Le président de la banque centrale

Le président de la banque centrale

La banque centrale ne peut pas héberger de chevaliers offshore», tel était la nature du message que Viktor Orbán a adressé à András Simor, gouverneur de la Banque centrale hongroise (MNB) depuis 2007. Bien qu’il soit de plus en plus critiqué, y compris par certains de ses prédécesseurs, Simor compte bien rester à la tête de la MNB jusqu’à la fin de son mandat en 2013.

Depuis le changement de régime, András Simor a mené une carrière splendide dans le domaine des finances. En 1989, il était co-fondateur de la société de courtage Creditanstalt, qui a connu d’importants succès en introduisant en bourse la plupart des grandes entreprises hongroises (comme Mol ou la banque OTP). Entre 1998 et 2002, il était président de la Bourse de Budapest puis PDG du cabinet d’audit Deloitte à partir de 1999. Il est devenu gouverneur de la MNB huit ans plus tard et a joué un rôle important dans la gestion de la crise financière. Si son travail dans ce sens a reçu beaucoup de critiques en Hongrie, en revanche, dans le classement du magazine d’affaires américain Global Finance, Simor figurait au troisième rang des meilleurs gouverneurs de banque centrale en 2009, derrière Jean-Claude Trichet et son homologue tchèque, Zdenek Tuma.

En l’apostrophant et le qualifiant de chevalier offshore, Viktor Orbán a fait référence au scandale qui a éclaté autour de Simor au printemps 2009, lorsque le quotidien de gauche Népszava a révélé qu’il était propriétaire d’une entreprise enre-gistrée à Chypre. Simor a depuis “rapatrié” cette société en Hongrie et considère, malgré l'afflux de critiques de la part du Fidesz (d’autres responsables du parti ont ouvertement demandé sa démission), qu’il pourra coopérer avec le nouveau gouvernement. Toutefois, outre ces reproches, qui sont plutôt de nature politique, des critiques professionnelles circulent également à son égard depuis que l’un de ses prédécesseurs, György Surányi, a publié un article dans le quotidien Népszabadság en janvier dernier. Surányi considère que, dans la plupart des pays, la politique monétaire a suivi une mauvaise voie depuis les années 1990 en cherchant à juguler l’inflation. De son point de vue, dans le contexte hongrois, l’instauration d'un tel objectif a eu des conséquences particulièrement néfastes au cours des dernières années. D’une part, la banque centrale a renforcé le ralentissement de la croissance lorsque le plan d’austérité du gouvernement Gyurcsány mettait en difficulté les acteurs de l’économie. D’autre part, en veillant à la stabilité des prix, la MNB ne s'est guère souciée du niveau de ses réserves en devises étrangères. Par conséquent, la MNB n’a pas été en mesure de venir en aide au secteur financier lorsque la crise financière a frappé la Hongrie. C'est l’une des raisons pour lesquelles le FMI, la Banque centrale européenne et la Banque mondiale ont accordé un prêt de 20 milliards d’euros à la Hongrie en octobre 2008.

András Simor a tenté de justifier l’activité de la MNB dans une étude publiée en mai dernier. Selon lui, le retour de la confiance des investisseurs étrangers en Hongrie est la preuve évidente du succès de la gestion de la crise par la banque centrale et le gouvernement Bajnai. Il considère que l'objectif de la MNB de maîtriser l’inflation du pays était et reste adéquat puisque la stabilité des prix est un facteur important de la compétitivité de la Hongrie. Il admet en même temps que si la bulle immobilière a pu se former aux États-Unis et dans d’autres pays développés, c’est en partie la faute des banques centrales qui, se focalisant sur l’inflation et en constatant que celle-ci n’augmentait pas, n’ont pas prêté attention aux autres difficultés du secteur financier. Par conséquent, comme Simor l’a également souligné, il est indispensable que le rôle des banques centrales soit redéfini, ce qui est déjà en cours dans les forums internationaux. Les économistes semblent en effet unanimes sur la nécessité de plus de régulation concernant les institutions financières.

En Hongrie, le président de la banque centrale est nommé pour six ans par le président de la République, sur proposition du Premier Ministre. Afin d’assurer l’indépendance de la politique monétaire, seul le chef d’État peut l’obliger à quitter son poste s’il considère qu’il n’est plus apte à remplir ses fonctions. Or András Simor entend rester en place jusqu’à la fin de son mandat.

Anna Bajusz

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