LE BILLET D’HUMEUR INSTANTANÉE

LE BILLET D’HUMEUR INSTANTANÉE

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Le Billet d'Humeur

Lendemain de joyeuse fête Nat à l’ambassade de France, il pleut toujours des cordes sur Budapest. Mille Milliards de Mille Sabords…

Et moi émoi qui revient du Morbihan avec ses grains glacés, son vent à arracher toutes les petites queues en tire-bouchon de tous les petits cochons bretons ! Là-bas je me disais, bientôt Budapest et sa chaude vie d’été, pêches, melons et haszé . Oui, je me promettais bien une vraie vie de patachon, une vraie vie de pâte à choux… sans enfants. Et bien plouf-plouf, il pleut, il mouille, c’est une vraie fête à la grenouille.

Justement ça tombe bien. Que faire d’autre que d’aller au Szépmûvészeti Múzeum pour une exposition dont on m’a parlé :

Soul & Body de Kertész à Mapplethorpe à travers les yeux des plus grands maîtres de la photo. Mazette, tout un programme ! Franchement, rien qu’au titre j’ai hésité tant j’en ai ras les mirettes de ces grands-messes caisse enregistreuse-fourre tout qui fleurissent un peu partout ces dernières années dans les meilleurs musées. La dernière tendance européenne des commissaires d’exposition est aux concepts thématiques les plus emphatiques, aux didactismes élitistes les plus opaques. On cherche à nous faire comprendre avant de nous donner à voir ; on veut nous faire penser avant de nous émouvoir. Bref, je doutais franchement que derrière un titre aussi ronflant puisse se cacher un temps suspendu comme je les aime vraiment. Mais comme la pluie me talonnait, un peu en traînant des pieds, j’y suis quand même allée. Plus de 24h après, je n’en suis toujours pas revenue car…

Voilà bien la première grande exposition intrinsèquement et quasi organiquement hongroise que l’on pouvait rêver.

Elle l’est tout à fait corps et âme, sans nationalisme affiché, sans mise en scène tapageuse, sans approche thématique tirée par les cheveux. Dans ce domaine, les images parlent par elles-mêmes et on les laisse faire. Tout est clair, tout est limpide : ses textes entièrement bilingues, son découpage, sa scénographie et la très grande qualité des tirages dont certains sont de très rares beautés. L’oeil n’en finit pas de voyager, de découper des volumes, d’analyser des détails. Certaines images sont douces, certaines images sont dures. On navigue toujours à vue, parfois un peu groggy, mais finissant toujours, de l’une à l’autre, par toucher terre. Et puis il y a celles que l’on croyait connaître, les grandes stars croisées maintes fois imprimées, celles qui font partie de nous et dont je ne savais rien en réalité.

Tout à coup, elles sont là, tout en grains, tout en velours, tout en satins : L’autoportrait de Mapplethorpe se sachant condamné, le frère de Kertész faisant le faune, la môme bijoux de Brassaï, le bain au lac Tanganyika de Munkácsi, l’émigrante pendant la Grande Dépression de Lange, le Dimanche en bord de Marne de Cartier-Bresson, le républicain espagnol qui tombe de Capa, le petit homme seul à Tien An Men de Franklin …

Dans de tels tirages, rien de déjà vu!

Et puis il y a les autres, celles que l’on découvre, que l’on apprivoise, et qui, parfois, vous jettent au tapis : des personnalités, des enfants, des mères, des morts, des femmes légères, des fleurs, des miséreux, des travailleurs… tout un petit monde en soi rien que pour vous et moi. Quelle joie inouïe d’aller ainsi…

Aujourd’hui sur Budapest, il soleille, il illumine. C’est une vraie fête à la rétine. Voilà bien le parfait alibi pour y retourner car dans un musée, en plus d’être au sec, on est toujours au frais.

Marie-Pia Garnier

 

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