Brice Lalonde en visite à Budapest

Brice Lalonde en visite à Budapest

L’Ecologie : un défi planétaire

Venu à Budapest pour l’ouverture du mois de l’Environnement à l’Institut français et pour une série de rencontres avec des officiels hongrois sur le projet d’organisation par la Hongrie d’une Conférence sur l’eau, Brice Lalonde, Assistant-Secrétaire général des Nations Unies a accepté de répondre à nos questions sur les suites de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio + 20) dont il fut le Coordonnateur exécutif de janvier 2011 à juin 2012.

 

 

Entré dans le combat pour une écologie à dimension planétaire en 1969, Brice Lalonde fut, entre autres, secrétaire d’Etat puis ministre de l’Environnement de 1988 à 1992, responsable de la Table ronde du développement durable à l’OCDE et Ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique pour la France de 2007 à 2011. La conférence des Nations Unies sur le développement durable fut la plus important conférence organisée par l’ONU avec 193 pays représentés et plus de 45000 participants.

Son nom de Rio + 20 vient du fait que le Brésil avec déjà accueilli la Conférence de Rio de 1992 (les Brésiliens insistent sur le fait qu’elle visait à baliser les vingt prochaines années)

Que pouvez-vous nous dire, quatre mois après, sur la Conférence  Rio + 20 ?

Cette Conférence a réuni beaucoup d’acteurs,  elle a permis que des engagements soient pris, que des liens se tissent, que de nombreux projets voient le jour et que les négociations intergouvernementales aboutissent à un accord. Pour 193 pays, le développement durable reste l’idéal auquel il faut parvenir. En plus d’une dizaine de décisions pratiques, qui touchent essentiellement le système des Nations Unies,  la Conférence mandate la communauté internationale pour trouver, d’ici à 2015, une sélection d’objectifs du développement durable pour l’humanité tout entière. C’est nouveau. Jusqu’à présent, il y avait surtout eu, au sein des Nations Unies, un dialogue entre les pays en développement et les pays développés et une attention portée sur l’aide au développement. Concevoir des objectifs qui puissent s’appliquer aux pays riches comme aux pays pauvres, à l’échelle de la planète tout entière, est un véritable défi. C’est aussi faire le pari que, d’ici une vingtaine d’années, de nombreux pays sortiront de la pauvreté, de la même façon, qu’entre Rio 92 et Rio 2012, la Chine, le Brésil, l’Inde, enfin beaucoup de leurs populations, sont sortis de la pauvreté.

On a aussi beaucoup parlé de la haute mer pendant le Rio +20…

L’idée serait d’aboutir à une Convention qui permettrait de créer un réseau d’espaces protégés au-delà des zones économiques exclusives. La Conférence de Montego Bay sur le droit de la mer, en 1982, a été une très grande réussite mais elle ne traite que des fonds marins et pas de l’eau et de ce qui vit dans l’eau.

La Convention traite de la souveraineté, de la délimitation, mais les questions environnementales ne sont pas abordées. Le fera-t-on dans le cadre de cette Convention ou dans un autre cadre juridique, on ne le sait pas encore… 

On parle beaucoup de la notion de services écosystémiques, que recouvre exactement ce concept ?

Il est très difficile d’évaluer l’état  des choses que l’on ne mesure pas. Il faut trouver un moyen de mesurer le progrès ou le recul du patrimoine naturel. Cette notion renvoie à une réalité que tout le monde connait, en fait. C’est le constat que s’il n’y avait pas de nature, il n’y aurait pas d’économie. Jusqu’ici, on a considéré les  services rendus par la nature comme donnés. Du coup, ils ne sont pas intégrés dans le système économique et il arrive qu’on leur nuise en quelque sorte par aveuglement. On sait aujourd’hui, qu’il faut maintenir le bon fonctionnement de la nature et l’on assiste à un nouvel âge de l’économie, en tant que discipline scientifique, où l’on s’efforce d’établir des valeurs permettant de tenir compte de ces phénomènes dans les calculs économiques. Ainsi, lorsque nous détruirons de la nature lors d’une activité de production, nous ne considérerons pas que nous ayons crû d’un ou plusieurs points de PIB, mais, au contraire, que nous ayons décru du montant que nous avons détruit. Nous avons décru parce que, dans notre activité, nous avons porté atteinte à un capital  important ou supprimé des services comme par exemple, en utilisant à tort un insecticide inadapté, celui que rendent les abeilles quand elles solennisent les arbres fruitiers. La difficulté de ces calculs réside dans le fait que les services statistiques des différents pays soient à même de créer cette comptabilité. Il faut pouvoir compter les tonnes qui ont été extraites, le nombre d’animaux détruits, les mètres cubes d’eau perdus et ce de manière peu onéreuse  selon un système agréé par tous. Ce sujet évolue dans le bon sens, ainsi, on évoque « l’empreinte eau » qui consiste à demander à chaque activité d’évaluer la quantité d’eau qui a été utilisée pour cette activité.

Le problème de l’eau est aussi un des thèmes les plus évoqués…

La question de l’eau est peut-être une des questions les plus préoccupantes et pour laquelle des objectifs pourraient être définis. C’était aussi une des raisons de ma visite en Hongrie puisque le gouvernement hongrois envisage d’organiser une Conférence sur ce thème. La question de l’eau est une des plus importantes pour l’humanité parce que la quantité d’eau disponible sur la planète est limitée. Elle est fixe alors que le nombre d’êtres humains augmente, ce qui réduit en conséquence la part d’eau disponible par individu. Il y a beaucoup d’êtres humains qui n’ont pas encore accès à l’eau et à l’assainissement. L’assainissement est aussi un problème préoccupant car une grande part des maladies est liée à l’eau sale, particulièrement celles qui touchent les enfants. Il faut déterminer des objectifs de coopération que l’on pourra proposer à la communauté internationale et sur lesquels les équipes pourront se mobiliser dans les différents pays. Pour prendre un exemple concret, l’Agriculture consomme 70 % de l’eau utilisée à la surface de la planète, car il faut bien irriguer, mais cela rentre en compétition avec les besoins directs humains. L’Agriculture utilise souvent l’eau de manière dispendieuse alors qu’il existe des techniques permettant d’utiliser l’eau plus efficacement. On pourrait fixer l’objectif de faire baisser cette consommation.

Malgré les défis présents et à venir restez-vous optimiste ?

Les choses évoluent. Cela prend du temps. On nait quelque part et l’on n’a pas forcément le sentiment de la planète. Ce sentiment de la planète, j’essaye de le développer. La gestion locale des ressources existe depuis toujours. Par contre, la prise de conscience du fait que les grands équilibres planétaires dépendent de l’action des humains est une notion relativement nouvelle. Pour symboliser cette notion les scientifiques ont qualifiée cette ère géologique nouvelle d’anthropocène, l’ère dans laquelle la surface de la planète est déterminée par l’action humaine. Cela nous oblige tous à avoir un sentiment de citoyenneté planétaire ou de conscience planétaire. Je suis à la fois optimiste et prudent. Je suis heureux de cette prise de conscience nouvelle aujourd’hui globalement répandue mais aussi conscient des difficultés et des problèmes innombrables qui restent à résoudre. 

Xavier Glangeaud

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