Le Hongrois de Madagascar

Le Hongrois de Madagascar

Certains hommes, bien que peu connus du grand public font l’objet d’études, de romans, de clubs dédiés à leur mémoire où d’élégants admirateurs évoquent leurs exploits autour d’un bon cognac. C’est le cas de Maurice Benyovsky (Beniowsky, Benovsky, selon les pays… ) un des grands aventuriers, ou des plus grands héros (pour ceux qui pensent que le mot aventurier est péjoratif !) du 18e siècle, dont il nous a semblé opportun de vous conter l’histoire, propice à animer vos longues soirées d’hiver.

 

 

Maurice Benyowsky, est né, selon certains, en 1741, et selon d’autres, en 1746 mais, pour tous à Vrbove (aujourd’hui en Slovaquie, la ville portait le nom de Verbo lorsqu’elle était hongroise, et est surtout connue pour avoir abrité Trikota (le plus grand fabricant de sous-vêtements féminins du pays au vingtième siècle). Selon la légende, c’est suite à un désaccord avec ses frères que Maurice Benyowsky rejoint, en 1768, la Confédération de Bar, luttant, contre les Russes, pour l’indépendance de la Pologne. En 1770, il est fait prisonnier et exilé en Sibérie dans une forteresse du Kamtchatka. Après avoir convaincu les autres prisonniers de se mutiner, il prend le contrôle du fort et (selon lui, car il existe d’énormes différences entre les mémoires du comte/baron Benyowsky et les faits tels qu’ils ont été reconstitués par les historiens malgaches les plus spécialisés) séduisit la fille du gouverneur de la prison. Il s’enfuit et réussit à prendre le commandement d’un navire russe pour partir à la découverte du Pacifique Nord (bien avant le capitaine Cook et La Pérouse précisent tous ses biographes). Arrivé dans l’un des comptoirs français d’Inde, il part pour Paris. Selon ses propres déclarations, Benyowsky rêvait d’offrir une grande colonie à la France (en fait, il rêvait surtout d’être un conquérant et pour ce faire avait besoin de gros moyens), ayant visité Madagascar, il proposa (par l’intermédiaire d’un certain nombre de personnes qui furent difficiles à convaincre, ce que ne rapportent que très peu de biographes) à Louis XV d’y fonder des comptoirs français. 

C’est sur cette longue tentative de conquête de Madagascar que l’on trouve le plus de contradictions entre les Mémoires de Benyowsky et les rapports des fonctionnaires français en poste à l’île de France (aujourd’hui île Maurice). La polémique est encore vive, entre ceux qui accusent les fonctionnaires de l’époque de l’avoir volontairement discrédité pour dissimuler leur étroitesse d’esprit (comment imaginer aujourd’hui une telle attitude de la part de fonctionnaires français à l’étranger qui sont, comme le monde entier le reconnaît, un exemple d’honorabilité, de dévouement à tous les Français sans discrimination aucune et d’ouverture d’esprit ?) et ceux qui pensent que Benyowsky était un escroc (ce qui semble tout de même fort possible). Bien qu’il admette avoir rencontré des difficultés, Benyowsky prétend contrôler l’île et avoir été reconnu comme empereur (Ampansacabe) par les divers chefs de tribus locaux. Il semble néanmoins (et sans parti pris aucun !) que dans les faits, la population locale ait toujours lutté pour sa liberté face à une armée hétéroclite, affaiblie par la maladie et les conditions de vie difficiles (ce que Benoyowsky a effectivement tenté de dissimuler).

En 1776, il est de retour à Paris. Il est nommé général dans l’armée française et se voit décerner l’ordre de Saint-Louis. Il est à noter qu’il sera aussi pardonné par l’impératrice Marie-Thérèse qui le fit comte et se fera octroyer par Joseph II d’Autriche la mission de fonder une colonie à Madagascar… Grâce à son profil d’aventurier défenseur des libertés (celles des Polonais évidemment), il est reçu dans le tout-Paris et rencontre Benjamin Franklin avec lequel il se lie d’amitié le 25 septembre 1777. De 1976 à 1779, il va tenter d’obtenir de l’aide et des fonds pour sa conquête de Madagascar mais sans succès.  Ami de longue date de Casimir Pulaski, héros de la guerre d’indépendance, il vient à Philadelphie proposer ses services à la cause de l’indépendance américaine. En 1779, il reviendra en Amérique avec Pulaski et recueillera le dernier soupir de celui-ci, le 11 octobre de la même année, à la bataille de Savannah. Il rencontre George Washington à Newburgh et lui propose (cette proposition, déjà ancienne, faisait l’objet de navettes entre les différentes administrations, commissions et sous-commissions, une habitude que n’ont pas perdu nos amis d’outre-Atlantique et qu’il faut respecter si elle vient tout droit de cette époque héroïque !) de lever une légion de volontaires en Europe afin de renforcer les troupes américaines. La chose ne se fera pas, pour des raisons politiques. Pas rancunier, de 1783 à 1784, le comte (il fut fait baron en France mais semble avoir plutôt utilisé son titre de comte hongrois) tentera de proposer au roi d’Angleterre la souveraineté sur Madagascar mais, encore une fois, personne ne voulut financer l’opération ! C’est, finalement, aux États-Unis qu’il pourra lever quelques fonds. Jouant de malchance, il n’atteindra Madagascar qu’en 1785 et y décédera l’année suivante, sous les balles françaises, en tentant de défendre sa souveraineté sur l’île. C’est Benjamin Franklin qui s’assurera du bien-être de sa femme et de ses descendants. Les Voyages et Mémoires de Maurice Benyowsky ont été publiés d’abord en Anglais (1790) puis en Français (1791), et enfin dans de nombreuses autres langues. Héros ou aventurier, c’est un homme dont il faut, encore aujourd’hui, admirer la volonté et le courage. Un de ces personnages d’une époque ou la réalité dépassait la fiction et où la fortune comptait moins que le panache. 

Xavier Glangeaud

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