EXPO: Col Tempo. Le projet W

EXPO: Col Tempo. Le projet W

"Col Tempo". Le projet W. Ce double titre, hermétique au premier abord, dévoile pourtant au spectateur une première clef de lecture dès ses premiers pas dans l'exposition. La Vecchia (La vieille), portrait réalisé par le célèbre peintre vénitien Giorgione, y occupe à elle seule la première salle, tel un préambule à la fois historique et esthétique que les pièces suivantes éclaireront sans jamais en dévoiler le mystère. Exposée telle une peinture sur un chevalet, cette vieille femme au visage marqué par le temps nous est donnée à voir à travers son image vidéo. «Le pouvoir de cette image résulte de la spontanéité de son mouvement, comme si elle se tournait vers nous», souligne András Rényi, curateur de cette exposition conçue à l'origine pour le pavillon hongrois de la Biennale d'art contemporain de Venise en 2009. C'est le même mouvement, ralenti à l'extrême et parfois à peine perceptible, que les portraits des salles suivantes reprendront à leur compte: des hommes et, plus rarement des femmes, tournent leur tête de droite à gauche. Un mouvement trop systématique pour être naturel... Et pour cause.

Les images d'archives que Péter Forgacs a choisi de réunir dans cette exposition, proviennent du fonds d'archives du musée d'histoire naturelle de Vienne et plus exactement des recherches effectuées par le docteur Wastl – le Projet W. Les travaux de cet anthropologue autrichien, effectués dans un camps de prisonnier durant la deuxième Guerre Mondiale, consistaient à identifier et documenter les différents détails physiologiques sensés être récurrents selon l'origine et la race des sujets. Une petite installation de trois moniteurs tournés les uns vers les autres documentent à proprement parler le contexte historique de ces études à travers des films d'archives montrant le camps, les gardiens, mais aussi des habitants du village. Dans la même pièce, des instruments de mesures anthropomorphiques sont présentés sur un bureau d'époque: un "catalogue" de cheveux et de couleurs d'yeux – qui nous fixent jusqu'au malaise dans ce face-à-face avec les pièces détachées de nos propre regards.

Si la dernière partie de l'exposition présente les très belles sculptures de plâtre de l'artiste américaine Louise McCagg, des masques (funéraires) miniatures exposés derrière une vitrine, ainsi qu'un triptyque vidéo de Péter Forgacs grimaçant, l'ensemble de ce parcours a été conçu autour de ce simple (?) et éternellement mystérieux motif du visage humain. Celui que nous donnons à voir mais qui n'appartient qu'à nous. L'extension de notre identité, que certains penseurs ont dangereusement voulu assimilé avec notre être, notre âme entière. «Le Col Tempo de Péter Forgács, écrit András Rényi, explore l'aveuglement de notre regard», un regard si souvent lié à l'apparence et à l'imagerie sociale des individus que nous sommes et qui nous entourent. Un regard partial et fabriqué de toutes pièces. Mais dans quel but?

Frédérique Lemerre

 

Jusqu’au 14 mars 2010

Ernst Múueum. VIe arrt. Nagymező u.

www.mucsarnok.hu

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