Babylone & Les Cercles mémoriaux

Babylone & Les Cercles mémoriaux

Rencontre avec David Collin

Cet entretien nous a permis de recueillir les impressions de l’écrivain David Collin sur deux sujets :

les manifestations et son livre qui nous emmène dans les méandres de la mémoire, jusqu’en Argentine.

 

 

JFB : Vous êtes venu à Budapest au moment de la fête nationale pour l’émission de radio Espace 2, chaîne culturelle de la Radio Télévision Suisse (RTS). Quels sont vos sentiments à cet égard ?

David Collin : Il y avait une sorte de ferveur que j’ai remarquée un peu partout à Budapest, une mise en scène présente dans toute la ville avec des drapeaux et des affiches, et les cocardes que tous arborent. Dès la première manifestation – celle de la Société Civile sur le pont Erzsébet et sur l’avenue qui s’est poursuit côté Pest – j’ai remarqué que toutes les couches de la société y étaient représentées. Des plus jeunes aux plus âgés, mélangeant à la fois citadins et personnes issues des campagnes. Il y avait beaucoup de monde ! J’ai vu la vigueur des discours de certains étudiants, très enflammés, très vivants. Ensuite, en allant vers le Parlement, je suis tombé sur la manifestation du Jobbik – beaucoup plus intime – mais qui m’a rappelé les habituels rassemblements d’extrême droite à travers toute l’Europe, avec ces miliciens habillés en noir, et des drapeaux qui rappellent les sombres jours de l’histoire. Rien de rassurant. Puis, je suis arrivé à la manifestation en faveur de Viktor Orbán et de son parti le FIDESZ – une grande majorité de la classe moyenne était présente, mais aussi un mélange représentant diverses couches sociales – peut-être y avait-il un peu moins de jeunes. Les gens applaudissaient les polonais qui venaient avec des drapeaux du Solidarnosc*. C’était assez étonnant pour moi, j’avais l’impression de revenir à une autre époque ! Là aussi il y avait une foule importante et Orbán a tenu un discours déterminé. Ce qui était troublant, c’est que l’on voyait les drapeaux du Solidarnosc dans les rangs aux côtés des manifestants.

JFB : Vous êtes l’auteur de plusieurs romans dont le dernier, Les Cercles mémoriaux, qui vient de paraître. Pourquoi ce voyage à travers plusieurs continents ?

D.C. : C’est une sorte d’archéologie de la mémoire à travers le voyage d’un personnage qui a tout oublié. Il marche à reculons sur ses traces qui ont disparues, depuis le désert du Gobi, et qu’il doit redécouvrir peu à peu ; il passe également par la Chine. Le naufragé de la mémoire va ensuite revenir jusqu’à l’Argentine, qui est le point de départ de son enquête. La mémoire personnelle, qui se reconstruit peu à peu, va aussi croiser la mémoire blessée de l’histoire "des disparus" de la dictature argentine.

JFB : Votre ouvrage est très politisé, mais en même temps, on entre dans l’univers du fantastique. Suivez-vous en quelque sorte la grande tradition des romans latino-américains ?

D.C. : C’est un roman teinté d’un fantastique plus littéraire, dont on a l’habitude aujourd’hui. J’avais envie de travailler sur la mémoire – comment nous la perdons et comment nous parvenons à la reconstruire via les gens que nous rencontrons. Comment cette mémoire-là peut-être raccrochée à l’Histoire, au chapitre tragique des enfants "des disparus" en Argentine, un sujet qui me touche particulièrement.

*Solidarnosc est une fédération de syndicats polonais, dirigée à l’origine par Lech Walesa dans les années 80.

Babylone, l’émission spéciale sur la Hongrie, sera diffusée le jeudi 5 avril à 9h et 19h. Rediffusion les 18 et 19 avril. Disponible ensuite sur le site de la RTS, à la rubrique d’Espace 2.

Les Cercles Mémoriaux, L'Escampette édition, diffusion & distribution: Les Belles Lettres.

Éva Vámos

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