Re-Verzio 2019

Re-Verzio 2019

“Des gens que je connais vont voir la pièce, comment est-ce qu’ils vont réagir quand ils vont savoir que je suis Serbe ?”

Vingt ans après la guerre en Croatie, ses stigmates sont encore bien présents. C’est ce dont témoigne le film documentaire du réalisateur croate Nebojša Slijepčević intitulé Srbenka et diffusé jeudi 7 février dans le cadre de la première soirée du Re-Verzio 2019.

Durant ce film, nous sommes plongés au cœur des répétitions d’une pièce de théâtre d’Oliver Frlj|ìc. Cette oeuvre raconte le meurtre d’une jeune Serbe et du reste de sa famille durant l’hiver 1991 à Zagreb. Elle replace cette tragédie dans le présent et montre son impact dans la société croate. Au cours du visionnage, le spectateur se rend compte que cette société est toujours aussi divisée par ses problèmes ethniques. De la première lecture du texte par les acteurs à la présentation au public, en passant par les conseils de mise en scène et d’interprétation du dramaturge, le film dresse en pointillés les discriminations que la minorité serbe continue de subir dans la Croatie d’aujourd’hui. L’interrogation mise en exergue, prononcée par Nina, jeune actrice serbe, est à elle-seule représentative de cette violence et de la difficulté d’assumer ses origines serbes par peur de se les voir reprocher.

La diffusion du film fut suivie d’une conversation Skype avec le réalisateur. Cette interaction avec un public encore ému par le visionnage de ce documentaire s’avéra riche et permit également au vidéaste de préciser ses intentions lors du tournage de son documentaire. Nebojša Slijepčević avait la volonté de témoigner des difficultés que vit la minorité serbe en Croatie, fil conducteur de l’oeuvre. Il reconnaît néanmoins qu’à travers cela, son film s’inscrit dans un questionnement qui résonne aussi partout ailleurs, en l’occurrence le traitement des populations stigmatisées à cause de leurs origines, une problématique toujours vivace.

Cette thématique est une parmi tant d’autres mises en avant par Verzio, le festival international des films documentaires sur les droits de l’homme. La production Nebojša Slijepčević a d’ailleurs été récompensée par le prix du meilleur film sur les droits de l’homme lors de la 15ème édition de ce festival organisée en novembre dernier. Les documentaires qui ont eu le plus de succès sont chaque année diffusée à nouveau lors du Re-Verzio. Ce jeudi 7 février, la salle était presque pleine. Eniko Gyuresko, coordinatrice de Verzio, a bon espoir que cela continue, persuadée que le documentaire est le meilleur moyen de commencer une discussion et de faire réagir. Ce sont ces envies de débats et d’éducation, cette volonté de témoignage qui sont chaque année encouragée par le festival Verzio à travers ses diffusions de documentaires dans tout le pays et les divers événements qui les accompagnent tout le long du mois de novembre. Bien qu’Eniko Gyuresko assure que le festival attire de plus en plus de spectateurs, elle confie également les difficultés auxquelles celui-ci est confronté. Le public international ou local répond toujours présent à Budapest, le festival disposant d’un réseau suffisant pour promouvoir les films documentaires, mais les diffusions dans les autres agglomérations importantes du pays sont plus compliquées. Eniko Gyuresko l’explique par le fait que la plupart des médias dans ces régions sont proches du gouvernement et que ceux-ci n’annoncent aucune date de diffusion, rendant difficile la promotion du festival. L’équipe de Verzio continue cependant de travailler d’arrache-pied pour que ce festival s’exporte au-delà de Budapest.

Cette édition du Re-Verzio vient donc tout juste de commencer et se poursuit jusqu’au 21 mars avec la diffusion de films tous les jeudis au Blinken OSA Archives (1051 Budapest, Arany János u.32). Les documentaires comme tous ceux présentés lors des autres éditions du festival Verzio sont visionnables en tout temps puisque ses archives sont accessibles dans ce même bâtiment.

Le programme du Re-Verzio 2019 est disponible ici: http://www.verzio.org/en/node/2191

Aurélie Loek

 

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