L’Institut français a 60 ans !

L’Institut français a 60 ans !

 

L’Institut français fête cette année ses 60 ans ! Et le Festival de Cannes aussi ! A cette occasion, son directeur, M. Jean-Pierre Debaere, Conseiller de coopération et d'action culturelle à Budapest depuis deux ans et demi, revient pour le JFB sur les missions de l’Institut français de Budapest, mais aussi sur son histoire, les épisodes marquants ou anecdotiques qui ont jalonné son existence, sa vocation en 2007 ainsi que les festivités qu’il nous propose cette année.

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Tout le monde connaît l’Institut français de Budapest. Les Français bien sûr, mais aussi les Hongrois, en somme tout ce que Budapest compte de francophones, et plus largement de francophiles. La francophonie justement fut l’un des objets de notre discussion. «De nombreuses idées fausses circulent autour de la francophonie. Si, en Hongrie, elle est traditionnellement institutionnelle, force est de constater que l’on ne peut pas enfermer la francophonie hongroise : elle échappe à bien des caractérisations ». « Elle participe encore maintenant d'une attitude quelque peu “subversive” et, même avec la domination de l'anglais, elle résiste relativement bien. »

Sur les 2500 étudiants en langue et civilisation françaises que compte l'Institut, on remarque que les besoins et demandes ont évolué : «On assiste à un transfert d'expertise: la langue est un outil plus qu'une fin en soi. En vue de la présidence hongroise de l'Union européenne en 2011, et à partir du moment où l'anglais n'est plus vraiment une langue étrangère, le français redevient un atout non négligeable». Chaque année ce sont 50 à 60 Hongrois qui bénéficient des bourses de Master 2 ou de Doctorat en cotutelle du gouvernement français (avec l'aide de plusieurs régions françaises), et ce dans tous les domaines. «Nous souhaitons désormais structurer d'avantage notre politique de bourses en mettant l'accent sur les sciences dures, la biologie, les sciences de l'ingénieur, etc...»

L’autre grande mission de l’Institut français reste bien évidemment la diffusion culturelle et artistique sous toutes ses formes, même si la création contemporaine l'emporte. Ainsi, récemment, le musée Ludwig recevait le FRAC (Fond Régional d’Art Contemporain) des Pays de la Loire et le Trafó des spectacles de nouveau cirque. A leur propos, J-P. Debaere reconnaît que «c'est un filon merveilleux. Des artistes comme Plan B ou encore Cridacompagny sont des exemples du dynamisme et de la créativité de la scène française». Toutefois, les attentes hongroises en matière d'art français restent majoritairement patrimoniales, attentes auxquelles l'Institut répond favorablement en participant à l'organisation de grandes expositions depuis presque dix ans : Chagall, Modigliani/Soutine, Monet et ses amis, 400 ans de Peinture française... Une grande exposition Gustave Moreau est par ailleurs prévue pour le printemps 2009. «La Hongrie est elle-même dotée d'une richesse muséale considérable avec des collections françaises remarquables. Ainsi, lorsque le musée des Arts Décoratifs organise une grande exposition consacrée à Lalique, Gallé et Tiffany, les pièces présentées sont majoritairement issues des réserves du musée !» Enfin, le cinéma reste un vecteur culturel important et populaire. Les 11e journées du Film français qui viennent de s'achever en attestent : «La salle de 500 places du cinéma Corvin était pleine tous les soirs ! C'est un grand succès, qui se renouvelle tous les ans». Il n’est pas moins vrai qu’à bien des égards, il est difficile de parler de culture française, les grandes tendances étant désormais transnationales.

Il existe, entre la Hongrie et la France, une coopération culturelle historique : «Les grandes institutions étatiques - les musées de Budapest, celui des Beaux-Arts en particulier, mais aussi Mai Manó, le musée Ernst ou encore des galeries - qui avaient l'habitude de solliciter l'Institut en tant qu'intermédiaire entre la Hongrie et les institutions culturelles françaises, communiquent désormais en direct avec leurs homologues». Il existe également de belles coopérations dans le domaine musical: «Le Palais des Arts qui, comme le Musée des Beaux-Arts, a été relativement privilégié et épargné par les restrictions budgétaires, afin de maintenir et d'assurer la transmission de l'image culturelle de la Hongrie, reçoit régulièrement des artistes français dans ses murs». Dans un autre style, une collaboration avait été mise en place chaque mois en 2006 entre l'Institut et le bateau A38. «Nous poursuivons cette collaboration occasionnellement, pour des opérations plus “branchées”, car c'est incontestablement un beau lieu et une scène très dynamique à Budapest».

Au moment d’évoquer l’histoire de l’Institut (voir encadré), depuis son inauguration par Elsa Triolet et Louis Aragon en 1947, J-P. Debaere souligne que l’Institut français est le seul à ne jamais avoir fermé ses portes (sinon pour des raisons de sécurité entre octobre 1956 et janvier 1957, car les immeubles voisins avaient été touchés). «On évoque ainsi parfois cette anecdote selon laquelle Mme Kádár aurait soutenu le maintien de l'Institut durant les pires heures du régime communiste, pour avoir accès aux journaux de mode français». En somme, avec des moyens parfois réduits, l'Institut a accompagné la vie des Hongrois et ceux-ci se sont appropriés cet établissement. «C'était un espace de liberté d'expression. De nombreux artistes hongrois désormais célèbres ont fait ici leurs premières expositions». Depuis la transition du début des années 90, on a assisté à une montée en puissance de l'intérêt réciproque entre les deux pays, en particulier avec la manifestation Franciart en 2001 suivie de près par Magyart, l'année culturelle hongroise en France, en 2003. De plus, la venue du président Chirac en Hongrie en 2004 reste sa seule visite dans l'un des nouveaux pays adhérents. Toutefois, le Non français au projet de Traité constitutionnel a déçu, il a par ailleurs accompagné le désenchantement manifeste au lendemain de l'adhésion à l'Union européenne. Pourtant, l'attachement des Hongrois à l'Institut français reste acquis : «Nous participons à la vie culturelle de Budapest et sommes ainsi bien plus qu'un simple baromètre pour mesurer et juger de l'intérêt envers la France».

Cette année, les 60 ans de l'Institut correspondent aux 60 ans du Festival de Cannes et les organisateurs de ce dernier ont généreusement accepté qu'un parallèle soit créé entre les deux anniversaires. D'autant plus que le vecteur cinéma est particulièrement présent et précieux à la francophonie, souligne J-P. Debaere. «Nous allons donc dérouler le tapis rouge et proposer la projection de plusieurs films primés à Cannes depuis 1947. Et qui sait, peut-être le jury du festival récompensera-t-il cette année le nouveau film de Béla Tarr, L'Homme de Londres, en compétition officielle».

Auparavant attaché culturel à Beyrouth, à Toronto, mais aussi conseiller culturel de l’ambassade de France en Tunisie, en Ethiopie et en Turquie, J-P. Debaere reconnaît être «fasciné et amoureux de Budapest, qui propose une qualité de vie exceptionnelle. Je crois par ailleurs beaucoup à son potentiel esthétique et à son développement». «C’est une ville magique, secrète et subtile».

Frédérique Lemerre

 

L’Institut français en quelques dates

le 13 juin 1947: Inauguration de l'institut français de Budapest par Elsa Triolet et Louis Aragon.

1956 : L'institut a traversé la tourmente. M.Turbet Delof, alors directeur, a tenu un carnet de bord des événements jour après jour, aujourd'hui publié.

1957 : A la suite d'une grande tournée à l'Est, Yves Montand, accompagné de Simone Signoret, fêtent à l'Institut les 10 ans d'existence de l'établissement. La même année Albert Camus recevait le prix Nobel de Littérature.

1966 : Un accord culturel intergouvernemental est signé entre la France et la Hongrie, qui témoigne de l'ouverture du régime, de l'assouplissement des relations et d'un souhait bilatéral de procéder à des échanges scientifiques.

1976 : Ouverture d'une téléthèque (projet pilote) par Pascal Emmanuel Galet, conseiller culturel de l'époque. Cette téléthèque était par ailleurs le centre d'achat des programmes français par la télévision hongroise.

1980 : Jean-Luc Godard est présent lors de la Semaine du Film Français de Budapest. La même année, Béla Wajda reçoit le prix du meilleur court métrage à Cannes, alors que le Mephisto de Istvan Szabo reçoit le prix du meilleur scénario.

1990 : C'est l'ouverture du pays et l'arrivée des premières entreprise françaises qui participeront activement à la programmation de l'institut grâce à leurs activités de sponsoring... bien moindre de nos jours.

1992 : Le nouvel Institut français, tel que nous le connaissons aujourd'hui, est inauguré. Ce projet remonte au milieu des années 80, appuyé par François Mitterand, et prévoyait initialement de regrouper l'institut et le lycée français dans la même enceinte, ce qui n'a jamais été le cas car l’effectif du lycée s’est avéré trop important dès le début...

2005 : “L'année Jules Verne”, dont certains Hongrois pensent encore qu'il est hongrois, puisque le premier traducteur de son œuvre avait, comme on avait coutume de le faire, également traduit son nom... Verne Gyula.

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