Rencontre avec Péter Csaba

Rencontre avec Péter Csaba

Péter Csaba

Rencontre avec Péter Csaba, violoniste de formation mais surtout chef d’orchestre roumain d’origine hongroise dont le talent est mondialement reconnu. Détenteur de la légion d’honneur, membre de l’ordre de la rose blanche, ce dernier se verra décerné ce mois-ci la légion d’honneur espagnole. Entretien exclusif.

JFB : Pour en arriver là ou vous êtes aujourd’hui, vous avez-du vous dédicacez corps et âme à la musique, pouvez-vous revenir pour nous sur l’origine de votre amour pour la musique ?

Péter Csaba : J’ai grandi avec une mère musicienne qui m’a introduit à cet art notamment au travers de la pratique du violon vers l’âge de 5-6 ans. J’ai assez rapidement développé une relation passionnelle avec la musique. En effet, je pense qu’être musicien c’est ne plus vivre sans pratiquer son instrument chaque jour, sans relâche. Le talent est de fait essentiel mais il faut allier cet ensemble à l’amour de la musique. Le talent doit être guidé pour se développer de la meilleure des manières.

J’ai grandi en Roumanie et à cette époque, les possibilités de prospérer dans le milieu de la musique étaient quasiment nulles. Mais je remercie mes professeurs et mentors qui ont su diriger mon talent dans un contexte aussi complexe. Effectivement, il était laborieux de quitter le territoire roumain, les autorités nationales devaient nous accorder un visa pour séjourner à l’étranger. C’est uniquement grâce à ma notoriété montante qu’ils étaient plus complaisant pour me laisser sortir du pays. De fait, j’avais déjà remporté plusieurs concours nationaux et internationaux.

JFB : Vous êtes donc violoniste de formation, qu’est-ce qui vous a poussé à devenir chef d’orchestre ?

P. Cs. : J’ai toujours été attiré par l'orchestre. L'éducation que j’ai reçue m’a permis de me rendre de manière quasi quotidienne à l’orchestre de ma ville, c’est d’ailleurs là-bas que j’ai formé mon répertoire vers l’âge de 10 ans. Je me plais à considérer le violon comme une extension de mon corps, il en est de même pour l’orchestre que je considère comme une extension de moi-même, c’est ce qui m’a séduit et m’a amené à considérer le métier de chef d’orchestre.

JFB : En 1996, la direction de la classe d’orchestre du conservatoire national de Lyon vous a été proposée. Pourquoi cela a-t-il toujours été important pour vous de travailler avec de jeunes musiciens ?

P. Cs. : Il est vrai que j’accorde une très grande importance au fait de travailler avec de jeunes musiciens, de les former. Depuis plus de quarante années, j’organise des auditions partout dans le monde (Paris, Berlin, Londres, Bruxelles…) pour repérer de nouveaux talents. Les élèves sélectionnés sont ensuite amenés à performer des concerts en solo, des récitals ou encore à jouer au sein d’un orchestre. Pour 90% des jeunes musiciens que j’ai formé au cours de ces vingt-trois dernières années, la musique est devenue leur activité principale.

Nombreux sont ceux qui sont devenus professeurs à Londres, Berlin, Helsinki et certains sont même des professeurs à l’académie de musique du Japon, des Etats-Unis ou encore de Scandinavie.

Il m’arrive parfois d’inviter certains de mes anciens élèves à jouer avec moi à l’occasion de grands concerts où je vais performer.

Donner des opportunités à de jeunes musiciens est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur. D’abord parce que cela peut changer la vie de ces jeunes talents, mais aussi parce que ces musiciens apportent une réelle plus-value au monde artistique.

À travers mon aide aux jeunes talents, j’aimerais rappeler que l’humain doit rester une centralité dans la musique. Au vu d’une génération qui se digitalise et s’ouvre à un des nouveaux genres de musique à travers de nouveaux outils tel que l’intelligence artificiel, je pense qu’il est essentiel de garder un certain esprit, une lucidité par rapport à la musique classique. Pour que cette dernière puisse perdurer il est important de continuer d’aller voir des orchestres, des concerts, etc. Finalement de garder un contact proche avec la culture musicale.

JFB : Vous avez été amené à vous produire dans plus de soixante pays et vous avez dirigé différents orchestres en France et en Scandinavie notamment. Était-il important pour vous de donner un aspect international à votre carrière ?

P. Cs. : Ce n’était pas forcément quelque chose que j’avais prévu, ou quelque chose que je désirais profondément. Cela est plutôt venu naturellement, au fur et à mesure que ma carrière progressait. En effet, ma carrière et ma notoriété naissante de l’époque m’ont donné mes premières occasions de voyager, soit pour étudier, soit pour donner des représentations. Par la suite, les occasions se sont multipliées et j’ai été amenée à sillonner le monde afin de me produire sur scène, en tant que violoniste ou en tant que chef d’orchestre.

Plus tard dans ma carrière, des opportunités très attractives et prestigieuses ce sont proposées, comme, par exemple, le poste de professeur à Juilliards, le conservatoire supérieur privé de musique et des arts du spectacle à New York, mais j’ai à chaque fois décliné ces offres. Oui en effet, j’ai toujours souhaité garder mon indépendance dans mon travail et la volatilité mondiale que celui-ci m’offre. Le monde est en perpétuel changement et partout le public demande de la variété, ainsi, je préfère continuer à exercer en tant que chef d’orchestre à travers le monde et offrir au public ce qu’il désire.

JFB : Votre métier, comme nous l’avons bien compris, est une pure passion. Votre mode de vie ne semble pas très commun et assez mouvementé, pouvez-vous nous donner un aperçu de celui-ci ?

P. Cs. : Il est vrai que le rythme de vie de chef d’orchestre est intense et souvent assez rude. Parfois, le temps me manque pour m’occuper de moi-même. Par exemple, je peux être inviter à faire une représentation l'après-midi à Paris et le lendemain à Tokyo, j’ai donc très peu de temps pour me reposer, dîner, ou même dormir. On me demande souvent pourquoi je continue d’accepter ces offres si c’est elles sont si épuisantes à honorer. Ma réponse est simple : par passion, intérêt et grand respect pour les opportunités qui me sont offertes.

Propos recueillis par Valentine Schmitz, Lena Chenut et Pierre Sandrin

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