Turbulences économiques

Turbulences économiques

La constitution d’un gouvernement socialiste minoritaire à partir du 1er mai semble déjà presque inévitable. Depuis le changement de régime, la Hongrie a été épargnée d’une crise gouvernementale patente, or la confiance politique perdue ne sera pas facile à restituer. En effet, les réformes faites «sont un tel succès» que l’économie du pays est «knock-out» ; cependant le gouvernement maîtrise encore le déficit budgétaire prévu dans le programme de convergence. A court terme, il ne s’agit pas de savoir si les socialistes garderont le pouvoir jusqu’aux élections de 2010 ou s’ils ont des chances de mener à bien les réformes souhaitées. Il s’agit plutôt de comprendre quelles conséquences économiques graves la crise gouvernementale peut engendrer.

Les promoteurs étrangers risquent de réagir d’une manière très sensible aux changements de la politique économique des marchés émergeants, même s’ils n’ignorent pas la relative stabilité politique et économique de la région en question. Ils sont avant tout intéressés par la politique monétaire et fiscale et les fondements macro-économiques (inflation, croissance, niveau des salaires, etc.) d’un pays, toutefois, ils ne peuvent ignorer les changements politiques qui surviennent. En Hongrie, même ces premiers sont loin d’être en ordre, sans parler des dangers représentés par les déséquilibres globaux des marchés financiers et la crise américaine qui se répercutent sur les comportements ou les attentes des agents du marché (créanciers, investisseurs, établissements de crédit, par exemple) et semblent importants surtout à la lumière de la croissance économique modeste, peu dynamique et peu prometteuse à l’échelle européenne.
Les agents du marché peuvent donc instinctivement s’interroger sur les rapports étroits qui existent entre la conjoncture économique et l’incapacité à réaliser les réformes ou d’arriver à un consensus. Il leur suffit d’analyser les résultats des réformes politiques et sociales et de la croissance économique de la région. Si, en Hongrie, il n’y a pratiquement aucun espoir d’aboutir à un tournant au niveau de la politique sociale (pour laquelle la modération des dépen-ses publiques, condition d’un dégrèvement fiscal sensible, serait primordiale), le pays sera vite dépassé par ses voisins ; c’est ce que les étrangers peuvent penser, de droit. Bien que la réduction drastique du déficit budgétaire et la prévision de mesures supplémentaires envisagées dans le même but d’ici à 2011 soient méritoires, on a du mal à oublier que jusqu’ici l’élite n’a jamais manqué d’être «gratifiée» en fin de cycle politique, ce qui s’est très fortement répercuté sur les indices budgétaires des années électorales. Qu’est-ce qui pourrait nous faire penser que, cette fois-ci, les choses se passeront différemment ? Les socialistes sont très peu populaires, ils songent sans doute à faire quelque chose contre…
Comme il semble déjà inévitable qu’il y aura au pouvoir un gouvernement minoritaire, les marchés financiers deviendront et resteront à court terme très précaires. Les tensions sociales et politiques (à cause du résultat du référendum) sont palpables, le gouvernement se donnera un mal fou pour obtenir la majorité nécessaire pour légiférer. En cas de minorité, en général, il est pratiquement impossible de faire passer des réformes et, surtout dans l’ambiance politique et sociale actuelle, le gouvernement devra certainement faire énormément d’efforts pour arriver à un consensus même sur certaines questions concernant l’ordre du jour. L’allègement fiscal, aussi modeste soit-il, annoncé au début de l’année, aurait pu être le premier pas pour recouvrer la confiance de la population. Mais cette opportunité s’est perdue dans les vagues de l’augmentation des taux d’intérêt causée par la turbulence des marchés financiers internationaux qui aboutiront visiblement à des dépenses supplémentaires du paiement des intérêts en 2008 et 2009. Même si les agents économiques étrangers ont moins d’influence sur les processus nationaux, à court terme c’est la population hongroise qui devra supporter les charges de leurs décisions («provocation» de l’augmentation des taux d’intérêt et de l’instabilité des cours menant à l’augmentation des taux des crédits, par exemple).
Où a disparu la fumée du fameux portefeuille Bokros introduit il y a dix ans, modèle exemplaire des réformes réussies, ou celle du renom de la politique économique compétente de la gauche libérale ? Nombreux sont déjà ceux qui pensent que le seul remède à ce manque de confiance et à l’agonie de la majorité est à chercher dans l’accès au pouvoir du FIDESZ, parti bénéficiant de l’appui des deux tiers de la population. Ce n’est pas par hasard que le FIDESZ réclame des élections anticipées : face à l’impossibilité de réaliser des réformes globales et à un déficit qui ne cesse d’augmenter, il est très attirant de le vouloir à la tête du pays.
En même temps, il existe deux autres scénarios, plus «réalistes». Le gouvernement minoritaire s’éteindra après une période d’agonie, ce qui débouchera sur des élections anticipées ; ou bien les socialistes parviendront à garder le pouvoir jusqu’en 2010 avec, éventuellement, un autre premier ministre. Cette dernière alternative est tout à fait envi-sageable car, dans ces circonstances-là, il ne reste rien d’autre à faire que d’accepter le budget. Mais, alors, pourquoi toute cette tracasserie ? Voici une question qu’on se pose également à la City de Londres, par exemple.
Certes, les dangers sont ressentis par les promoteurs et les établissements de crédit étrangers, leurs déclarations ne laissent planer aucun doute. Les messages de S&P et de Fitch risquent de détériorer la qualification du déficit de l’Etat hongrois. Cependant, Citigroup et l’expert de Goldman Sachs pensent que la situation minoritaire du gouvernement limitera les dépenses prévues par le premier ministre, par conséquent au niveau des performances de l’Etat on ne doit pas s’attendre à une différence consi-dérable par rapport au programme de convergence. De toute manière, la figure centrale de cette histoire est toujours Ferenc Gyurcsány. Comme il est profondément engagé dans les réformes, les agents du marché ne devraient pas se réjouir de son éventuelle démission (provoquée). Toutefois, personne ne conteste qu’après la constitution ralentie d’un gouvernement ou des élections anticipées, il faudrait attendre au moins un an pour qu’un programme gouvernemental performant et acceptable puisse être présenté par qui que ce soit, tandis que le pays aurait besoin de réformes censées réduire les dépenses au plus vite.

Pál Planicka

 

Catégorie