L’Europe vue de Hongrie
Selon les derniers sondages, la participation aux élections européennes atteindrait à peine 35% en Hongrie le 7 juin. Si ces prévisions sont conformes à l’abstention prévue dans la plupart des pays membres de l’Union européenne, il faut chercher ses origines plutôt dans le mécontentement des citoyens face à la situation économique du pays. Rares sont ceux qui prennent en compte les avantages d’appartenir à l’Union européenne.
L’adhésion de la Hongrie à l’espace Schengen en décembre 2007 a été un évènement symbolique dans l’histoire de la politique extérieure du pays. Sur la frontière austro-hongroise, là où il y a 20 ans le rideau de fer séparait encore la Hongrie de l’Europe de l’Ouest, il ne reste aucun contrôle, la Hongrie fait finalement partie d’une Europe unie et sans frontières. Plus important encore, l’appartenance de la Slovaquie à cet espace permet au grand nombre de Hongrois vivant aujourd’hui dans ce pays voisin de rentrer en Hongrie comme ils l’entendent. Et bien que la Roumanie n’ait jusqu’ici pas intégré l’espace Schengen, son adhésion à l’Union européenne en 2007 a rapproché les Hongrois de Transylvanie de leur "mère patrie". A ces facilités en matière de coopération extérieure s’ajoutent de nombreux avantages sur le plan économique. Depuis le changement de régime, la Hongrie a bénéficié de plusieurs programmes venus compléter les efforts de modernisation des différents gouvernements.
Le programme PHARE (Pologne-Hongrie: Aide à la reconstruction économique) était le premier, dès 1989, mais les programmes ISPA et SAPARD, lancés quelques années plus tard pour subventionner des projets d’infrastructure et la mo-dernisation de l’agriculture, ont également assuré d’importants moyens financiers au pays. Malgré le progrès que la Hongrie a déjà réa-lisé en matière de convergence économique, l’aide financière de l’Union reste toujours de taille. Le budget actuel, dans lequel sont inscrites les dépenses de l’Union pour la période allant de 2007 à 2013, prévoit par exemple 24,7 milliards d’euros de subvention. Il n’empêche que l’accès aux fonds n’a malheureusement pas entraîné la disparition de grandes inégalités territoriales, bien au contraire. En regardant les différences dans le niveau de développement des régions, on voit bien que certaines ont réalisé de réels progrès tandis que d’autres restent confrontées aux mêmes difficultés qu’auparavant. A titre d’exemple: le niveau de vie dans la région Hongrie-centre (y compris la capitale) dépasse désormais la moyenne européenne, mais le développement de la région la plus défavorisée (nord-est) se situe seulement à 42% de cette même moyenne. En général, les entreprises étrangères cherchent toujours à s’implanter à Budapest ou dans la partie nord-ouest du pays, où non seulement ils rencontrent une main d’oeuvre qualifiée mais aussi où la proximité des marchés européens leur permet également de réduire les coûts de livraison.
Que l’Union ne soit donc pas la bienfaitrice économique de la Hongrie qui, comme par enchantement ferait disparaître toutes les inégalités économiques et sociales du pays, les Hongrois n’en n’ont pris conscience qu’assez tardivement. Ils avaient tendance à associer à l’adhésion de la Hongrie un niveau de vie plus élevé et quand, dans leur quotidien, ils ne le constatent que dans une moindre mesure, ils sont déçus.
Selon le sondage d’Eurobarometer, réalisé en janvier dernier, les Hongrois sont aujourd’hui l’une des nations les plus eurosceptiques. Tandis qu’en 2004 la majorité de la population s’est dite favorable à l’adhésion du pays à l’Union européenne, début 2009 seul 32% la juge positivement. Le pessimisme des Hongrois est sans doute influencé par le contexte économique actuel. Rien ne l’illustre mieux que ce récent sondage qui indique qu’ils ont placé la croissance économique et la lutte contre le chômage et l’inflation en tête des domaines où l’Union devrait faire plus d’efforts. Les autres thèmes comme la sécurité énergétique ou la lutte contre le changement climatique les intéressent beaucoup moins.
On peut donc constater un très grand contraste entre l’enthousiasme de l’élite politique hongroise et le sentiment des citoyens. Même si, par ses erreurs en politique économique, la Hongrie n’a pas vraiment fait parti des bons élèves de l’Union ces dernières années, les partis ont tous œuvré au renforcement des relations entre Bruxelles et la Hongrie. Reste que les gouvernements ne font pas assez d’efforts en matière de communication. Les grands projets qui n’auraient pas pu être réalisés sans l’aide financière de l’Union sont par exemple rarement connus des citoyens. Par conséquent, le débat sur l’utilisation des fonds européens refait souvent surface, certains y voient l’objet d’une corruption développée, tandis que d’autres critiquent le processus de candidature. En effet, selon les expériences, seul un petit cercle de PME a vraiment bénéficié de ces fonds: non seulement il faut être capable de préparer sa candidature de la meilleure manière possible, mais il faut en même temps disposer d’un capital initial puisque les subventions européennes n’arrivent que pour compléter les ressources des entreprises. Les agriculteurs les plus démunis ou les petites entreprises familiales, qui auraient pourtant besoin d’être aidées, n’ont que très peu de chance de bénéficier de ces subventions.
Anna Bajusz