16-17 juillet 1942, sinistre anniversaire: la rafle du Vél d’Hiv (1)

16-17 juillet 1942, sinistre anniversaire: la rafle du Vél d’Hiv (1)

Les 16 et 17 juillet 1942, plus de 13 000 Juifs de France, dont 4 000 enfants, furent envoyés dans les camps de la mort. Des Juifs arrêtés à Paris non par des soldats allemands, mais bel et bien par leurs compatriotes, des policiers français (la tristement célèbre rafle du Vél d'Hiv). Une honte qui sera difficile, voire impossible à laver totalement. Probablement l’un des pires épisodes de notre Histoire.

Lors de sa visite en France, le Premier ministre israélien vient de participer aux côtés d’Emmanuel Macron à une cérémonie organisée à la mémoire des victimes de ce crime. A cette occasion, le président français a tenu à souligner une fois de plus notre responsabilité collective.

„C'est bien la France qui a organisé la rafle puis la déportation et donc, pour presque tous, la mort des 13.152 personnes de confession juive arrachées les 16 et 17 juillet 1942 à leur domicile.”

Déjà en 1995, Jacques Chirac avait officiellement reconnu la responsabilité de l’Etat français. Oui, mais... de „l’État”. François Hollande allant plus loin en 2012, parlant plus généralement de „la France”. Engageant ainsi la responsabilité collective du peuple français, au-delà du seul régime de Vichy. (Un régime, rappelons-le illégitime, puisque ne reposant sur aucune délégation du peuple. Mais quand bien même...)  Propos que vient donc de confirmer Emmanuel Macron. 

Mais qu’en est-il de celles et ceux qui surent dire „Non”? Qui eurent le courage de s’opposer à un tel forfait, parfois au risque de leur vie. On en parle bien peu. Et pourtant, nombreuses et nombreux furent ces fonctionnaires, employés de mairie, de préfecture ou de police, qui chacun, chacune selon ses moyens, prirent des risques énormes pour sauver des compatriotes juifs des griffes de l’occupant. Par exemple en leur établissant de faux papiers ou en les avertissant d’une prochaine descente de police. L’immense majorité sont restés anonymes. D’autres sont connus, le plus souvent pour avoir été arrêtés et déportés. Tels ce secrétaire de mairie alsacien  Paul Mathéry, déporté et mort au camp de Mathausen ou son compatriote Paul Graffot, déporté à Buchenwald ou encore le gendarme de Riom Marcel Berger, mort au camp de Flossenburg. Tels encore les membres du commissariat de Nancy qui s’entendirent tous les sept pour suivre leur chef Edouard Vigneron et sauver 350 des 380 Juifs étrangers de la ville (rafle du 19 juillet 1942) et les aider à passer en zone libre..(2) Et nous pourrions citer les exemples à l’infini. C’est ainsi que plus de 9 000 Juifs purent échapper aux rafles.

Si je me permets d’évoquer ces faits depuis Budapest, c’est que nous attendons toujours des autorités hongroises un geste dans ce sens. Alors que, presque partout en Europe, les déclarations et cérémonies pour une reconnaissance des crimes commis au cours des années quarante se sont multipliées depuis déjà belle lurette, toujours rien du côté hongrois. Qui plus est, la Loi Fondamentale, dans son préambule, rejette clairement toute responsabilité à compter du 19 mars 1944, date de l’occupation allemande. Et alors ? La France aussi était occupée...

Sans compter que, occupation ou non, c’est bel et bien l’Amiral Horthy qui était encore officiellement à la tête du pays, et ce jusqu’à son départ le 15 octobre. Certes ce dernier, au cours de l’été 1944, réussit à sauver in extremis les 200 000 Juifs de la capitale (dont une majorité fut par la suite déportée ou éliminée par les Croix Fléchées). Mais alors que les troupes soviétiques s’approchaient et que des négociations secrètes étaient engagées avec les autorités de Londres, qu’il fallait donc amadouer. N’oublions pas qu’Horthy ne s’opposa point à l’envoi par trains entiers à Auschwitz des 437 000 Juifs de province entre le 15 mai et le 7 juillet 1944. Mais bien avant cette date du 19 mars 1944, donc dans une Hongrie „libre”, rappelons les nombreuses lois anti-juives (la première - numerus clausus - votée dès 1920...) qui aboutirent à terme à interdire aux ressortissants juifs l’accès à la fonction publique et aux professions libérales, voire à proscrire leur union avec des chrétiens. Sans parler de cet été 1941 où, déchus de leur nationalité, plus de 16 000 Juifs de Hongrie furent chassés en Ukraine (14-17 juillet, tragédie dite de Kamenetz-Podolski) où ils furent massacrés un mois plus tard dans des conditions atroces par les SS (en présence de soldats hongrois...). Bref, rien de très glorieux.

Mais il y eut aussi, en Hongrie comme ailleurs, ceux qui surent protester et résister à leur façon, tel le caridnal Mindszenty, alors alors évêque de Veszprém (3). La Hongrie eut donc aussi ses Justes et ses résistants, même s’ils ne représentèrent qu’une faible minorité.

Pour terminer, je voudrais mentionner une plaque apposée dans le quartier du Château de Budapest. Elle évoque le souvenir de résistants torturés et liquidés par la Gestapo dans le beau bâtiment de l’ancien parlement (régi Országház), à l’époque ministère de l’Intérieur (4). Y figurent pêle-mêle les noms d’hommes et de femmes de pays aussi divers que, outre la Hongrie, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Bulgarie, la Russie, la Pologne, l’Italie et la France... Je voulais ici leur rendre hommage, de même qu’un hommage doit être rendu aux si nombreux Hongrois qui luttèrent dans les réseaux de résistance en France.

Les officiels hongrois ne jugeant apparemment pas utile d’évoquer ces faits (la plaque émane d’une association privée), il fallait bien que d’autres le fissent à leur place..

Pierre Waline

(1) :  à lire, le papier paru en hongrois chez francianyelv.hu: „Soha többé Vél d’Hiv” (16 juillet).

(2) : épisode qui a inspiré un film émouvant „Le temps de la désobéissance” par Patrick Volson (disponible en DVD).

(3) : De son vrai nom József Pehm, Mindszenty fit alors changer son nom pour en supprimer la connotation allemande.

(4) : Budapest 1er arrdt, Országház utca 28.

 

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