La culture violée

La culture violée

Attaques contre Róbert Alföldi

Le directeur du Théâtre National est sur la sellette depuis qu'il a répondu de manière cynique à la question arrogante d’une journaliste nationaliste. Ce n’est pas la première fois que les partis de droite s’en prennent à lui.

„Depuis que vous avez mis en scène de façon provocatrice les oeuvres classiques hongroises, pensez-vous quitter votre poste ?” – a ainsi demandé la journaliste de la chaîne privée nationaliste Nemzeti 1, Szilvia Sinkovits, au directeur du Théâtre National lors d’une conférence de presse. La journaliste, qui a avoué ensuite n'avoir jamais vu les pièces en question d’Alföldi, a cité pourtant la scène qu'elle juge scandaleuse de „la Tragédie de l’homme”, le drame d’Imre Madách. Elle a également demandé au directeur si cette pièce était autorisée aux enfants de plus de 12 ans. Alföldi a aquiescé et, agacé, a ajouté qu'il souhaitait à la journaliste le même plaisir sexuel dans sa vie que celui qui était pouvait être évoqué dans le spectacle. Après la conférence de presse, le parti chrétien KDNP et le Jobbik ont demandé le départ d'Alföldi, en raison de ce qu'il considèrent être une agression verbale d'ordre sexuel (un„viol verbal” selon les termes hongrois) à l'égard de la journaliste.

Révolte culturelle

”Je n'ai pas eu un comportement incorrect. Je ne veux pas vivre dans la crainte, même si certaines forces politiques pratiquent la censure culturelle” - a déclaré plus tard le directeur. Il a rappelé que le ton de sa réponse, lors de la conférence de presse, ne faisait que reprendre celui utilisé par la journaliste. Il a ajouté que sur scène, les acteurs ne faisaient qu'évoquer sans aucune provocation un rapport sexuel, et par conséquent sa réponse ne contenait aucune connotation péjorative ou vulgaire. Concernant les critiques sur sa mise en scène, il a répondu qu’il n'avait fait que reprendre le contenu de l'oeuvre originale et que dès lors ceux qui contestaient cette scène devaient lire avant tout le drame d'Imre Madách.

Pour mettre un terme à ce débat, le ministre des ressources humaines, Miklós Réthelyi, a demandé la création d'une commission afin d'étudier ce cas. Il a également convoqué Alföldi le 26 mai dernier. Réthelyi a finalement pris la défense d'Alföldi. D'après le ministre - qui a d'ailleurs vu et apprécié le spectacle en question - la mise en scène n’était „pas scandaleuse, plutôt novatrice”.

Les deux groupes politiques, KDNP et Jobbik, n'attendaient en fait que cette occasion pour demander la démission d'Alföldi. Un député du Jobbik avait en effet déja critiqué les mises en scène d’Alföldi lors d'une session parlementaire en novembre 2010, en raison d'une valorisation exagérée des questions sexuelles. Cependant il s'est avéré qu’il n’avait jamais vu les spectacles mentionnés. Le même mois, le parti chrétien KDNP a demandé le départ d'Alföldi, ce dernier ayant accepté cette fois-ci de louer le bâtiment du Théâtre National à l’ambassade roumaine pour y célébrer sa fête nationale. Puis, il ont à nouveau unanimement critiqué le programme du 15 mars, jour de la fête nationale hongroise, du Théâtre National : une pièce contemporaine de l’écrivain hongrois, Pál Závada.

Il s’avère que derrières ces attaques répétées, le KDNP et le Jobbik critiquent avant tout le fait que le directeur du Théâtre National ne se cache pas de son homosexualité. Pour ces derniers, il s'agit d'un symbole négatif d'une Hongrie devenue trop libérale et cosmopolitaine. On peut quand même se demander pourquoi la critique culturelle devient un sujet pour les parlementaires, pourquoi aussi il devient nécessaire de justifier l'expression artistique contemporaine dans un pays démocratique. Ces attaques ont toutefois eu une conséquence positive: depuis quelques mois, le théâtre fait salle comble à chaque représentation de cette pièce qui a suscité tant de remous.

Judit Zeisler

 

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