards de HUF d'économies en 2009.

Gordon Bajnai a posé une condition pour accepter sa nomination: que les groupes parlementaires MSZP et SZDSZ garantissent leurs votes en faveur des mesures d'austerité qu'il proposera. Et ceci par écrit. «Mon objectif est que dans un an, ensemble, nous puissions dire que la Hongrie est restée debout et a bien géré la crise», a expliqué le nouveau Premier Ministre.

 Bálint Seres 

 

Parcours de Gordon Bajnai

Gordon Bajnai est né à Szeged le 5 mars 1968. En 1991, il est diplômé de l’École supérieure d’Economie de Budapest. Entre 1991 et 1993 il travaille auprès de Creditum Pénzügyi Tanácsadó Kft. (société de conseil financier) avant de réaliser un stage à Londres auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Il travaille ensuite pour Eurocorp Nemzetközi Pénzügyi Rt. (finance internationale) en tant que conseiller financier.

A partir de 1995, il est le directeur gérant de CA-IB Értékpapír Rt. (gestion de protefeuilles d'actions) et, à partir de 1999 et en tant que directeur général adjoint, il apporte sa contribution afin que plusieurs grandes sociétés hongroises soient introduites en bourse. Entre 2000 et 2005, il est directeur général de Wallis Rt., tout en occupant des fonctions dans le conseil d'administration de Graboplast Rt. entre 2001 et 2004 et dans celui de Rába Rt. entre 2003 et 2005. A partir de 2005, il devient président du conseil d’administration de Budapest Airport Zrt. Il est en outre membre du conseil économique de l’Université Corvinus. A partir de juillet 2006, il est directeur de l’Agence Nationale pour le Développement, tout en occupant la fonction de haut commissaire responsable pour la politique de développement. Entre 2007 et 2008 il est ministre de l’Aménagement du territoire et occupe le poste de ministre de l'Economie depuis le 1er mai 2008.

Gordon Bajnai, 41 ans, sans étiquette politique, a reçu l’investiture du Parti socialiste hongrois (MSzP) et de son allié au Parlement, le SzDSz (libéraux de gauche), pour succéder au poste de Premier ministre à Ferenc Gyurcsany (MSzP). Ce dernier a choisi de démissionner fin mars sur fond de crise financière, du fait de son impopularité record et de son incapacité à faire voter son plan d’assainissement économique.

Le nouveau venu, confirmé dans ses fonctions par le Parlement qui a voté une "motion de censure constructive" le 14 avril, ressemble étonnamment à son prédécesseur. Diplômé de l’Ecole supérieure d’Economie, Gordon Bajnai a, comme Gyurcsany, fait fortune dans les années 1990. Il a occupé des postes dans les conseils d’administration de grandes entreprises avant d’entrer en politique, de devenir ministre de l’Aménagement du territoire, puis de l’Economie. Considéré comme un proche du Premier Ministre démissionnaire, Gordon Bajnai n’appartient cependant à aucun parti politique. A seulement 41 ans, seulement trois ans après avoir fait ses premiers pas en politique, il se retrouve propulsé à la tête de l’Etat.

 

 

 

Quelques membres du nouveau gouvernement 

• Ministre des finances

Péter Oszkó (PDG du cabinet d'audit Deloitte)

• Ministre des affaires étrangères Péter Balázs (ancien membre de la Commission européenne)

• Ministres des transports, de la communication et de l'energie Péter Hónig (PDG de Budapest Erômû)

• Ministre de l'environnement et du développement régional

Zoltán Varga (député du MSZP)

• Ministre des affaires sociales et du travail

László Herczog (ancien secrétaire d'Etat au même ministère)

 

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