La Cour se rebiffe...

La Cour se rebiffe...

... et l'Empire contre attaque

Le 26 octobre, la Cour Constitutionnelle annulait la proposition de loi visant la taxation à hauteur de 98% des indemnités de départ de plus de 2 millions de HUF. C’est notamment l’effet rétroactif de cette loi qui a été jugé anticonstitutionnel par la Cour. János Lázár, le leader de la fraction Fidesz au Parlement, s’est alors prononcé sur une réduction des prérogatives de la Cour Constitutionnelle tout en faisant une nouvelle proposition de loi. Celle-ci devrait être votée mardi prochain.

Peu après son élection en mai dernier, le gouvernement de Viktor Orbán présentait les 29 points de son programme économique. Parmi eux figurait la révision globale des contrats de sous-traitance et l'introduction d'un impôt de 98% sur les indemnités de départ des personnes ayant travaillé plus de 60 jours et sur d’autres bénéfices liés au salaires des salariés de la fonction publique. Il s’agit du 18e point de ce programme mais du premier dont l’adoption pose problème au gouvernement. En effet, la Cour Constitutionnelle a unanimement décidé de rejeter cette proposition de loi portant sur les «taxes spéciales de 98%».

A travers cette loi, le gouvernement souhaite taxer les indemnités de départs des cadres et salariés des entreprises et institutions publiques à hauteur de 98%. Cette loi aurait eu un effet rétroactif, ce qui a été jugé anticonstitutionnel par la Cour. De plus, si la loi visait plus ou moins directement les cadres de certaines entreprises publiques, comme le BKV pour ne citer que lui, ayant touché d’importantes indemnités de départ et ce après seulement quelques mois voire semaines de travail, elle aurait également pénalisé, par exemple, les professeurs percevant des indemnités de départ à l’issue de leur carrière.

Ce dernier point a ainsi été pris en compte par la majorité qui a modifié sa proposition de loi avant de la représenter devant la Cour Constitutionnelle. János Lázár, le leader de la fraction Fidesz au Parlement, a ainsi proposé, le 8 novembre, que la loi ne tienne pas compte des indemnités de fin de carrière. Il a également introduit un seuil de 2 millions de HUF pour les cadres et de 3,5 millions de HUF pour les employés au-delà desquels les indemnités de départ versées seraient taxées. Cette loi, adoptée en juillet dernier, avait été introduite le 1er octobre dernier et avait un effet rétroactif à compter du 1er janvier 2010. János Lázár a en outre proposé, lundi 8 novembre, que cette loi verrait son effet rétroactif étendu aux 5 dernières années.

Ce rejet de la Cour Constitutionnelle est une première depuis l’arrivée du Fidesz au pouvoir. Mais les réactions de la part de la majorité de ne sont pas faites attendre. János Lázár a en effet indiqué que le Fidesz allait ré-écrire la Constitution afin que la Cour Constitutionnelle ne puisse plus intervenir dans les questions relatives au budget de l’Etat – y compris en ce qui concerne la loi relative aux fonds de pension. «Il n’est plus nécessaires que la Cour soit dotée de telles prérogatives 20 ans après le changement de régime», a-t-il souligné. Il a ajouté que le changement de la constitution dans ce sens serait une mesure provisoire avant que la nouvelle Constitution ne soit écrite et adoptée. Selon lui, ce blocage démontre les failles de la Constitution: «Les juges étaient obligés de dire ce qu’ils ont dit», a-t-il indiqué. «Leur décision confirme ce que nous savions déjà: la constitution n’est plus à même de remplir son rôle et de répondre au besoin des citoyens». Il a souligné en outre que si cette loi n’avait pas été décidée, les indemnités de départ de ces derniers mois auraient coûté 1 milliard de HUF à l’Etat.

Si certaines réactions, publiées notamment sur des forums du site de nouvelles Index, soulignent que le Fidesz s’est bien gardé d'étendre l’effet rétroactif de cette loi jusqu’à l’époque où il était aux affaires, Attila Mesterházy et András Schiffer, respectivement les leaders des fractions MSZP et LMP au Parlement, ont quant à eux indiqué que leurs partis ne prendraient plus part à la commission parlementaire chargée de définir la future Constitution. Attila Mesterházy a réagi aux propos de János Lázár en qualifiant sa réponse à la Cour d'«incroyable» et d'«irréfléchie» et il a accusé de Fidesz de mener le pays vers une «véritable dictature». «Le Fidesz n’a jamais autant manqué de scrupule. Cette démonstration de force est sans précédent», a souligné pour sa part l’analyste de Political Capital Péter Kreko. «C’est compréhensible politiquement parlant, mais c’est un exercice dangereux en démocratie». Ferenc Gyurcsány, Premier Ministre socialiste de 2004 à 2009, a quant à lui participé à une grande manifestation organisée par la gauche devant le Parlement le 28 octobre dernier pour dénoncer, a-t-il dit, les «menaces qui pèsent sur la démocratie hongroise».

Frédérique Lemerre

 

Les déclarations du Fidesz à l’encontre de la Cour Constitutionnelle le 26 octobre dernier, ont été prononcées alors que les sociétés de fonds de pension avaient indiqué vouloir saisir la Cour Constitutionnelle pour faire annuler un amendement qui autorisent désormais les souscripteurs à suspendre leurs paiements obligatoires. Selon l’association Stabilitas, qui a finalement saisi la Cour Constitutionnelle le 3 novembre, cette suspension est une violation du droit à la propriété.

Le Parlement avait approuvé cet amendement une semaine plus tôt lors de l’adoption de la loi qui suspend tout financement public des fonds de pension à compter du 1er novembre et jusqu'à la fin 2011. L'arrêt du soutien aux fonds de pension est censé faire économiser à l'État environ 60 milliards de HUF en 2010. Dans le même temps, le Parlement adoptait un autre amendement donnant aux détenteurs de fonds de pensions privés le droit de choisir entre le système par capitalisation ou par répartition pour financer leurs retraites et de rapatrier leurs capitaux dans les caisses de l'État s'ils décidaient de choisir ce dernier système.

Cette loi concerne 2,8 millions de souscripteurs.

F.L. 

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