„Travail, Famille, Patrie”, la devise de Viktor Orbán

„Travail, Famille, Patrie”, la devise de Viktor Orbán

„Travailler plus pour gagner plus!” Tel est le slogan qui, en Hongrie, revient sans cesse à la bouche de Viktor Orbán et de ses partisans. De là l´adoption d´une loi modifiant le Code du Travail : passage de 250 à 400 le nombre des heures supplémentaires autorisées sur une période de trois ans. Voilà qui est bien beau. Sauf que... Contrairement à ce que l´on veut nous faire accroire, ces heures supplémentaires pourront être de facto imposées par l´employeur à ses salariés. Par ailleurs, le règlement desdites heures supplémentaires ne sera effectué qu´à l´issue de ladite période triennale, et non en temps réel. Or, à moins que d´être un fana invétéré du travail, la raison pour laquelle un employé acceptera d´effectuer des heures supplémentaires est de satisfaire un besoin immédiat d´argent. Allez donc expliquer à vos créanciers que, certes, vous ne manquerez pas de les payer, mais… dans trois ans seulement. Quant au volontariat, allons donc ! Une clause à votre contrat par laquelle vous vous engagez à accepter d´effectuer, au gré de l´employeur, ces 400 heures. Vous refusez de signer ? „Bye bye, par ici la porte !”  Par ailleurs, des heures supplémentaires bien sûr imposées. La raison de cette mesure ? Le sous-emploi qui règne en Hongrie. Notamment pour la main d´œuvre qualifiée qui, sous-payée et souvent confrontée à de mauvaises conditions de travail, part définitivement en masse pour l´étranger. Jusqu´à présent 600 000 jeunes, soit 15% de la population active. Et le mouvement ne fait que s´amplifier. Une loi qui provoque un tollé général chez les syndicats, bien évidemment non consultés. De quoi faire reculer Viktor Orbán ? Probablement pas, car il sait fort bien que, même si un récent sondage donne 83% de la population hostile au projet, la grande masse n´osera trop réagir par peur de perdre son emploi. Le plus piquant dans l´histoire est que ces messieurs les députés, au demeurant grassement payés, n´ont pratiquement jamais connu le monde du travail, directement entrés dans la politique à peine sortie de l’université, au moment du changement de régime (1).

 

„Travaillez, travaillez donc, braves gens !” et...”Faites des enfants !”. Car la Hongrie figure dans le peloton de queue en Europe (et dans le monde) en matière de natalité. D´où tout un train de mesures adopté en faveur des familles. Voilà qui est louable. Sauf que… Ces mesures, allocations, dégrèvements fiscaux, favorisent davantage les milieux aisés face à une masse sous-payée, pour laquelle, avec à peine 1000 euros par ménage, elles ne suffiront pas à donner le coup de fouet nécessaire. De plus, des mesures discriminatoires, car lésant par des décisions inverses les ménages sans enfants. Et ici encore, nous tournons en rond. Car, qui est le plus à même de nous gratifier de charmants bambins ? Précisément ces 600 000 jeunes partis pour l´étranger où ils ne manqueront pas de se reproduire, mais pour engendrer à terme des petits Anglais, Allemands ou Suédois...

 

 

Reste la sacrosainte patrie qui, comme le clament nos gouvernants, passe avant toute chose. Pour le coup, oui ! Qui oserait prétendre le contraire ? Sauf que…  Exploité à l´extrême, le slogan finit à la longue par isoler le pays – déjà fermé par sa langue – sur la scène internationale. Car, muté en nationalisme, cet élan patriotique a vite fait de se transformer en mouvement de défense contre des agresseurs supposés venus de l´étranger. Les migrants, bien sûr (dont ne on trouve pratiquement pas un seul spécimen en Hongrie) et l´abominable Soros. Mais aussi tout l´Occident en bloc (et plus seulement Bruxelles). Et la presse internationale malintentionnée, mesquine et truffée de mensonges. Dernier ennemi en date, au-delà des ONG étrangères, l´université américaine Central European University (CEU) implantée dans les années quatre-vingt-dix par Soros pour former au départ des jeunes cadres à peine sortis du socialisme. Un établissement qui vient de se voir chasser du pays pour aller se réfugier à Vienne. Mais aussi, reconnaissons-le, avec des alliés de marque, tels Poutine et Erdoğan dont chacun reconnaîtra les hautes vertus... Et la Chine, sans compter les prétendus cousins de l´Asie centrale.    

 

 

D´aucuns nous reprocheront un rapprochement tendancieux, voire vicieux et trop facile, avec un slogan qui évoque de mauvais souvenirs aux Français. Peut-être… Que l´on nous permette néanmoins de citer, entre mille autres, deux mesures prises en haut lieu. Le changement de l´appellation du pays de „République hongroise” en „État hongrois”. Cela ne vous rappelle rien ? Et encore ces initiatives visant à réhabiliter le régime Horthy. Dernière en date : le démontage de la statue d´Imre Nagy érigée face au Parlement pour la reléguer à l´écart dans un square isolé. Explication officielle : rendre à la place du Parlement son aspect d´avant-guerre.

 

 

Chacun jugera en son âme et conscience …

 

 

Pierre Waline

(1): dans le même ordre d´idées, la Hongrie a refusé de s´associer à la mise en place d´une Autorité européenne du Travail. Or, il s´agit non pas d´un organisme coercitif, mais bien au contraire d´une initiative destinée à protéger les ressortissants européens travaillant à l´étranger et à défendre leurs intérêts, notamment en les informant sur leurs droits.

 

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